Le Marchand de Venise
De William Shakespeare
Compagnie 13
Mise en scène : Pascal Faber
Le Marchand de Venise, une pièce pleine de risques
Le festival a accueilli la pièce la plus polémique de Shakespeare mardi 17 mai. Et elle a fait réagir les spectateurs ! Certains ont souligné le caractère négatif de cette œuvre tandis que d’autres ont apprécié son côté sombre. Le Marchand de Venise raconte l’histoire du chrétien Antonio qui emprunte de l'argent à l'usurier juif Shylock. Ne pouvant rembourser sa dette, Shylock exige qu'une livre de chair soit prélevée sur le corps d’Antonio.
Cette pièce, qui met en scène l’antisémitisme très violent de l’époque, est très peu jouée au théâtre. Shakespeare nous rappelle que les juifs devaient porter des bonnets rouges pour sortir — un parallèle inévitable avec le port de l’étoile jaune pendant l’Occupation. Ceux-ci avaient l’interdiction de possessions et de tout métier, et pouvaient seulement vivre de l’usure (ce qui était par ailleurs interdit aux chrétiens). Sans oublier qu’ils étaient sans cesse humiliés... Le metteur en scène, Pascal Faber, a salué le courage du peuple juif à travers cette pièce et tout particulièrement avec la dernière scène dans laquelle Shylock pose sa main sur sa kippa. Va-t-il l’enlever ? Aux spectateurs de se faire leur propre histoire...“J’ai voulu montrer par cette image finale que le peuple juif a toujours été opprimé et qu’il s’est toujours relevé. Shylock est abandonné par ses proches : sa femme est décédée, sa fille l’a trahie”, a expliqué Pascal Faber, après la représentation.
Un Shylock remarquable
Même si les avis des festivaliers divergent, l’interprétation de Shylock par Michel Papineschi a fait, quant à elle, l’unanimité. Ce personnage porte la pièce par sa présence, sa voix et ses émotions. Son statut de victime y est pour quelque chose. C’est d’ailleurs ce qu’a souhaité mettre en avant Pascal Faber. “Pour moi, Shylock n’est pas un méchant. Il a été humilié, bafoué. On lui a craché dessus, on l’a torturé. Sa soif de vengeance est justifiée car il est poussé dans ses retranchements. Comme beaucoup d’être humains, quand on est poussé dans nos retranchements les plus noirs, on n’a plus conscience de ce qu’on fait”, a souligné le metteur en scène.
Mais attention, tout n’est pas noir ou blanc chez Shakespeare. “Shylock reste un salaud parce qu’il va au bout de sa vengeance”, estime Pascal Faber. En effet, l’usurier n’accepte pas l’argent que lui propose Bassanio, l’ami d’Antonio, et veut récupérer lui-même sa livre de chair, inscrite sur le contrat. “Tous les personnages sont sombres. J’ai essayé d’aller chercher la lumière chez certains autant que faire se peut. Chez Shylock, c’était l’amour incommensurable pour sa fille”, a poursuivi le metteur en scène.
Pendant 1h45, on rit un peu, on s’offusque parfois, on s’interroge beaucoup... “Le théâtre c’est bien aussi quand ça dit quelque chose du monde, quand ça soulève des choses. Rien que pour ça je trouve que cette pièce est magistrale. Certes, il y a des choses qui interrogent, qui mettent mal à l’aise mais les risques sont pris”, a déclaré Régis Vachlos, alias Antonio, déjà venu au Festival pour La Vie de Galilée. Il ne faut pas oublier que le théâtre n’est pas un spectacle passif mais qu’il est aussi là pour ouvrir la discussion.
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Quelle belle mise en scène! quelle réussite! On est dans la couleur de la riche Venise des marchands d’étoffes précieuses …. Les femmes sont belles, les hommes attirants, on craquerait bien pour Bassiano, s’il n’était aussi inconséquent. Et l’on offre notre compassion à Antonio le mal aimé. Ah! que j’aime Gratiano,si leste, si rieur! Mais la vie n’est pas une fête, et Shakespeare le rappelle. En pleine comédie, en plein conte, au milieu des jeux amoureux, il y a des bourreaux, des victimes, des persécuteurs. Quelle scène poignante que le jugement! La haine exprimée, le désir de vengeance à son paroxysme, la victime exposée, consentante, poitrine nue. Bravo à Pascal Faber de nous avoir montré tout cela.