Pourquoi nous voterons Macron dimanche
Un refus viscéral du front national
J'ai voté Jean-Luc Mélenchon le 23 avril. J'ai aimé son enthousiasme à parler à ceux dont habituellement on ne s'occupe pas. Les gagne-petit, les mal logés, mal nourris, licenciés, chômeurs, petits retraités…. Dans ses mots il y avait un espoir.
Sur les panneaux électoraux, il nous reste aujourd’hui deux portraits. Une femme un homme.
La femme, il y a longtemps qu'on la connaît et qu’on l'a vue arriver dans l'ombre de son père, dans celle du parti qu'il avait créé pour promouvoir le nationalisme et le racisme. La France de 2002 s'était soulevée dans un grand élan de colère pour lui dire NON.
Le vieil homme a passé la relève à sa fille — et la petite-fille n’est pas loin, c’est carrément la dynastie. Il est plutôt bourru, agressif, massif. Voici la fille à l’affiche, assise sur un bureau dans une posture de séductrice. La séduction, c’est beaucoup plus redoutable. Quelle est sa cible ? Ce qu’elle appelle le peuple, tous ceux qui n’appartiennent pas aux élites intellectuelles et politiques, aux élites de la finance et des entreprises, de la mondialisation bien sûr. En manipulatrice habile, elle joue la femme à poigne, rude, simple, directe. Femme du peuple, en quelque sorte. Voix rauque, vocabulaire restreint — les mêmes mots comme une litanie —, argumentation simpliste. Bien qu'elle ait suivi des études d'avocat, elle sait faire croire aux démunis qu'elle connaît bien leurs problèmes, qu’elle va y remédier, qu’elle connaît la solution parce qu’elle est du même bord et qu’elle a le même langage. On ferait comme si, disent les enfants. Alors elle fait comme si… elle élevait seule ses enfants avec 1200 euros par mois, comme si elle venait de la terre et qu'elle connaissait la rudesse de la vie dans les champs ou les étables, comme si elle s’était retrouvée au chômage après la fermeture de l’usine. L’électeur se dit que cette femme qui parle comme lui, elle connaît bien tous ses malheurs et que si elle empêche les délocalisations, si elle nationalise les usines en perdition, si elle ferme les frontières il sera bien protégé, il se sentira en sécurité, il pourra garder son emploi. Il n’aura plus peur. Y a pas de mal à ça.
Y a pas de mal à ça ?
Le mal, il est bien caché derrière le sourire automatique et carnassier. Le mal, c'est l'idéologie qui sous-tend le programme. C'est ce dessin de la France qui ne serait plus la France. Oubliée la terre d'asile légendaire. Oubliée la France de la Révolution, de la Résistance, des acquis du Front populaire, de la Déclaration des Droits de l’Homme. Voici la France qui ferme ses frontières, rejette et expulse. France de l’exclusion et du négationnisme. France enfermée dans ses murs. Voici, non affichée cette fois mais toujours présente, la xénophobie proclamée à l'époque du père et qui rampe dans le discours de la fille.
Alors pour moi NON. Pas question de lui laisser la plus minime chance de lui abandonner la France pendant cinq ans pour entendre ses diatribes haineuses et ses formules racoleuses ou méprisantes. Pas question de laisser mon pays enfermé, imperméable au monde, pas question que La France ait aussi son Donald Trump ou son Poutine.
Je voterai Emmanuel Macron dimanche. Il n’incarne pas les valeurs de gauche auxquelles je suis attachée et pour lesquelles j’ai voté au premier tour de ces élections. Il représente le monde des affaires, du profit à tout prix, et tant pis pour les plus faibles.
Je pourrais donc m’abstenir ou voter blanc. Je ne le ferai pas. Car je refuse de laisser la moindre chance à la candidate héritière d'un parti dont l’idéologie a ses racines dans le nationalisme et la xénophobie, qui parle du patriotisme pour éviter de dire exclusion et haine de la différence.
Je ne le ferai pas car je me souviens de mes cours d’histoire, de philosophie et de littérature. Parce que, grâce à mes enseignants, j'ai lu Beaumarchais, Montesquieu, Voltaire et Diderot, sans oublier Hugo bien sûr. Parce que l'école m'a transmis des valeurs auxquelles je reste fidèle, les valeurs républicaines : la fraternité car si l’autre est mon frère je lui porte secours, la liberté car je peux ici m’exprimer sans crainte de la censure et de la répression, l’égalité car j’ai fait mien le premier article de la déclaration des droits de l’homme.
Je pourrais m’abstenir en comptant sur les autres pour éliminer le danger. Ce serait un peu couard, et quelle culpabilité serait la mienne si le danger prenait figure le soir du 7 mai !
Je ne prendrai pas ce risque, je voterai Emmanuel Macron.
Marie-Louise
Je déteste Macron
Macron représente tout ce que j'abomine, la jeunesse moderne aux dents longues, clinquante, égoïste, superficielle, prétentieuse … on les connaît, ces jeunes cadres, jusque dans l'administration publique. Je les déteste ... viscéralement, et je ressens cette détestation comme un sentiment de classe. Macron, c'est le libéralisme brutal, arrogant, insensible, c'est la loi-travail contre laquelle on a manifesté pendant des mois, c'est la dérégulation massive, la perte des acquis sociaux les uns après les autres, c'est le triomphe des traités de libre-échange, le rouleau compresseur de la mondialisation, c'est-à-dire la toute puissance de la finance et des multinationales, l'écrasement des peuples sous l'austérité pour la plus grande prospérité des actionnaires, Macron est un ennemi de classe. Il suffit de regarder la composition sociologique des votes après le premier tour : majoritairement, qui vote Macron ? Les classes aisées et supérieures, celles qui n'ont pas de problème et qui ne se trouvent pas trop mal dans le monde tel qui est. Macron, c'est la poursuite du modèle actuel, c'est l'épuisement des ressources de la planète et le désastre écologique annoncé. Avec Macron, on va droit dans le mur et on y va vite.
Donc mon intention au soir du premier tour était de m'abstenir au second. Je n'ai jamais pensé voter blanc ou nul, car ces votes ne présentent aucun intérêt, ils sont noyés et ne sont jamais comptabilisés dans le score final des candidats. En revanche l'abstention est voyante et si elle est massive, elle affaiblit la légitimité de celui qui est élu. En tout cas, je ne voulais pas donner ma voix à Macron : on nous a déjà fait le coup une fois avec Chirac qui, ensuite, s'est vanté d'avoir été élu à 80 % et n'a tenu aucun compte de la gauche qui s'était massivement reportée sur lui.
Mon intention de m'abstenir était d'autant plus forte que certains qui se disent de gauche avaient voté Macron dès le premier tour ! Alors je voulais affirmer que Macron, non, c'est vraiment détestable et, même au deuxième tour, je ne voterais pas pour lui... Et puis l'injonction était si forte partout, les leçons de morale tellement insupportables de la part de ceux qui n'ont jamais combattu le Front national et ont même flirté avec ses idées que j'avais envie d'y résister, de continuer à dire non. Pas moi. Je ne vote pas comme nous le demandent Fillon, Estrosi et quelques autres.
Et puis j'ai beaucoup lu, écouté, discuté, réfléchi (c'est ça la vertu de la démocratie), et j'ai pensé que j'avais une position un peu infantile et irresponsable, qu'en tout cas je me reposais sur les autres pour faire le sale boulot d'aller voter Macron, avec quand même l'espoir qu'ils seraient suffisamment nombreux pour que Le Pen ne passe pas. Ce qui a fini de me décider, c'est l'idée pour moi insupportable que, au bout du compte et malgré les sondages, Le Pen puisse être élue et que je me sois abstenue d'aller voter, comme ceux qui en Angleterre ont découvert avec effroi que le Brexit était passé. Ce n'est pas ce qu'ils avaient prévu, ce n'est pas ce qu'ils avaient voulu. Ah, ben oui, mais c'est tant pis pour eux. Je ne voulais pas avoir cette mauvaise conscience-là. J'aime mieux avoir le dégoût de voter Macron que d'avoir le remords de laisser passer Le Pen.
On n'est pas dans la réalité quand on scande « ni…ni…». C'est une illusion. Car on aura bel et bien l'un ou l'autre, qu'on le veuille ou non. On est bien d'accord, on ne choisit pas entre la peste et le choléra, mais on choisit la possibilité de se soigner, ou pas, une fois que la maladie nous est tombée dessus. On choisit de lutter contre la maladie, d'en avoir encore les moyens, ou bien on accepte d'être privé de cette capacité de résistance et on se retrouve interdit de toute défense. En votant Macron, on ne met pas deux programmes en parallèle pour choisir « le moins pire », on affirme notre attachement à la démocratie, aussi « pourrie » soit-elle.
Jacqueline
PARTAGER |
5 commentaires
Commentaire de: Françoise Visiteur
Commentaire de: Nathalie Aguettant Membre
Certes Macron n’est pas de gauche, peut-être du centre ? Je ne sais pas vraiment ce qui l’anime? L’appât du gain, il me semble qu’il a bien d’autres cordes à son arc pour ça.
Quant à la conclusion je souscris complètement à celle de Françoise…
Commentaire de: Antoine Szpirglas Visiteur
J’apprécie les engagements, de Cohn Bendit, de Bayrou, de Delanoé… est-ce honteux?? Je raisonnais comme eux avant qu’ils ne se prononcent. J’ai cependant voté Mélenchon en espérant secrètement qu’il serait au second tour et écraserait intellectuellement la vermine. Maintenant que c’est Macron, et que la vermine s’est écrasée toute seule dans ce débat révélateur, j’ai l’impression que les critiques concernant Macron sont en partie fondées; en partie seulement; elles relèvent parfois d’un procès d’intention. Par exemple, il ne semble pas sourd à l’urgence écologique. J’ai bien compris que le “ni droite ni gauche” relève d’un logiciel qui hérisse les esprits militants construits de longue date dont mon entourage affectif est truffé. Pour ma part je revendique le droit de tenter le coup sans renier l’humanisme, sans naïveté et en restant sur ses gardes. Les progrès de l’humanité résultent de successions d’"essais-erreurs".
Commentaire de: Jacqueline Chevallier Visiteur
Réponse à Antoine
La méthode des essais-erreurs ne concerne que les sciences expérimentales. En sciences humaines, elle ne vaut rien, d’abord parce que les conditions ne sont jamais strictement identiques au départ, ensuite parce qu’on tire rarement les enseignements du passé. Aussi ai-je peine à croire aux « progrès de l’humanité » (c’est ton expression !).
Il va pourtant bien falloir se résoudre à faire une nouvelle expérience, et mieux vaut quand même que ce soit avec Macron plutôt qu’avec Le Pen.
On se retrouve dans quelques années pour tirer les conclusions de l’expérience en question, faire le bilan de ce qui prétend être « ni droite ni gauche », et voir notamment de quel côté aura penché la balance ? Je serais bien étonnée qu’elle reste en équilibre.
Commentaire de: Jeanluc Lonza Visiteur
La mascarades des urnes convainc le peuple qu’il vit en démocratie ! Ainsi les élites conservent leurs pouvoirs, leurs privilèges et prospèrent sur les illusions des candides qui les élisent. La ploutocratie a un bel avenir devant elle. Le capitalisme porte en lui la guerre, la haute délinquance et le fascisme qui est son bras armé.
Lepen est la “fille” de Macron.
Continuons de pérorer…
Les deux candidats en présence poursuivent le même but : accéder au pouvoir par appât du gain accompagné d’un désintérêt total pour tout ce qui n’y contribue pas.
Sauf que l’une en profitera en outre pour étendre le domaine de la haine, ce que je veux empêcher, quoi qu’il m’en coûte.