CYRANO
d’après Edmond Rostand
Par Viva La Commedia
Mise en scène : Anthony Magnier
La prestation équestre des « Attelages de Coye » devant le Centre culturel, assurée par une élégante cavalière sur cheval blanc, était un prélude bien choisi aux aventures du Cyrano d’Anthony Magnier, une entrée dans le XVII° siècle - revu par Edmond Rostand - où les précieuses s’éprennent des brandisseurs d’épée qui galopent d’un duel à l’autre et partent à la guerre en chantant.
Le Centre culturel est comble, les spectateurs impatients d’entendre les tirades et les vers fameux – le nez, la ballade du duel, la scène du balcon…– de ce personnage auquel tant de comédiens ont déjà prêté leur voix depuis Coquelin, qu’ils s’appellent Daniel Sorano, Gérard Depardieu ou Jean Piat. Et le public est entré dans le jeu, a suivi pendant près de trois heures cette histoire d’amour sur fond de duels et de guerre, entraîné par des comédiens fougueux et une joyeuse mise en scène.
D’abord il y a l’énergie
Quand Cyrano se fait entendre, le public est conquis : voix profonde, de la vibration, de la conviction, une présence. Avec cape, chapeau à plume qui vole, bottes patinées et plissées par l’usure, épée qui fait mouche… et touche, Anthony Magnier incarne le Gascon avec assurance, arpente le plateau, tonitrue, raille, apostrophe, chuchote et souffre. A ses côtés, seulement six comédiens et une musicienne pour faire vivre avec intensité l’épopée aux accents romantiques qu’Edmond Rostand avait composée pour une cinquantaine de personnages. Tout repose donc sur le jeu, la présence et la conviction de ces sept acteurs. Magali Genoud est une Roxane délicieuse, la précieuse idéale « au teint de pêche » dont les jolies bouclettes chatouillent les joues, et l’on comprend immédiatement pourquoi elle est tant aimée. Avec son air d’ange, elle manipule, joue la comédie et ment effrontément. Miraculeuse apparition au balcon dans le bleu de la nuit ! Eh oui ! Il y a un balcon ! Pas de romantisme sans balcon.
Humour et fantaisie
C’est la marque de la troupe. On ne baigne pas dans le sirupeux ni la reconstitution historique. Avec Viva la commedia, on se moque, on détourne, on s’amuse : hommes en nonnes ou en soubrettes – ils savent balancer leurs nattes blondes. L’acteur Montfleury, cible de Cyrano, est gros comme une barrique, affublée d’une perruque… fleurie. Les mitrons alignés comme à la parade rythment la recette des tartes aux amandines - Mickaël Taieb très drôle en poète pâtissier. Christian fait sa cour à Roxane, l’épée coquinement pointée – Philippe Beheydt joue avec sincérité le bel amoureux transi et lourdaud. Ces traits d’humour, ou de farce, dynamisent la pièce, empêchent le spectateur de somnoler sous le ronflement des métaphores en cascade ou des déclarations d’amour. La guerre même est presque un divertissement où les pétards remplacent le vacarme de la mitraille.
Créativité
Il en faut pour nous promener de l’Hôtel de Bourgogne au couvent, en passant par la pâtisserie de Ragueneau, la maison de Roxane et le champ de bataille. Saluons les décors de Stefano Perroco, judicieux jeu de construction qui rappelle le théâtre de tréteaux. Matériaux simples : à l’intérieur d’un espace scénique délimité par des tentures blanches et légères, des modules de bois en forme de palettes figurent aussi bien le parterre d’un théâtre qu’un four à pain, le balcon de Roxane ou le terrain accidenté du siège d’Arras. Le changement de décor et les déplacements d’acteurs se font avec l’accompagnement du violon de Blandine Iordan : ainsi avec légèreté se met en place devant nous, peu à peu, le prochain lieu de l’action. La lumière qui se voile – bravo à Rémi Cabaret - souligne la poésie de ces frêles édifices qui se montent dans l’ombre, et quand elle devient plus vive, les comédiens qui se sont figés reprennent vie. Le tableau s’anime. Et c’est le théâtre !
Les raisons sont donc multiples qui donnent à cette nouvelle représentation de Cyrano une belle couleur et « du panache ». On quitte la salle joyeux car le dernier mot de Cyrano ne nous invite pas à la mélancolie. D’ailleurs la réalisation d’Anthony Magnier ne privilégie pas l’émotion mais plutôt la jubilation, celle de donner au public un beau texte de théâtre populaire, de le griser de mots d’esprit, de métaphores, de mouvements de cape et d’épée et de lui faire croire qu’avec quelques planches et… le talent des comédiens – quand même ! – le théâtre fait vivre et nous transporte ailleurs.
N’oublions pas enfin de dire les mérites de Julien Jacob, dont la physionomie compassée et le maintien bien roide caricaturent Le Comte de Guiche, de Gaspard Fasulo, à l’accent chantant, dans le rôle de Le Bret, l’ami simple et sincère de Cyrano, de Xavier Legat qui joue avec sérieux la duègne prude de Roxane…. Et de Valérie Lesort qui s’est « chargée » du nez de Cyrano.
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