D’UN CELINE A L’AUTRE, de Y. Bellon et M. Polac
Samedi 22 octobre et 5 novembre 2011
Elle nous est familière cette silhouette voûtée, comme ce corps décharné habillé d’un gilet qui pendouille et d’un pantalon informe, entourée « de chats, de chiens, de perroquets ». Pendant deux soirées à la bibliothèque, Jean-Raphaël Rondreux et la Médiathèque départementale nous ont permis de revoir cette image de Louis-Ferdinand Céline, marchant à pas lents et hésitants dans son jardin de Meudon, et de la confronter à d’autres portraits, le séducteur aux yeux clairs ou bien l’homme qui, en 1941, assistait à Paris à une conférence du Comité anti-juif. Agnès Bouchard, organisatrice de ces rencontres, avait invité Claude Domenech et Thierry Charpiot , metteurs en scène et comédiens, pour conduire, par la lecture, le public d’un texte à l’autre, de Voyage au Bout de la nuit, classique des études littéraires, à Bagatelles pour un massacre, en passant par Nord ou Mort à crédit…
Le documentaire de plus de deux heures, réalisé en 1969 par Yannick Bellon et Michel Polac, reprend des interviews de Céline, fait réentendre sa voix menue, un peu aiguë, son débit accéléré et sa phrase qui tombe comme si elle prononçait des vérités indiscutables et définitives, montre ses manuscrits aux feuillets assemblés par des pinces à linge, à l’écriture tremblotante et peu assurée. Le film multiplie les points de vue : il sollicite les témoins de la vie de l’écrivain, depuis la commerçante du passage Choiseul à Paris qui se souvient du petit Destouches « insupportable », à son ami le peintre montparno Gen Paul qui parle d’un « Ferdine toujours inquiet pour son pognon », et à sa femme bien sûr qui évoque le charme de l’homme triste et songeur qu’elle a connu en 1935, puis l’acharnement de l’écrivain au travail, son épuisement à la fin de sa vie.
Le personnage et l’œuvre se prêtent aux discussions, et les réalisateurs du film ont fait appel aux intellectuels et aux artistes des années 70 pour éclairer à leur manière l’une ou l’autre face de Céline, l’un ou l’autre Céline. Michel Audiard dit son admiration inconditionnelle : il « ne supporte pas qu’on n’aime pas Céline », René Barjavel rappelle que Céline, malgré ses écrits violemment antisémites, n’a jamais collaboré ; il se souvient aussi de la révélation que fut « Voyage au bout de la nuit » pour l’éditeur Robert Denoël qui passa la nuit à lire le manuscrit.
Les débats animés qui ont suivi les projections ont démontré, par le nombre et l’intérêt des interventions – comment comprendre les écrits haineux de Céline sur les juifs ? - que le public de la bibliothèque avait lui aussi son approche de Céline ou bien qu’après avoir entendu tant de témoignages, il restait sur une interrogation. C’est là tout l’intérêt de ces « soirées à la bibliothèque », qui permettent aux lecteurs d’échanger, d’apprendre, de questionner et qui donnent le désir de retourner aux sources, aux livres.
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