Marie Stuart : les reines, les fous et la Tour
Les rouges se déclinent pour exprimer la menace, la captivité et les caractères féminins. Les costumes gris foncé brodés des hommes en font des moines soldats, reflets de la soumission qu’ils doivent à la Reine.
Les spectateurs ont admiré la performance des acteurs, profondément investis dans leur rôle, et la très belle langue de la traduction, que les comédiens ont dû maîtriser par un travail soutenu.
En effet, les rôles sont brillamment assumés, les personnages magistralement incarnés dans les facettes de leur psychologie : le débit, et le volume de leur voix, la gestuelle et les déplacements traduisent leur psychologie et les enjeux dramatiques : raison de Shrewsbury, vacillement passionnel de Leicester, fanatisme de Mortimer, orgueil des reines … Le public, intensément concentré, pendant deux heures, sur les dialogues, grâce aux lumières qui isolent les acteurs dans la pénombre, espère ou désespère, en phase avec l’héroïne.
Un spectateur : on se sent plus noble : oui, grandi par la beauté de la langue et la gravité des situations, par l’intelligence et l’humanité de la vision de Schiller, héritier des Lumières mais déjà romantique par la peinture du destin individuel.
À la pitié et la terreur de la tragédie « classique », il ajoute mélange des genres et lecture politique de l’Histoire :
Pour certains, c’est la jalousie féminine qui a dicté la sentence fatale. Mais les haines séculaires entre l’Écosse et l’Angleterre, les exigences du peuple-hydre, celles des Lords, les enjeux diplomatiques européens et les prétextes religieux sont les vrais ressorts du drame. Dans cette perspective, l’exécution de Marie est une issue vers une solution de réconciliation, une sortie de crise.
Son évolution vers l’humilité et la conscience apaisée en font une héroïne positive, un symbole pour la future Europe, espérée à l’aube du XIXe siècle.
Pour le livre d’or, les comédiens ont laissé la sentence signée à l’encre rouge du sang d’Elisabeth ; si ce qu’on retient d’elle est cette tache qui souille son règne éblouissant, l’Élisabeth de Schiller, ni lady Macbeth ni Pilate, n’est qu’une femme de pouvoir opportuniste, en légitime défense, au fond fragile comme sa victime.
Sortie de spectacle
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