La Religieuse
D'après Denis Diderot
Cie Collectif 8
Mise en scène : Paulo Correia
Nous l’attendions tous, cette pièce ; on nous en avait vanté la mise en scène, l’originalité, le jeu des comédiens. On allait voir ce qu’on allait voir.
Force est de constater que non seulement nous n’avons pas été déçus, mais que nous avons été comblés au-delà de nos attentes.
La salle est plongée dans un silence religieux lorsque Gaële Boghossian, comédienne de conviction, prononce les premières paroles. Dans son rôle de narratrice, elle dit comment a vécu enfermée au couvent dès l’âge de seize ans, Suzanne Simonin, une jeune fille illégitime de 16 ans – magistralement interprétée par Noémie Bianco. Cloîtrée en ce lieu contre son gré par sa famille, celle-ci connaîtra et subira une incarcération horrible.
L’intrigue, finalement banale, surtout au dix-huitième siècle, sert de trame à la dénonciation par Diderot de toutes les formes d’oppression.
L’univers carcéral, symbolisé par le décor composé de barreaux métalliques et de cages, prend à la gorge ; on étouffe littéralement avec Suzanne quand la mère supérieure l’enferme pour lui faire avouer d’hypothétiques fautes.
La musique accompagne la descente aux enfers, tantôt douce et pure elle accentue la solitude dans laquelle est plongée la jeune fille, tantôt elle scande avec force les étapes de son calvaire.
La scénographie est brillante : les effets de la vidéo font vivre l’enfermement. Derrière les grilles flottent des ogives de cloitre, des vitraux, des fragments de tableaux bibliques, des images floues et changeantes qui donnent le vertige. Le regard du spectateur ne peut fuir.
La mise en scène de Paulo Correia, subtile et très originale, met en avant la symbolique de l’oppression d’abord familiale et ensuite religieuse représentée par les cages dans lesquelles la jeune nonne est enfermée.
Les deux comédiennes jouent savamment de leurs différences. La voix chaude et presque sensuelle de Gaëlle Boghossian, dans son rôle de mère supérieure du couvent ou de narratrice, ainsi que son sourire séducteur disent avec cynisme le piège dans lequel se débat la proie. Tandis que la jeune prisonnière, silhouette frêle enchaînée à la cage et meurtrie par les sévices, exprime avec force la résistance à l’endoctrinement, la révolte contre l’asservissement, et l’exigence de liberté.
Il est de bon ton de dire que les comédiennes sont formidables, mais là, là ! Elles ne jouent pas, elles sont les personnages.
En les incarnant, elles s’assimilent au combat pour la liberté, contre l’ignorance ; elles deviennent militantes.
Que de modernité dans ce texte si juste, si vrai ; il est intemporel.
LA RELIGIEUSE D’après Denis Diderot
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