La pierre tournante de Coye
La Pierre Tournante de Coye, par l'abbé Leullier
UN POSTE DE TÉLÉGRAPHIE OPTIQUE de l'époque mégalithique.
Dans les sables de Coye, on trouve fréquemment des silex taillés de petites dimensions, grattoirs, fers de lance et de flèche, etc..., sans aucun mélange de pierre polie. Nous n'en avons découvert ni dans l'allée de la Charmée, ni dans celle de la Pierre Tournante, mais celle-ci présente un spectacle tout particulier.
A peine a-t-on quitté la route d'Hérivaux que l'on voit, presque au sommet de la colline, la route bordée, du côté du précipice, de pierres levées grossièrement taillées, les unes simplement équarries comme des bornes frustes, les autres façonnées en pain de sucre, toutes régulièrement espacées, sauf celles que les pluies ont pu entraîner dans le ravin ou celles que l'on a déplacées pour faciliter l'écoulement des eaux pluviales. Ces alignements surmontent un mur en pierres sèches et sont limités à leurs extrémités supérieure et inférieure par un seuil en pierre au delà duquel cessent les enrochements.
Cette allée décrit une forme d'S dont la branche supérieure serait d’un rayon beaucoup plus grand que l'inférieure. A la base de ce grand demi-cercle mesurant un développement de 97 mètres, la série de pierres levées se prolonge sous taillis dans la direction d'Orry en deux rangées parallèles, mais on ne retrouve ni le mur de soutènement, ni l'empierrement entre les deux rangées.
Au milieu de l'S. un vieux chemin abandonné et non empierré, encaissé et embroussaillé, nous montre, parallèlement, au premier, un second alignement se dirigeant vers Coye : dans cette partie, les pierres levées sont beaucoup plus volumineuses que dans la première. Ces deux alignements ont nettement la direction nord-sud. Ainsi nous avons un enclos fermé de trois ridés par des défenses artificielles et limité de l'autre par un marais, au-dessus duquel la pente est trop rapide pour permettre un assaut.
Transversalement, c'est-à-dire dans la direction est-ouest, et à l'intérieur de la boucle que nous venons de circonscrire, on trouve, en bas, un petit mamelon arrondi, entouré d'une double enceinte de pierres levées, au centre de laquelle sont deux pierres longues.
L’une était sans doute dressée à l'époque où fonctionnait l'observatoire que nous allons décrire et permettait, de la vallée, de déterminer nettement les diverses positions prises par la Pierre Tournante.
L'autre est une pierre longue et plate, d'environ 1 mètre 70 de longueur, creusée de manière à recevoir un corps au niveau da la tête ; cette pierre est percée d'un trou qui la traverse, de manière à laisser passer le sang et les liquides découlant du corps d'une victime immolée.
La Pierre Tournante se trouve à l'opposé, près du vieux chemin abandonné. Son socle, muni d'une excavation formant mortaise, est au pied d'un autre bloc, triangulaire et équilatéral, de 2 mètres de côté et de 0,40 à 0,45 cent d'épaisseur, qui pouvait, en raison de sa forme, se tenir en équilibre instable sur une de ses pointes et tourner autour de son axe dans la mortaise du socle, donnant ainsi, par ses positions diverses, des signaux à toute la vallée qui se prolonge vers La Morlaye et le Lys d'un côté, Chaumontel, Luzarches et Viarmes de l'autre.
Nous n'avons pu pratiquer aucune fouille dans le tumulus et à sa surface, nous n'avons découvert qu'une hache en pierre polie. Bien qu'il ne s'y trouve aucun ossement, la forme de la dalle creusée nous parait un lieu de sacrifices. Les autres pierres que nous avons rencontrées et qui paraissent avoir reçu un commencement de taille, peuvent tout au plus être considérées comme armes de jet.
Si nous nous reportons aux époques où la Pierre Tournante pouvait être utilisée comme appareil à signaux, nous voyons une immense forêt, la forêt de Cuise, s'étendre de Pierrefitte, au nord de Paris, jusqu'aux limites du territoire gaulois. Existait-il, dans nos environs, une importante ville gauloise? Grave ne fait remonter la construction de Senlis qu'à l'époque de Vespasien et la plupart des auteurs partagent son opinion. Rien ne nous autorise à la mettre en doute, si ce n'est que la position de Senlis était vraiment exceptionnelle, que les antiquités gauloises sont nombreuses dans les environs et que cette situation avait pu être remarquée avant l'invasion romaine. Les monuments mégalithiques abondent dans la forêt qui l’entoure : on en a trouvé aux environs de Chamant, près de Senlis ; de Thimécourt, près de Luzarches; et de Saint-Martin-du-Tertre. Une voie romaine qui traverse Senlis porte encore, en ville, le nom de Voie Solennelle, et en forêt celle de chaussée de Brunehaut. Le camp romain de Gouvieux et le théâtre de Champ-lieu sont connus de tous les archéologues, et La Morlaye (Morlacum) était séjour royal sous la première race des rois francs. On est ainsi amené a penser que, de bonne heure, les habitants du plateau ont pu reconnaître la nécessité de se tenir en communication optique avec les populations éparses dans la vallée de la Luze et de l'Isieux, et la Pierre Tournante devenait alors un poste de signaux et une sorte de fort d'arrêt dont on comprend l'importance.
Plus tard, lors de la prédication du christianisme, le nouveau culte renversa non seulement les sanctuaires du druidisme, mais encore tous les monuments auxquels s'attachaient des superstitions locales ou nationales, et les pierres tournantes sont presque partout couchées. La lutte des deux croyances fut particulièrement vive dans le Beauvoisie, et ses martyrs, saint Lucien, sainte Romane, saint Just, sainte Maxence, etc. témoignent de la résistance apportée par les païens à l’établissement du culte nouveau, et par les patriotes à l’invasion de la civilisation romaine.
Quoi qu’il en soit, le monument mégalithique de la Pierre Tournante et ses alignements de pierres levées nous semblent assez curieux pour mériter l’examen d’archéologues plus qualifiés que nous.
Extrait du Bulletin du Comité archéologique de Senlis, 1906
PARTAGER |
3 commentaires
Commentaire de: garaud Membre
Bonjour,
je fais parti d’un club de randonnée et lors d’une rando nous sommes certainement passé auprès de cette pierre tournante sans la découvrir. pourriez vous m’en indiqué les coordonnées GPS
Cordialement
Commentaire de: hurst Visiteur
Bonjour,
Les 2 éléments constituant la pierre tournante (1 pierre plate d’environ 2 m avec un trou dans laquelle vient s’emboiter verticalement l’extremité d’une 2°pierre plate)qui servait de "sémaphore, sont couchées sur la gauche d’un chemin descendant à droite vers Coye à environ 10/15m du haut de la pente et à proximité du PR et du carrefour de la charmée ou en partie haute des parcelles 466 et 422. les pierres se trouvent sur le talus gauche à environ 2 m du chemin qui descent vers Coye. J’ai un plan mais que je ne peux mettre en piéce jointe. Les pierres ne se voient pas de loin mais pratiquemment lorsqu’on arrive dessus. Il est d’ailleurs très dommage que personne n’en assure la conservation.
Commentaire de: Nathalie Aguettant Membre
merci pour toutes ces précisions