TABLE RONDE AUTOUR DES ACTEURS DU SPECTACLE VIVANT
Réunion publique du 23 février 2012
en présence de Patrice Bloche, député de Paris et secrétaire national du Parti socialiste aux médias
Dans le cadre de l’élection présidentielle à venir, Coye-la-forêt n’est pas restée à l’écart des débats. Le Comité de campagne de Chantilly qui soutient la candidature de François Hollande a choisi le Centre culturel pour rassembler tous ceux pour qui le spectacle vivant représente une force et une richesse. Christian Gautellier, animateur de la table ronde, annonce que la soirée est organisée pour qu’autour des élus les acteurs qui animent des projets dans l’Oise témoignent et expriment leurs attentes par rapport à un projet de gauche. Et Dominique Louis-Dit-Trieau, conseiller municipal de Chantilly, ajoute qu’en cette salle de spectacle du Centre culturel de Coye-la-forêt, depuis 1981, vit un festival théâtral exceptionnel. Une date et un lieu symboliques.
Face à une assistance nombreuse une dizaine d’intervenants sont réunis sur le plateau. Des élus de gauche, bien sûr, autour de Patrick Bloche, secrétaire national du Parti socialiste : Claude Gewerc, Président du Conseil Régional, Michel Françaix, député de l’Oise et Jean-Paul Douet, Vice-président du Conseil Général chargé de l’action culturelle.
Des acteurs dans la vie culturelle de l’Oise, comme Jean-François Gabillet, Président du Festival théâtral de Coye-la-forêt, Thierry Charpiot, comédien et metteur en scène, Mokhtar Bahnas, responsable du Festival de musiques actuelles Mix Up, Philippe Georget, Président du Théâtre de la Faïencerie, Pascal Clauzard, Directeur du festival Eclats de rue, Sarah Cherfaoui, Directrice du Centre d’animation et de loisirs du Clermontois.
Les interventions
« LA CULTURE POUR TOUS ET PARTOUT », c’est justement, dit Jean-François GABILLET, l’ambition et la raison d’être du Festival théâtral qui prépare sa 31° édition et dont Claude Domenech est à l’origine. Faire connaître le théâtre, rendre un théâtre de qualité accessible à tous grâce à une tarification étudiée (plein tarif à 16 euros et de nombreuses possibilités de tarifs réduits). Malgré quelques difficultés financières parfois, le Festival tient bon, assure le président, le public est là. L’an dernier, il y a eu une moyenne de 220 entrées par spectacle dans une salle de 250 places. Cela n’est évidemment possible qu’avec l’aide des collectivités, la municipalité, la Communauté de communes, les Conseils Régional et Général, soutiens auxquels s’ajoutent des aides privées. La Drac (ndlr : la Direction Régionale des Affaires Culturelle gère la politique de l’Etat au niveau régional) a aussi beaucoup aidé le Festival pendant toutes ces années, mais elle a changé de politique et s’est désengagée. J.F. Gabillet regrette beaucoup cette absence de l’Etat car c’était un signe de reconnaissance important et une aide pour la diffusion du Festival.
Ndlr : le 31° festival théâtral de Coye-la-Forêt aura lieu du 10 au 30 mai. www.festivaltheatraldecoye.com
Mokhtar BAHNAS est Directeur du Festival de musiques actuelles, Mix Up.
Ce festival est né en juin 2008, explique-t-il, et le public ne cesse d’augmenter, 10 000 personnes en 2011. Il est issu d’un travail collectif dont le projet est de rassembler des groupes qui se produisent ailleurs, par exemple à la Grange à musique ou à la Manekine, et de défendre des esthétiques musicales peu diffusées.
La problématique est liée à la précarité des équipes qui montent le festival, ajoute-t-il, c’est un festival associatif dans lequel l’Etat n’intervient pas. Heureusement les collectivités apportent des aides, notamment la ville de Creil qui s’implique beaucoup.
Ndlr : Prochain festival les 2 et 3 juin à Creil où vingt groupes sont attendus. www.mixupfestival.com
Jean-Paul DOUET précise les objectifs du Conseil Général : « Depuis 2004, nous avons voulu être présents partout et pratiqué une politique de proximité et de contractualisation. Nous avons accentué les aides en direction des collégiens (théâtre, cinéma). Le Conseil est confronté à l’abandon des aides de l’Etat. Ainsi une loi a été mise en place pour les enseignements artistiques, mais sans le soutien d’un budget spécifique. »
Claude GEWERC, Président du Conseil Régional, reconnaît que le budget de la DRAC a augmenté mais au lieu d’aider les artistes du spectacle vivant, elle cible ses interventions vers des « spécialistes », comme la comédie de Picardie. « Or les troupes sont nombreuses - 2292 compagnies en Picardie - et cherchent des lieux où se produire. Ce qui est fondamental, c’est d’avoir les moyens d’adopter des programmes pluriannuels. Entre 2004 et 2012 le budget de la culture a doublé dans la Région, mais avec la suppression de la taxe professionnelle et la loi de finances 2010, nous perdons 23 millions chaque année. Nos marges de manœuvre diminuent. Nous avons créé 2 000 postes d’emplois solidaires, pour un budget de 20 millions par an. Si l’Etat ne s’engage pas davantage, nous ne pourrons poursuivre. Au moment où l’on vit cette crise, qu’y a-t-il de mieux que la culture pour inventer autre chose ? »
« La priorité de la gauche, dit Philippe GEORGET, président du Théâtre de la Faïencerie, est de restaurer l’état culturel. Les DRAC ont été asséchées dans leurs moyens d’intervention. Notre pays connaît la décentralisation de la culture, l’Etat se désengage et 70% du financement est assuré par les collectivités territoriales dont les moyens sont pourtant limités. La loi sur le mécénat vise à substituer à l’Etat les entreprises privées. Or, le mécénat ne doit être qu’un supplément d’aide.»
Sarah CHERFAOUI, directrice du centre de loisirs du Clermontois, renchérit : « Le monde de la culture est en danger, surtout dans le contexte économique difficile. On voit des compagnies théâtrales disparaître. Et l’augmentation de la TVA est un coup sérieux porté aux budgets des petits festivals. »
Pascal CLAUZARD, directeur du festival Eclats de rue : « Si une collectivité ne soutient pas un projet culturel, celui-ci n’est pas viable. Par exemple, la mairie de Saint-Maximin permet à chaque enfant du CP au CM2 de suivre pendant ses cinq ans de scolarité dans la commune un apprentissage du théâtre, dans l’optique d’ouvrir l’enfant au théâtre et aussi de lui permettre d’acquérir les clefs pour réussir l’entrée au collège. Cette activité est essentielle surtout pour les enfants qui ont des difficultés scolaires, car le fait de pratiquer le théâtre peut leur permettre de revenir dans le cursus scolaire. Il faudrait poursuivre le projet au collège, mais l’Education nationale met des freins. Les classes à option théâtre n’ont pas de financement. Les classes APA (à option artistique) ont considérablement diminué.»
Philippe GEORGET, témoigne de plusieurs situations qu’il connaît bien car il est également professeur. « Je souscris tout à fait à ce qui vient d’être dit, je suis professeur de théâtre notamment au lycée Jeanne Hachette. La réforme des lycées actuelle tue complètement toute activité artistique, alors que je crois vraiment que l’apport de l’art dans l’éducation est très important. Je voudrais témoigner d’un projet que j’ai soumis au Conseil Régional il y a 7 ans, au nom d’un mouvement éducation populaire, pour faire partir des lycéens en Avignon pour des séjours courts, pour voir des spectacles, réfléchir dessus, pratiquer ce que l’on appelle l’école du spectateur. Le Conseil Régional nous a entièrement suivis, ce qui a permis chaque année à 100 lycéens et apprentis peu familiers du théâtre de partir à Avignon.»
Thierry CHARPIOT, comédien, évoque de manière très concrète les difficultés des intermittents : « En 1983 nous étions rémunérés au mois. Ensuite il a fallu totaliser 43 cachets par an. Et maintenant, c’est en 10 mois. Le statut s’est durci. Je reviens de Chine où j’ai travaillé, ce qui m’a permis de produire ensuite moi-même le spectacle que je viens de jouer à Coye, et j’ai pu aider un ami auquel il manquait des cachets. On travaille sur des projets qui demandent des mois de préparation. La culture ne peut être placée sous le signe de la rentabilité.»
Michel FRANÇAIX, député de l’Oise : « Nous voyons bien que nous sommes à la fin d’un cycle. Il y a eu André Malraux, Jack Lang. Maintenant le monde entre dans la marchandisation. Il va falloir un autre modèle. Le ministère de la Culture connaît une crise d’identité. Il est dans le paraître, non dans l’action. Il ne se passe plus rien. Un plan national d’éducation artistique est nécessaire pour une égalité entre les territoires. Permettre à tous les jeunes d’aller au théâtre, de voir de la peinture, d’aller au concert. Et ne laissons pas marchandiser la culture. La hausse de la TVA est un scandale, qui peut ruiner les librairies indépendantes. »
Pour Patrick BLOCHE, député de Paris, la phrase de Jean Zay, ministre de l’Education Nationale et des Beaux-Arts en 1936, garde toute son actualité: « S’il faut organiser les droits des travailleurs manuels, il faut aussi penser les droits des travailleurs intellectuels ».
« Le projet de François Hollande - La culture partout et pour tous - est un retour aux fondamentaux du Front populaire, dit-il. Depuis 2007 et la lettre de mission de Christine Albanel, la politique culturelle mise en place par Malraux a été renversée. Les budgets restent gelés et l’Etat s’implique moins. La Révision Générale des Politiques Publiques a frappé le Ministère de la Culture de plein fouet. Les collectivités se retrouvent donc seules pour assurer à 70% les dépenses culturelles.
Il faudra poursuivre des objectifs pour restaurer l’état culturel :
- clarifier les relations contractuelles entre Etat et collectivités
- avoir à l’esprit le mot « égalité », l’accès pour tous à la culture. L’éducation artistique est déterminante.
- à travers une loi d’orientation, répondre au besoin de soutien de tous ceux qui font exister le spectacle vivant, et à la crise de la diffusion artistique. Les troupes, les groupes vivent une « galère » pour trouver un lieu où se produire. Penser aux heures, aux semaines de travail pour produire un spectacle que l’on ne pourra représenter que de 5 à 9 fois en moyenne, faute de lieu d’accueil. Quel gâchis d’énergie, de talents !
Nous perdons beaucoup avec ceux qui abandonnent leur projet, leur choix de vie. Bien sûr, la cour des comptes pointe du doigt les comptes de l’Unedic. Il faudra avoir une discussion sur le sujet.»
Dans la salle intervient alors une plasticienne qui expose avec émotion ses difficultés et se plaint que l’intervention du député de Paris n’aborde pas la situation très précaire des artistes plasticiens. « Je crève dans l’Oise depuis onze ans. Depuis deux ans je reçois une subvention du Conseil Général, mais pour les arts plastiques dans l’Oise, c’est pire qu’ailleurs. Nous, nous n’avons pas d’intermittents. Vingt fois j’ai tenté en vain d’exposer à la Faïencerie. »
Patrick Bloche reconnaît les difficultés des artistes plasticiens : « Ils ont un statut d’indépendants et se retrouvent dans la situation d’exercer un autre métier pour vivre, ou n’avoir que le RSA comme revenu » Il conclut son intervention en rappelant le discours de François Hollande à Nantes « qui ne fait pas de la culture un objectif secondaire. Au contraire, en période de crise, les Français ont plus que jamais besoin de la culture. »
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