Paul Audibert expose à la bibliothèque
Du 6 au 31 octobre 2012
L’exposition n’est pas une avant-première du Salon des Beaux-arts. Pas de catalogue, pas de projecteurs ni d’installation particulière. Juste quelques toiles d’un homme qui se promène dans Coye, qui regarde les autres et qui aime peindre. Il choisit des visages qui lui parlent. Comme c’est un habitué de la bibliothèque, Agnès Bouchard lui a offert d’exposer ses toiles à côté des livres, là où il y a un peu de place. Et les lecteurs en visite, nous avons été ravis. D’abord de découvrir ces portraits de gens de Coye que nous rencontrons souvent : visages d’enfants, l’œil bleu et pétillant de monsieur le maire, la force des traits de monsieur Dhuicque… Un monde qui nous est familier, revu par le peintre.
Ravis ensuite de rencontrer le peintre. De faire connaissance avec un homme qui montre pour la première fois ce qu’il crée, tout simplement.
Coye-la-forêt
Né à Saint-Denis, Paul Audibert a adopté Coye-la-forêt depuis plus de 25 ans, mais dès l’enfance il connaissait le village. « Grâce aux rouges de la Seine-Saint-Denis ! dit-il en riant. Il y avait deux patronages à Saint-Denis, celui des curés et celui de la ville. J’allais à celui de la ville. Et le jeudi, lorsqu’il faisait beau, il y avait deux sorties possibles, la mer de sable – pas celle de Jean Richard, juste une étendue de sable – et les étangs de la Reine Blanche comme on les appelait. On nous y emmenait en car, rouge aussi bien sûr ! Le dimanche avec la Simca 8 de mon père, on venait au château de Chantilly et aux étangs, on passait par Coye. Je me suis baigné au petit pont et sous l’ancien viaduc… »
La vie continue… Bien plus tard, au cours d’une promenade vers Chantilly, il redécouvre le village. Les souvenirs d’enfance remontent, le petit pont, la rue de la Charmée, la Place… L’homme est ému et ressent le désir de vivre là. Il n’hésite pas davantage. Après quelques mois le voici nouvel habitant de Coye-la-forêt. Quand il raconte l’épisode de son installation Grande rue, on sent en lui une forme de jubilation. Celle d’avoir trouvé comme un chemin magique vers Coye, d’avoir fait les bonnes rencontres, d’être venu à bout de tous les obstacles, d’avoir cru en sa ténacité. Coye-la-forêt il l’a choisi. Les souvenirs d’enfance valaient tout cela.
Plusieurs vies
Le parcours professionnel de Paul Audibert est atypique : centres d’intérêt divers et compétences multiples. D’abord dans la police. Il débute comme gardien de la paix, muni du brevet de secouriste : « Quand j’étais à Saint-Denis, plus précisément à La Plaine, tout près du stade de France, j’ai choisi mon camp et je ne l’ai jamais regretté. Etre au service des autres. »
Il finit sa carrière commandant de police avec 300 personnes sous ses ordres et responsable de la sécurisation des réseaux ferrés Est et Nord parisiens. Comme tel, tout en ayant son bureau Gare du Nord, il se déplace beaucoup et participe à des événements marquants comme l’inauguration du tunnel sous la Manche, il prépare le terrain pour l’Eurostar et la Coupe du Monde en 1998. C’est à cette date qu’il prend sa retraite de la police et cherche une autre voie. Il a le choix entre le Musée d’art moderne de Villeneuve d’Ascq et les Hôpitaux de Paris. « J’ai choisi l’AP-HP pour être au plus près de ce que j’aime faire, servir le public. J’ai donc travaillé pendant cinq ans dans un hôpital de la Seine-Saint-Denis et monté le service de sécurité. » Avec notamment les emplois jeunes de l’époque. L’objectif de Paul était que ce statut provisoire soit pour eux une opportunité d’obtenir un emploi définitif dans le cadre hospitalier. Quelques-uns y sont parvenus, comme brancardiers, aides-soignants ou infirmiers. L’homme est fier de ce résultat. On lui demande ensuite de superviser le service des ambulanciers, puis celui des archives…
Le service des plaintes
Mais les activités de Paul Audibert à l’hôpital ne s’arrêtent pas là ! Parallèlement, on lui confie la responsabilité du service des plaintes, de toutes les plaintes, médicales, hôtelières, administratives… « Pour moi, c’était un challenge, et j’ai décidé de relever le défi. J’ai fait un stage sur le droit hospitalier. Ce défi m’a confronté à tous les personnels de l’hôpital et j’ai pu voir qui faisait tourner un hôpital. Une vraie révélation pour moi. Il y a des gens à qui on doit vraiment tirer son chapeau, ce sont les soignants. Dans ce métier, les femmes ont un regard sur les gens différent de celui des hommes. J’ai vu leur dévouement, notamment dans l’unité de soins palliatifs ; là, il faut avoir la foi dans son boulot. Il n’y a que les femmes pour faire ce genre de choses. »
Le responsable du bureau des plaintes est un tenace, il parcourt l’hôpital en tous sens, se rend dans les services concernés, demande une réponse et l’obtient. Il se fait un devoir de traiter tous les courriers, de donner des réponses « cohérentes, acceptables », il reçoit les familles, voit les patients « On ne peut rester indifférent. Ca vous construit, il y a comme un effet miroir devant la souffrance, la maladie, la vieillesse. »
Le Comité des chats
Sa sensibilité est aussi tournée vers les animaux. Il ne s’en cache pas, en discute volontiers à l’hôpital, tant et si bien que, voyant son intérêt pour la gent féline, la bibliothécaire de l’hôpital lui demande d’être le trésorier du Comité des chats. Vous avez bien lu. Le Comité des chats ! Un Comité des chats à l’hôpital ! « Dans tous les hôpitaux il y a des chats, explique Paul, ils se cachent, sortent la nuit. Il y a donc une équipe de bénévoles qui s’occupent d’eux, des femmes encore ! Tous les chefs de service étaient contre, car évidemment ils n’aimaient pas voir minets et matous dans les couloirs. » Mais le comité veille. La centaine de chats est nourrie par les restes de l’hôpital et le trésorier doit chercher des compléments chez Ronron et compagnie en faisant appel à leur générosité et à celle de donateurs pour recueillir des fonds. Dûment inscrit dans un registre, chaque chat porte un nom, même les plus sauvages, que l’on parvient à capturer pour les faire stériliser et vacciner. Le trésorier est parfois mis à contribution pour faire des accompagnements de bêtes chez le vétérinaire. Il s’émerveille de voir « ces femmes qui se battent comme des chiens pour défendre les chats. Elles ont ça dans les tripes ! Elles connaissent tous les chats par leur nom. »
A son départ à la retraite, en 2003, Paul est heureux de savoir qu’une cadre administrative prendra la relève dans cette fonction complètement facultative: « J’ai eu le sentiment d’avoir servi à quelque chose ! » Il quitte l’AP-HP après cinq ans, les rouages de l’hôpital n’ont alors plus de secrets pour lui. Son travail a dû y être très apprécié puisque, pour fêter son départ, la directrice de l’hôpital offre personnellement champagne et petits fours – préparés aussi par ses amies ! « J’ai ainsi quitté trois familles, celle des flics, celle des cheminots, enfin celle des soignants. » Un cadeau inespéré lui est remis, vous devinez lequel, un matériel de peinture au complet, toiles, chevalet, couleurs, craies… qu’il reçoit avec une grande émotion.
Tout est là pour qu’enfin sans contraintes il s’adonne à un passe-temps qu’il a toujours aimé.
La peinture
« Je me suis toujours intéressé à la peinture, et ce qui m’attire surtout ce sont les peintres tourmentés, parfois jusqu’à la folie, comme Van Gogh dont j’ai lu la biographie. J’ai refait tout son parcours, je suis allé en Hollande, à Arles… En 1973, comme brigadier de contrôle dans le 18° arrondissement, j’étais chargé de surveiller les gardiens de la paix et je profitais de ces moments de patrouille pour aller sur la Butte Montmartre. J’ai côtoyé les peintres, visité leurs ateliers, discuté avec eux et j’ai fini par connaître leurs parcours de vie. Les plus doués étaient parfois ceux que je ramassais ivres sur le trottoir. En repensant à tout cela je me suis dit : Mais est-ce que je suis aussi tourmenté ? Non, je suis seulement curieux de la vie. Mais ce type de peinture m’intéresse car elle traduit l’intérieur et non ce qu’on voit. J’aimais Vlaminck aussi, j’aimais lire Zola, Maxence Van der Meersch, les livres dans lesquels les gens étaient dans le noir et sortaient ensuite du noir. Toulouse-Lautrec, Gauguin, Cézanne, Picasso, ils ont tous eu des périodes où ils étaient dans le noir. Ils avaient, pourrait-on dire, le côté noir de la force.
Sans formation spécifique, j’ai finalement décidé de peindre à ma façon. La retraite me donnait le temps de m’essayer à la peinture, cela me tenait à cœur depuis l’enfance. »
Les portraits de village
Et c’est là que s’exprime l’attachement de Paul Audibert à Coye-la-forêt. Il aime dire qu’à Coye les gens ne sont pas transparents, qu’on peut dire bonjour, parler, faire connaissance dans la rue. Sur les conseils de Guy, son voisin et son ami, il a adhéré à l’association Convivialité, « à cause de son nom, ajoute-t-il, je suis là pour m’entendre avec ceux que je croise, je parle et les autres s’expriment. Je me sens bien à Coye et je compte quelques amis parmi les habitants. »
C’est ainsi qu’il a peint une série de portraits – il travaille d’après une photographie – des gens qu’il aime bien, entre autres le maire, le coiffeur, des enfants, l’ancien pompier et la bibliothécaire. On remarque tout de suite, à côté de toiles plutôt gaies aux couleurs vives, la tonalité brune et sombre des deux autoportraits : « Ce jour-là j’étais morose. C’est dans ces portraits que je me retrouve le plus. Une face obscure de solitaire. J’aime marcher en forêt pour trouver la solitude et réfléchir. La forêt accentue la mélancolie et j’en ai besoin.
Mon ami Dédé a été surpris par son portrait. Je lui ai dit : « On se connaît depuis 25 ans, tu étais pompier et moi flic, on a fait deux voyages ensemble, tu m’as raconté des épisodes de ta vie. Bien sûr, j’ai accentué tes traits, mais c’est parce qu’ils sont les marques de ta vie. Regarde la symbolique aussi. J’ai placé ton portrait sous l’église, car tu es un croyant, et le fond bleu lumineux est ton aura car tu te dévoues pour tout le monde. Le dessin à l’acrylique de l’église a été fait la nuit de la Saint Jean. Regarde comme elle est intéressante, cette seule lumière qui éclaire dans la nuit. »
Paul Audibert sait raconter. A l’écouter on se s’ennuie pas, il parle de lui avec humour et naturel, il sait trouver le détail significatif, prend son temps pour décrire ou expliquer les étapes de sa vie. Comme dans toute vie il y a un parcours, des sentiers qui tournent ou qui bifurquent. Cet entretien, à l’occasion de sa première exposition, a permis d’entrevoir les chemins dans lesquels il s’est aventuré, les rencontres et les découvertes qui ont orienté sa vie et l’ont mené jusqu’à la peinture.
Propos recueillis par Marie-Louise
PARTAGER |
1 commentaire
Commentaire de: dominique Visiteur
Etre au service des autres…c’est donner un sens à sa vie!
Votre article m’a passionnée. Quelle richesse de rencontres orientées vers les autres, partages variés, orientations diverses mais toujours pour l’écoute et le soutien des autres. Je ne savais pas qu’à l’hopital il y avait de genre de poste. En fait c’est le fil conducteur entre tous les services. Que d’histoires vécues il a dû entendre. Il y a beaucoup à faire dans les hopitaux ou tout autre métier relié à l’individu et sa souffrance. S’intéresser aux autres n’est pas un sacrifice, on reçoit beaucoup.
Se mettre à la peinture à cet age est très surprenant et démontre qu’on peut apprendre à tout age et que nous avons en nous des facultés et richesses cachées, bien enfouies. C’est un formidable message d’espoir pour une retraite bien remplie!
A nos pinceaux, à nos basquettes,à nos aiguilles.. c’est mieux que de se planter toute la journée devant la TV.
Merci infiniment!