Patrick Raynal, un écrivain à la bibliothèque
L’œil bleu et vif derrière ses lunettes, barbichette blanche, visage rond et jovial, Patrick Raynal était l’invité de la bibliothèque vendredi 15 avril. Les lecteurs étaient nombreux, des amateurs de polars, qui avaient lu ses romans présentés dans les rayonnages depuis quelques semaines - Ex, paru en 2009, Fenêtre sur femmes, 1988 - et tous ceux qui voulaient profiter de l’occasion pour entendre un auteur parler de son travail d’écriture. Agnès Bouchard avait mis tout en œuvre pour que la soirée soit attrayante et prévu un apéritif dînatoire. On parlerait lecture après s’être restauré. Bonne idée ! Autour du buffet très fourni que notre bibliothécaire avait préparé, les échanges s’engagèrent naturellement et la soirée se déroula comme une « conversation entre amis ».
Mais avant de discuter, faisons connaissance. Patrick Raynal arbore deux casquettes, comme il le dit lui-même, d’écrivain et d’éditeur. Un écrivain, dit-il, est souvent obligé d’avoir un autre métier ! C’est ainsi qu’il a travaillé dans l’édition depuis 1991sous la direction d’Antoine Gallimard, comme responsable de la célèbre collection Série noire, avant de créer une deuxième collection, La Noire, fac-similé de La Blanche. Il dit sa joie de découvrir des manuscrits, la grande fierté à révéler au public de grands auteurs, comme les frères Gueorgui et Arcadi Vaïner : « Cela me rend plus fier que ce que j’écris. »
Après un survol des romanciers qui ont marqué des étapes dans l’histoire du polar – Crime et Châtiment est un beau roman policier, dit-il, l’auteur du crime se sent tellement coupable qu’il se dénonce-, Agatha Christie qui a inventé l’assassin-narrateur avec Le meurtre de Roger Ackroyd, l’écrivain affirme sa préférence pour le roman américain dans lequel la recherche du coupable n’est pas l’essentiel, mais où il s’agit d’expliquer le crime, de montrer dans la société le chaînon de violence qui y conduit.
Le romancier regrette la connotation négative attachée à l’étiquette Roman noir. On peut voir le monde en rose bonbon ou en gris, ou en noir, explique-t-il, tout est affaire de regard, et du choix de l’angle de prise de vue. On pourrait, ajoute-t-il, faire des pièces de Molière des romans noirs. Il se dit d’ailleurs très pessimiste sur l’avenir du monde, de la civilisation - l’avenir du roman est dans le roman noir, a-t-il soutenu à Alain Finkielkraut - et conseille même de relire Grandeur et décadence de l’empire romain ! Pourtant il n’entend pas faire « passer un message » dans ses romans mais simplement raconter une histoire, faire vivre des personnages. « Quand j’écris, je pense à mon histoire, à mes personnages, je les mets sur terre, je les laisse évoluer librement. Et je suis dans tous mes personnages, même dans leurs défauts. Ce que j’aime, c’est fouiller des avatars de moi-même, créer des personnages que j’aurais pu être. »
Le dernier livre qu’il a publié, en 2008, est Lettre à ma grand-mère. On quitte le roman et la fiction pour entrer dans l’intimité de l’écrivain et de sa famille, de cette grand-mère dont il parle avec simplicité et tendresse, qui fut agent de liaison dans la Résistance et déportée à Ravensbrück. A la mort de sa mère, il a trouvé un manuscrit de sa grand-mère qui avait, à son retour, raconté sa déportation. Texte qui a été longtemps bien enseveli, bien caché dans la famille comme un secret. Le découvrant avec une émotion que l’on imagine, il a eu envie de répondre à sa grand-mère, de parler de sa propre vie en lui répondant. C’est ainsi que ce dernier livre est né. Nous sommes loin du roman noir, ou plutôt nous sommes dans ce qu’il y a eu de plus noir.
La conversation s’est poursuivie tard dans la nuit, tant les questions étaient nombreuses, tant les échanges étaient fluides et naturels, si bien que l’on a quitté la bibliothèque avec le sentiment d’avoir passé quelques heures un peu hors du temps à parler des livres et de la vie, si intimement liés. Les soirées à la bibliothèque sont décidément une réussite, d’autant qu’elles s’ouvrent sur l’envie de découvrir d’autres livres, ceux de l’écrivain invité, bien sûr, actuellement prêtés à Coye-la-forêt par la Médiathèque départementale, ainsi que ceux qu’il aime comme Le couperet, de Donald E. Westlake, Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry, et le célèbre Docteur Jekyll et Mister Hyde, de Stevenson.
Le romancier regrette la connotation négative attachée à l’étiquette Roman noir. On peut voir le monde en rose bonbon ou en gris, ou en noir, explique-t-il, tout est affaire de regard, et du choix de l’angle de prise de vue. On pourrait, ajoute-t-il, faire des pièces de Molière des romans noirs. Il se dit d’ailleurs très pessimiste sur l’avenir du monde, de la civilisation - l’avenir du roman est dans le roman noir, a-t-il soutenu à Alain Finkielkraut - et conseille même de relire Grandeur et décadence de l’empire romain ! Pourtant il n’entend pas faire « passer un message » dans ses romans mais simplement raconter une histoire, faire vivre des personnages. « Quand j’écris, je pense à mon histoire, à mes personnages, je les mets sur terre, je les laisse évoluer librement. Et je suis dans tous mes personnages, même dans leurs défauts. Ce que j’aime, c’est fouiller des avatars de moi-même, créer des personnages que j’aurais pu être. »
Le dernier livre qu’il a publié, en 2008, est Lettre à ma grand-mère. On quitte le roman et la fiction pour entrer dans l’intimité de l’écrivain et de sa famille, de cette grand-mère dont il parle avec simplicité et tendresse, qui fut agent de liaison dans la Résistance et déportée à Ravensbrück. A la mort de sa mère, il a trouvé un manuscrit de sa grand-mère qui avait, à son retour, raconté sa déportation. Texte qui a été longtemps bien enseveli, bien caché dans la famille comme un secret. Le découvrant avec une émotion que l’on imagine, il a eu envie de répondre à sa grand-mère, de parler de sa propre vie en lui répondant. C’est ainsi que ce dernier livre est né. Nous sommes loin du roman noir, ou plutôt nous sommes dans ce qu’il y a eu de plus noir.
La conversation s’est poursuivie tard dans la nuit, tant les questions étaient nombreuses, tant les échanges étaient fluides et naturels, si bien que l’on a quitté la bibliothèque avec le sentiment d’avoir passé quelques heures un peu hors du temps à parler des livres et de la vie, si intimement liés. Les soirées à la bibliothèque sont décidément une réussite, d’autant qu’elles s’ouvrent sur l’envie de découvrir d’autres livres, ceux de l’écrivain invité, bien sûr, actuellement prêtés à Coye-la-forêt par la Médiathèque départementale, ainsi que ceux qu’il aime comme Le couperet, de Donald E. Westlake, Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry, et le célèbre Docteur Jekyll et Mister Hyde, de Stevenson.
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