Sauvegardons les peupliers du Chemin des Vaches
Monsieur le maire,
Dans La Lettre de Coye-la-Forêt du mois de septembre, nous apprenons avec consternation qu'il est question d'abattre les cent-seize peupliers qui bordent le Chemin des Vaches et que les travaux doivent être engagés courant septembre. Dans ces circonstances, nous nous voyons obligés de vous adresser une lettre ouverte sur le sujet, car il y a urgence et tous les Coyens sont concernés.
Le bulletin municipal nous explique que pour permettre le raccordement à la station d'épuration, il est nécessaire d'abattre une partie de ces peupliers d'Italie, sans qu'il soit précisé combien. Dix ? Vingt ? on ne sait pas. Une chose est sûre, c'est qu'on veut profiter de l'opération pour les supprimer tous.
Cent-seize arbres magnifiques mis à bas. Pour quelle raison ? Parce qu'ils sont en fin de vie, nous dit-on. Mais qu'est-ce qu'une fin de vie, pour un arbre ? ça peut durer dix ou vingt ans, peut-être plus. Quoi qu'il en soit, il en est des arbres comme des hommes, on ne les supprime pas au motif qu'ils sont vieux ! D'autant que les arbres deviennent de plus en plus beaux en vieillissant et arrivent à une stature et une ampleur qui doivent inspirer le respect.
Nous avons ici un très beau paysage de campagne, avec des arbres majestueux qui montent jusqu'au ciel. Par quoi veut on les remplacer ? Par des poiriers à fleurs, c'est-à-dire des arbres d'ornement, des arbres citadins qui paraîtront mesquins et ne correspondent pas du tout à l'environnement. Le poirier de Chine est au peuplier d'Italie ce que le gazon est à la prairie : ça peut être beau, mais dans un lieu très policé, dans un parc ou un jardin, pas dans un paysage rural que nous allons ainsi transformer en décor de banlieue.
Nous avons essayé de récolter quelques renseignements dans notre documentation personnelle et sur internet concernant le peuplier d'Italie (populus italica) et le poirier de Chine (pyrus calleryana).
D'où il ressort que le peuplier d'Italie est un arbre à croissance rapide, il mesure généralement de 15 à 20 mètres de haut à l'âge adulte et peut atteindre jusqu'à 30 mètres. Il vit de 80 à 100 ans, et même il peut durer jusqu'à 150 ans. Le peuplier aime les terrains humides qu'il contribue à assainir. Il est évident que ceux du Chemin des Vaches ont une capacité de drainage considérable qui évite à cette zone d'être marécageuse. C'est d'ailleurs sans doute pour cette raison qu'ils ont été plantés là.
Le poirier à fleurs, quant à lui, également dit poirier de Chine, est lui aussi à croissance rapide, il monte à 10 ou 15 mètres (un seul site nous dit de 15 à 20 m). Il aime les sols gorgés d'eau autant que les sols secs. Il peut vivre jusqu'à 80 ans.
Wikipédia, sans citer la source de son information, signale qu'en raison de la grande dispersion de ses graines par les oiseaux et de sa grande tolérance à tous types de sols et de climats, Pyrus calleryana s'est aujourd'hui tellement propagé aux États-Unis qu'il y est désormais considéré comme une espèce invasive et que son pollen peut provoquer des allergies.
Plusieurs sites signalent que ses fleurs ne sentent pas très bon, voire ont un parfum assez désagréable et que le bois en est cassant.
En résumé : le poirier de Chine monte deux fois moins haut que le peuplier d'Italie (donc il puise deux fois moins profond dans le sol) et il vit deux fois moins longtemps. En bref : il sera inapproprié et un peu maigrichon dans notre grand paysage ; il n'aura pas la capacité de drainage des peupliers, il devra être remplacé plus souvent. Il présente d'autres inconvénients qui risquent de perturber notre équilibre écologique. L'argument selon lequel on remplacerait les peupliers réputés fragiles par des arbres plus rustiques ne tient pas.
Non seulement l'opération n'est pas judicieuse, mais on nous dit en plus qu'elle sera très onéreuse. Raison supplémentaire pour ne pas l'entreprendre ! Que la prise en charge financière soit assurée par le SICTEUB ne nous satisfait pas, car il s'agit d'un syndicat intercommunal, c'est donc toujours de l'argent public et par conséquent ce sont, de toute façon, les impôts qui vont financer les travaux.
Est-on bien sûr que toutes les possibilités ont été envisagées et examinées ? Nous n'arrivons pas à croire qu'il n'y a pas de solution alternative (dans tous les cas, que l'abattage soit massif ou ciblé). Pourquoi ne pas faire une tranchée directement sur la route pour faire passer les canalisations ? N’est-ce pas ce qui a déjà été fait pour rejoindre Asnières, sur des voies autrement passantes ?
Si vraiment il n'y a pas moyen de faire autrement, il ne faut abattre les arbres que dans la stricte limite de ce qui est nécessaire au raccordement des eaux usées et les remplacer par des jeunes de la même espèce qui pousseront tranquillement à côté de leurs aînés, qui seront eux remplacés au fur et à mesure qu'ils mourront de leur mort naturelle. Ainsi en est-il du respect de la vie. C'est de cette manière qu'il est procédé pour le Chemin des Peupliers, le bien nommé, qui fait face au Château. Pourquoi ne peut-on pas agir de la même façon, afin de conserver son aspect majestueux à l'ensemble ? Le peuplier est un arbre à croissance rapide (il atteint dix mètres en dix ans), et esthétiquement les jeunes plants s'intègrent très vite dans l'alignement des plus vieux. Il faut souligner que le Chemin des Vaches, du fait de son orientation générale ouest-est, c'est-à-dire dans le sens des vents dominants, est relativement épargné en cas de tempête, ce qui n'est pas le cas pour le Chemin des Peupliers, globalement orienté nord-sud, que l'on n'a cependant pas renoncé à maintenir bordé de cette essence.
Le même bulletin municipal annonce les journées du patrimoine, avec notamment le samedi 20 septembre une promenade guidée, dont il est dit qu'elle doit nous permettre de découvrir la richesse et la diversité du patrimoine de la commune.
Il faut à cette occasion aller se promener sur le Chemin des Vaches dans le bruissement de ces grands arbres, il faut s'éloigner pour admirer le rideau de belle envergure qu'ils forment dans la campagne.
Des dizaines et des dizaines d'années sont nécessaires pour dessiner un pareil paysage, cela demande assurément plus de temps que pour construire un lavoir ou un petit pont ; nous devons être fiers et heureux de ce patrimoine végétal comme nous le sommes de nos constructions en pierre.
Monsieur le maire, vous êtes le dépositaire et le gardien du patrimoine de la commune, de notre richesse à tous. Cette longue allée de vieux peupliers en fait partie, il faut en avoir conscience. Souvent on ne fait plus attention à ce qui nous est trop familier, les êtres, les paysages, les choses... et c'est quand on les perd qu'on se rend compte combien on leur était attaché. Monsieur le maire, ne laissez pas commettre l'irréparable ! Il a fallu des années et des années pour que ces peupliers acquièrent cette allure majestueuse et imposante ; sur une longueur pareille, c'est exceptionnel. Vous pouvez chercher à des kilomètres à la ronde vous n'en trouverez guère de semblable. Et si vous découvrez l'équivalent, vous vous arrêterez et vous l'admirerez en enviant ceux qui habitent là et profitent de cette beauté.
Il arrive que l'on prenne des décisions dans les bureaux, en toute bonne foi, en croyant bien faire. On se laisse convaincre. Mais une décision sur le papier est une chose, la réalité concrète en est une autre. Il faut se représenter les tronçonneuses en action. Il faut les imaginer, ces géants, s'abattre l'un après l'autre, cent-seize fois il faut les entendre s'écrouler, il faut les voir couchés, vaincus. Il faut concevoir le paysage défoncé, la campagne défigurée.
Personnellement nous ressentons cet abattage comme un massacre.
Monsieur le maire, nous sommes nombreux à penser ainsi. S'ils refusent le fatalisme et la résignation, une majorité de Coyens et d'amis de Coye vous avoueront qu'ils se désolent ou se scandalisent de cette décision. Elle coûte cher, elle n'est pas indispensable, elle est désastreuse.
Nous vous prions instamment d'y renoncer.
Veuillez agréer, Monsieur le maire, l'assurance de note confiance et de notre considération respectueuse.
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J’en ai parlé à quelques amis de La Sylve et j’ai adressé un courrier au PNR.
Le caractère de nécessité impérieuse de l’opération n’est pas démontré. Peut-être est-il encore temps d’agir pour empêcher cette opération inutilement coûteuse, écologiquement contestable et sentimentalement affligeante.