Où ai-je encore rangé l’espoir ?
J’ai déjà fouillé à plusieurs reprises. Mais où ai-je rangé l’espoir ? Ce n’est pas dans les informations télévisées, ni dans les actualités médiatiques, c’est sûr. Dans les revues de presses internationales ? Dans les promesses électorales ? Dans les dernières créations artistiques dystopiques et terrifiantes ? L’espoir n’est pas là. Pas plus que dans les exégèses journalistiques de haut vol ni dans les titres des tabloïds post-véridiques. Il y a longtemps qu’il est devenu introuvable dans le brouillard épais des réseaux sociaux, ces agitateurs émotionnels, faits pour dissoudre la vérité dans le mensonge. L’espoir n’est pas là. Dans notre monde conjecturel, il faut savoir s’accrocher à la moindre certitude, tel le piton sur la paroi glacée. Progressons. Soyons pragmatiques. Où trouve-t-on habituellement l’espoir ? Dans le temps, ma grand-mère le rangeait dans sa religion, douillettement, entre dentelles, encens et enluminures. Mon père lui, l’emballait dans le progrès scientifique, corne d’abondance ruisselante d’inépuisables denrées alimentaires et de jouets technologiques reluisants, fertilisant Trente Glorieuses et quelques générations futures. Dans mon enfance, le Dimanche, on allait à Orly. Dans ma jeunesse, l’espoir, nous en bourrions les porte-voix, nous en taguions les murs, en badigeonnions les pancartes. Mais surtout, nous hurlions des slogans, nous écrivions des pamphlets et nous beuglions dans les micros des messages ronflants dans un vocabulaire totalement abscons. Nous nous jetions au visage les uns aux autres les plus gros pavés d’espoir qu’on arrivait à balancer du haut de nos utopies délirantes. Nous réclamions le droit au bonheur et tant pis si le prix était le sacrifice de la moitié de l’humanité. Alors ? L’espoir ne serait-il que fantasmes fumeux d’idolâtres ? L’espoir ne serait-il que le carburant indispensable à la folie humaine, le combustible essentiel à la fureur des foules ? Je crois que c’est le contraire, cet espoir-là, c’est le faux. C’est la matière noire de l’espoir. Parce que lui, l’espoir, il est dans la petite pousse verte si tendre qui perce la cendre à la première pluie. Il est dans la langue râpeuse de la femelle qui débarbouille son petit tout humide. Il est dans l’instant retenu que l’abeille prend avant de se poser dans la chatoyance de la corolle. Il est dans le petit bruit satisfait de la bouche de bébé qui se détache d’un coup du téton de maman. Il est glissé au chaud, entre les mains lasses des amants. Il est dans les prunelles des gens qui s’aiment et dans les hirondelles qui chaque année font le printemps. Ouf ! Ça y est ! Je l’ai retrouvé. Je savais bien que je l’avais rangé quelque part.
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