Une soirée pétillante
C’est devant une salle comble que s’est produite, mardi 18 mai, la Compagnie Les Larrons avec la brillante et courte pièce d’Alfred de Musset « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ». Isabelle Andréani, qui assurait la mise en scène avec brio, a annoncé la comédie par un lever de rideau, La Clé du grenier d’Alfred, prologue qu’elle a elle-même écrit et dont le propos est de rappeler que l’œuvre du poète romantique a été foisonnante, et d’annoncer le thème central de la pièce, la déclaration d’amour. La pièce de Musset est donc insérée avec bonheur dans une autre histoire qui lui fait écho.
Les souvenirs du passé, et peut-être les secrets, sont parfois relégués au grenier. C’est donc dans le grenier de la maison de Musset, que nous entrons avec sa servante Léonie et son cocher Edouard. Poussiéreux à souhait, le lieu est fort encombré de malles, de vieilles étoffes, de tableaux … et surtout de manuscrits du poète dont il ne reste parfois que des feuilles froissées à terre.
La servante et le cocher sont à la recherche d’un harnais, mais ce prétexte est vite oublié au profit d’un duo amoureux ponctué par leur lecture des textes de l’écrivain auquel ils vouent un véritable culte, extraits de Lorenzaccio, des Caprices de Marianne, fragments de poèmes, correspondance coquine avec George Sand. Clins d’œil vers le public qui apprécie de réentendre – ou de découvrir - les phrases de Musset venues de ses autres œuvres. Et comme ces domestiques lettrés savent par cœur « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée », avec enthousiasme ils se lancent pour leur seul plaisir dans le jeu théâtral, qui leur permet aussi de s’avouer leurs sentiments. Soubrette et cocher deviennent marquise et comte. Un châle noir et un haut-de-forme troué seront leurs costumes. Le parler populaire laisse la place au langage brillant et raffiné des salons. De quoi est-il question ? D’amour bien sûr ! Exercice de marivaudage, elle le repousse, lassée des compliments sur sa beauté, il veut partir, mécontent d’être écarté, elle le retient, on sonne, il se retire, elle le rappelle… jusqu’à ce qu’enfin il la demande en mariage. A la fin de la comédie de Musset, les domestiques retrouvent leur propre vie, mais par le truchement du théâtre, un court instant ils se sont rapprochés.
Isabelle Andréani joue à merveille la jolie femme impulsive, vive et sensuelle. Son visage épanoui, ses regards expressifs… et ses rondeurs sont une lumière autour de laquelle tourne l’amoureux, tantôt cocher, tantôt comte. Xavier Lemaire sait restituer toute la palette des sentiments qui agitent celui qui est épris, la discrétion du cocher qui n’ose entreprendre, le dépit de l’homme évincé, l’emportement et la passion de l’aristocrate qui, sans retenue, se déclare enfin.
Le public du festival a été conquis par cette prestation et a manifesté son bonheur par de nombreux et chaleureux rappels.
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C’est un exercise particulièrement osé: mélanger son écriture, son jeu, sa scène avec celle de Musset!
En garder l’essence, ranimer sa flamme, bcp de doigté, un seste d’humour, un cri d’amour…
un gros coup de coeur pour une soirée ennivrante de sensualité!