MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
De Molière
Les Burlesques associés
Mise en scène : Jean-Hervé Appéré
Oyez, oyez bonnes gens... Ce soir, on régale ! La farce est arrivée. Elle est déjà dans la salle, elle vous accueille, elle vous apostrophe ! Les tréteaux sont montés, le spectacle peut commencer !
Qu'importe après tout que l'on cherche parfois le texte dans ce tourbillon incessant, sous ces masques, sous ces hardes, que du patois picard on passe à l'espagnol, qu'importe que du classique on se retrouve en plein baroque...
Bonnes gens, vous êtes là pour rire et on s'y emploie sans vergogne, sans ces pudeurs de salon, sans ces règles de bienséance !
Jubilez ! Les victimes vous sont offertes : vous les connaissez déjà : ces médecins qui tuent sur ordonnance, ces juges qui déclament sans justice ni justesse, ces gens de qualité qui en sont dépourvus, ces coquins sans foi ni loi...
On force le trait, on ose, on choque ?
Que nenni ! C'est une farce que l'on donne ce soir à voir, à entendre, à savourer.
Recette éprouvée où l'on ne dédaigne pas d'ajouter une pincée de grossièreté, quelques gestes équivoques, une ou deux allusions aux maux de notre siècle, une bonne dose d'énergie, de souplesse et, pour relever le tout, de belles voix qui se répondent.
Michèle Wormser
Julie et Éraste s'aiment mais ne peuvent se marier, car Oronte, le père de la jeune fille, la destine à un gentilhomme limousin, M. de Pourceaugnac. Heureusement Nérine et Sbrigani se font forts d'obliger l'indésirable provincial à regagner Limoges.
La scène s'articule autour d'une estrade centrale à laquelle on accède par un escalier ou par un saut, l'un à cour et l'autre à jardin. Un grand rideau situé à l'arrière de la scène centrale sert à délimiter la profondeur de champ évoquant la voile flottant d'un navire et participe à la comédie.
Cet espace, très défini, permet de styliser les entrées, sorties, apparitions des personnages lors des intermèdes, mettant en valeur les déplacements, jeux de scènes et les rapports entre les personnages. Cette scène met en valeur la farce jouée à Pourceaugnac et sa cruauté.
Fidèle à l'esprit baroque de son temps les nombreuses ruses orchestrées par Sbrigani font du public un complice privilégié et s'accumulent dans une gradation effrénée qui confine au délire. On porte le déguisement, demi-masques de commedia dell'arte, masques pleins, nez pour faire rire les spectateurs comme des enfants.
C'est une comédie-ballet, entrecoupée d'intermèdes chantés et dansés. Comique de mots, comique de gestes, comique de répétition, comique de situation, s'enchaînent à notre plus grand plaisir, ponctués par les rires cristallins des enfants... On retrouve la critique des médecins et autres apothicaires qui plaît tant à Molière, on s?amuse avec toutes sortes de langues, d'accents, de jargons, ou la manière de parler alambiquée des médecins. Seul Pourceaugnac prend son rôle au sérieux !
Merci à la troupe, merci à la mise en scène, peu traditionnelle mais qui reste dans l'esprit de la farce ! Tour à tour ils endossent les habits, sautant d'un personnage à l'autre, cabriolant de l'estrade à la scène, du public au rideau... Les intermèdes musicaux sont inégaux, ajoutant au comique de la situation. On rit, la salle est d'humeur joyeuse, les enfants nombreux participent ainsi que le premier rang à la farce, la soirée est réussie. l'hommage rendu force le rappel, les spectateurs quittent la salle en bavardant joyeusement !
Si la forme peut paraître désuète aujourd?hui, le propos lui reste moderne. Chez Molière, l'amour et la jeunesse triomphent du pouvoir et de l'injustice. Cependant, la situation présentée est plus complexe qu'il n'y parait, car si Pourceaugnac est ridicule de par son nom et son désir d'ascension sociale, son plus gros défaut n'en reste pas moins d'être provincial. Son envie de progression sociale lui vaudra de vivre un cauchemar, qui bien que moteur de la farce, n'en est pas moins cruel et humiliant. Les amoureux sont-ils si vertueux ? La naïveté ignorante de Pourceaugnac est elle plus ridicule que la méchanceté et le mépris qui lui sont accordés ?
Molière ne donne pas de réponse et laisse le spectateur libre de se faire sa propre opinion. Toujours d'actualité cette dichotomie France d'en haut, France d'en bas, Paris contre Province trouve ici des échos d'une surprenante modernité...
Benoit Cantournet
GALERIE PHOTOS : MONSIEUR DE POURCEAUGNAC De Molière
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Oui, les enfants riaient et les comédiens avaient l’air de s’en étonner eux-mêmes. Les enfants sont indulgents. Mais dans l’ensemble, la salle était lourde ce soir. C’est que les spectateurs à Coye sont exigeants, surtout lorsqu’ils ont vu la veille ce petit bijou qu’était “Regardez, mais n’y touchez pas !", parfait en tout point, excellent de bout en bout, plein d’humour, d’inventivité, de drôlerie et… d’élégance (car on n’est pas obligé d’être vulgaire pour être drôle).
Le connaissant, on s’attendait à ce que Jean-Hervé Appéré, le lendemain, ramasse le gant. Hélas ! Quelle déception ! C’est qu’ un nom, du métier ("de la bouteille", comme on dit), quelques recettes éprouvées et autres grosses ficelles ne suffisent pas à faire un bon spectacle. Au milieu des cris et des gesticulations désordonnées, on n’entendait rien du texte de Molière. C’était bruyant, brouillon, agité, approximatif, et sans intérêt. Ennuyeux, pour tout dire.
Même après des années de mariage, si on veut poursuivre la route ensemble, il faut continuer à charmer et à étonner ; à tout le moins, il faut respecter son partenaire. Le spectacle cette fois donnait vraiment l’impression d’avoir été bâclé. Le public coyen, après des années de fidélité, ne méritait pas une si piètre performance.