Mémoire du Festival théâtral
« La lumière a été la moitié de ma vie »
Nous avons présenté l’an dernier tous les bénévoles de l’association qui sont à l’œuvre pour que le Festival perdure. Mais dès 1982, bien d’autres personnes ont participé aux débuts de cette aventure, notamment Philippe Victorion et son épouse Christiane que nous avons rencontrés à quelques jours de l’ouverture du 29° Festival.
A la retraite depuis une vingtaine d’années, Philippe et Christiane restent fidèles au théâtre et ne manquent pas une saison depuis bientôt trente ans.
Coye29 : Philippe, qu’est-ce qui vous a amené à faire partie de l’équipe fondatrice du Festival ?
P. V. : A l’époque, c’était les associations qui faisaient tourner le Festival, entre autres celle des Amphibiens dont je m’occupais alors. Comme il fallait un technicien et qu’il n’y avait pas beaucoup d’argent, j’ai proposé mes services et j’ai été pendant dix ans le régisseur bénévole lumière et son du Festival. Je travaillais alors dans une société qui a lancé la basse tension, qui vendait des projecteurs et disposait d’unités techniques pour le cinéma. Je pouvais donc facilement mettre du matériel à disposition.
Coye29 : En quoi consistait votre activité pendant la saison du Festival ?
P.V. : J’ai été au service des metteurs en scène pour l’éclairage, avec une préférence pour la basse tension. Des projecteurs de 12 volts sont quand même plus faciles à manier quand on est perché sur un échafaudage ! Et l’échafaudage des débuts du Festival n’était pas très sûr.
La journée commençait à 8h, à l’arrivée de la troupe qui devait jouer le soir même. En suivant les indications du metteur en scène, il fallait installer les projecteurs, puis faire les réglages. Je passais donc une partie de la journée grimpé dans l’échafaudage que l’on déplaçait avec difficulté, soit au sol, soit sur l’estrade – la scène en hauteur de l’époque. Régulièrement je devais aussi trouver le temps d’aller près d’Amiens chercher des projecteurs que le Conseil Régional nous prêtait, et que je rapportais parfois du jour au lendemain, parce qu’une autre manifestation en Picardie les demandait… pour aller les rechercher ensuite ! La journée ne se terminait pas avant deux heures du matin, puisqu’à la fin du spectacle il fallait tout démonter pour le lendemain.
La journée commençait à 8h, à l’arrivée de la troupe qui devait jouer le soir même. En suivant les indications du metteur en scène, il fallait installer les projecteurs, puis faire les réglages. Je passais donc une partie de la journée grimpé dans l’échafaudage que l’on déplaçait avec difficulté, soit au sol, soit sur l’estrade – la scène en hauteur de l’époque. Régulièrement je devais aussi trouver le temps d’aller près d’Amiens chercher des projecteurs que le Conseil Régional nous prêtait, et que je rapportais parfois du jour au lendemain, parce qu’une autre manifestation en Picardie les demandait… pour aller les rechercher ensuite ! La journée ne se terminait pas avant deux heures du matin, puisqu’à la fin du spectacle il fallait tout démonter pour le lendemain.
Coye29 : Et vous, Christiane, que faisiez-vous pendant ce temps ?
Christiane Victorion : Je venais au Centre bien sûr, et je n’étais vraiment pas rassurée quand je voyais Philippe juché à cinq mètres de hauteur, les bras en l’air et les mains dans les fils ! Je faisais ce que je pouvais pour aider, je restais au sol et lui apportais ce qui lui manquait pour lui éviter de redescendre de son perchoir !
P.V : Le Festival à l’époque, c’était très physique ! Tous les bénévoles y travaillaient : monter l’estrade, installer les chaises, nettoyer la salle…
Les gradins ont été installés par la suite, ainsi qu’une véritable scène. Ce qui a été une grande amélioration. Il est d’ailleurs dommage que les gradins doivent être aujourd’hui encore démontés puis remontés chaque année. Le matériel en souffre, et il serait bon que cette salle reste une salle de spectacle, car c’est un lieu exceptionnel avec une excellente acoustique.
Coye29 : Qu’est-ce qui a été particulièrement intéressant pour vous pendant ces dix ans ?
P.V. : L’intérêt, c’est le contact direct avec les troupes. Cela permettait de voir l’évolution du théâtre. Au début, nous faisions plutôt venir de petites troupes qui cherchaient à se faire connaître. Ensuite, comme le public était exigeant sur la qualité des spectacles, les metteurs en scène l’étaient aussi, si bien que sur le plan technique il a fallu s’adjoindre un régisseur professionnel d’autant que j’avais un peu passé l’âge des acrobaties ! Voir les troupes au travail m’a appris que pour un metteur en scène, la scène passe avant tout. Un jour, j’avais prêté un guéridon qui manquait pour un décor. Dans la pièce, un des acteurs devait lui donner un coup. Il l’a fait avec tant de conviction qu’il en a cassé le guéridon ! Le metteur en scène était ravi !
Ce que j’aimais aussi, c’est la solidarité entre les bénévoles, entre les associations qui s’impliquaient, les discussions autour du choix des spectacles, les préférences, les rejets…
Coye29 : Vous êtes restés tous les deux fidèles au Festival.
P.V. : Absolument. Ce qui me plaît au Festival, c’est qu’on y rencontre des gens que l’on ne voit qu’une fois par an. Et quand quelqu’un manque une année, on s’inquiète…
Coye29 : Comment vos parcours personnels et professionnels vous ont-ils conduits au théâtre ?
C.V. : J’étais professeur de lettres classiques, d’abord pendant 12 ans à Chantilly, puis en classe préparatoire à Paris, au lycée Claude Monet. J’aimais aller au théâtre pour voir quelles interprétations peuvent être données à une pièce, suivre l’évolution des mises en scène et du jeu des acteurs. Au début, les acteurs parlaient debout face public ; maintenant, ils sont facilement de dos, parfois se roulent à terre…
P.V. : Chez moi, les livres ont été présents dans toute ma jeunesse. Ma famille, d’origine lorraine, a tenu une librairie de demi-gros dans le quartier de l’Odéon pendant une centaine d’années. La librairie Victorion a fêté ses 100 ans en 1997. Elle a été vendue ensuite et remplacée par… un magasin de sous-vêtements, au grand désespoir de mes oncles. Je passais tous mes jeudis dans la librairie de mon grand-père. Un vrai capharnaüm au premier coup d’œil, mais derrière lequel régnait un ordre interne sévère : chaque pile avait son destinataire. Mon grand-père me confiait des livres que j’emportais chez moi avec mille précautions, car il fallait les rendre dans un état impeccable évidemment pour qu’ils puissent être vendus. Pas question de les corner ! Je me souviens des dimanches et de leur rituel : d’abord la messe à Saint-Sulpice – j’ai eu la chance d’y entendre Marcel Dupré à l’orgue – puis la visite chez la grand-mère où les fils buvaient le vin cuit tout en échangeant des propos très vifs. Les discussions politiques allaient bon train dans la famille, puisque mon père était de gauche, un de ses frères était Croix de feu et un autre catholique de gauche. C’est dire ! Et l’après-midi se finissait pour moi dans la lecture : il y avait une sorte de grande penderie dans l’appartement où mon grand-père entreposait des livres, des bandes dessinées, un vrai trésor.
Coye29 : Et ce qui vous a conduit vers l’éclairage de la scène de Coye-la-forêt, c’est aussi votre vie professionnelle.
PV : Oui, la lumière a été la moitié de ma vie. Après dix ans chez Alsthom, je me suis intéressé à la lumière. C’est ainsi que j’ai participé à l’éclairage de nombreux musées et monuments, notamment le Louvre, l’Institut du Monde arabe, l’Opéra Bastille. C’était passionnant, d’autant que j’ai travaillé avec des architectes comme Leoh Ming Pei, Jean Nouvel, Jean-Michel Wilmotte. Des rencontres qui marquent.
Coye29 : Et vous vous êtes bien investis dans Coye-la-forêt aussi !
P.V. : Nous sommes arrivés en 1967, la maison était tout juste finie, dans un des premiers lotissements, rue des Ronciers. Avec Gilbert Balayn, j’ai créé, pour les jeunes surtout, l’association des Amphibiens qui proposait plusieurs activités comme le yoga - j’étais professeur bénévole - la guitare, la danse, la piscine. Nous organisions des concerts une fois par mois. En 2004, après 33 ans de vie, l’association a été dissoute, d’autres ont pris le relais pour une partie des activités, et la mairie de Coye-la-forêt m’a aimablement remis une médaille de la ville pour bons et loyaux services.
Maintenant, la musique a pris le relais avec l’Atelier Choral et Instrumental de Luzarches dont nous faisons partie. La chorale se déplace en France, en Italie, à Saint-Pétersbourg… Notre directeur de chant, André Rocland, travaille en collaboration avec un chef d’orchestre russe qui nous accompagne avec des instruments traditionnels. Comme vous le voyez, notre retraite est agréablement occupée.
Coye29 : Merci à vous, Philippe et Christiane Victorion, pour nous avoir restitué l’atmosphère des débuts du Festival et nous avoir livré aussi des souvenirs personnels à travers lesquels vous exprimez votre bonheur de vivre et vos passions.
P.V : Le Festival à l’époque, c’était très physique ! Tous les bénévoles y travaillaient : monter l’estrade, installer les chaises, nettoyer la salle…
Les gradins ont été installés par la suite, ainsi qu’une véritable scène. Ce qui a été une grande amélioration. Il est d’ailleurs dommage que les gradins doivent être aujourd’hui encore démontés puis remontés chaque année. Le matériel en souffre, et il serait bon que cette salle reste une salle de spectacle, car c’est un lieu exceptionnel avec une excellente acoustique.
Coye29 : Qu’est-ce qui a été particulièrement intéressant pour vous pendant ces dix ans ?
P.V. : L’intérêt, c’est le contact direct avec les troupes. Cela permettait de voir l’évolution du théâtre. Au début, nous faisions plutôt venir de petites troupes qui cherchaient à se faire connaître. Ensuite, comme le public était exigeant sur la qualité des spectacles, les metteurs en scène l’étaient aussi, si bien que sur le plan technique il a fallu s’adjoindre un régisseur professionnel d’autant que j’avais un peu passé l’âge des acrobaties ! Voir les troupes au travail m’a appris que pour un metteur en scène, la scène passe avant tout. Un jour, j’avais prêté un guéridon qui manquait pour un décor. Dans la pièce, un des acteurs devait lui donner un coup. Il l’a fait avec tant de conviction qu’il en a cassé le guéridon ! Le metteur en scène était ravi !
Ce que j’aimais aussi, c’est la solidarité entre les bénévoles, entre les associations qui s’impliquaient, les discussions autour du choix des spectacles, les préférences, les rejets…
Coye29 : Vous êtes restés tous les deux fidèles au Festival.
P.V. : Absolument. Ce qui me plaît au Festival, c’est qu’on y rencontre des gens que l’on ne voit qu’une fois par an. Et quand quelqu’un manque une année, on s’inquiète…
Coye29 : Comment vos parcours personnels et professionnels vous ont-ils conduits au théâtre ?
C.V. : J’étais professeur de lettres classiques, d’abord pendant 12 ans à Chantilly, puis en classe préparatoire à Paris, au lycée Claude Monet. J’aimais aller au théâtre pour voir quelles interprétations peuvent être données à une pièce, suivre l’évolution des mises en scène et du jeu des acteurs. Au début, les acteurs parlaient debout face public ; maintenant, ils sont facilement de dos, parfois se roulent à terre…
P.V. : Chez moi, les livres ont été présents dans toute ma jeunesse. Ma famille, d’origine lorraine, a tenu une librairie de demi-gros dans le quartier de l’Odéon pendant une centaine d’années. La librairie Victorion a fêté ses 100 ans en 1997. Elle a été vendue ensuite et remplacée par… un magasin de sous-vêtements, au grand désespoir de mes oncles. Je passais tous mes jeudis dans la librairie de mon grand-père. Un vrai capharnaüm au premier coup d’œil, mais derrière lequel régnait un ordre interne sévère : chaque pile avait son destinataire. Mon grand-père me confiait des livres que j’emportais chez moi avec mille précautions, car il fallait les rendre dans un état impeccable évidemment pour qu’ils puissent être vendus. Pas question de les corner ! Je me souviens des dimanches et de leur rituel : d’abord la messe à Saint-Sulpice – j’ai eu la chance d’y entendre Marcel Dupré à l’orgue – puis la visite chez la grand-mère où les fils buvaient le vin cuit tout en échangeant des propos très vifs. Les discussions politiques allaient bon train dans la famille, puisque mon père était de gauche, un de ses frères était Croix de feu et un autre catholique de gauche. C’est dire ! Et l’après-midi se finissait pour moi dans la lecture : il y avait une sorte de grande penderie dans l’appartement où mon grand-père entreposait des livres, des bandes dessinées, un vrai trésor.
Coye29 : Et ce qui vous a conduit vers l’éclairage de la scène de Coye-la-forêt, c’est aussi votre vie professionnelle.
PV : Oui, la lumière a été la moitié de ma vie. Après dix ans chez Alsthom, je me suis intéressé à la lumière. C’est ainsi que j’ai participé à l’éclairage de nombreux musées et monuments, notamment le Louvre, l’Institut du Monde arabe, l’Opéra Bastille. C’était passionnant, d’autant que j’ai travaillé avec des architectes comme Leoh Ming Pei, Jean Nouvel, Jean-Michel Wilmotte. Des rencontres qui marquent.
Coye29 : Et vous vous êtes bien investis dans Coye-la-forêt aussi !
P.V. : Nous sommes arrivés en 1967, la maison était tout juste finie, dans un des premiers lotissements, rue des Ronciers. Avec Gilbert Balayn, j’ai créé, pour les jeunes surtout, l’association des Amphibiens qui proposait plusieurs activités comme le yoga - j’étais professeur bénévole - la guitare, la danse, la piscine. Nous organisions des concerts une fois par mois. En 2004, après 33 ans de vie, l’association a été dissoute, d’autres ont pris le relais pour une partie des activités, et la mairie de Coye-la-forêt m’a aimablement remis une médaille de la ville pour bons et loyaux services.
Maintenant, la musique a pris le relais avec l’Atelier Choral et Instrumental de Luzarches dont nous faisons partie. La chorale se déplace en France, en Italie, à Saint-Pétersbourg… Notre directeur de chant, André Rocland, travaille en collaboration avec un chef d’orchestre russe qui nous accompagne avec des instruments traditionnels. Comme vous le voyez, notre retraite est agréablement occupée.
Coye29 : Merci à vous, Philippe et Christiane Victorion, pour nous avoir restitué l’atmosphère des débuts du Festival et nous avoir livré aussi des souvenirs personnels à travers lesquels vous exprimez votre bonheur de vivre et vos passions.
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