11 novembre 2018 à Coye-la-Forêt
Le 11 novembre 1918, toutes les cloches de France jusque dans les villages les plus reculés se sont mises à sonner. Ce n'était pas le tocsin qu'on entendait cette fois, mais les carillons de l’allégresse et du soulagement. On y croyait, ce serait « la der des der ».
Cent ans après, se souvenir du 11 novembre 1918 et le célébrer, c’est se souvenir des souffrances d’une génération sacrifiée par des gouvernants insensés, des millions de morts que leur orgueil et leur folie guerrière ont causées. C'est célébrer, après quatre ans de combats atrocement meurtriers, la paix enfin signée dans une clairière de la forêt de Compiègne. Et c'est ne pas oublier non plus que cette paix ne fut qu'éphémère, que la bêtise, la haine, le nationalisme et l'esprit revanchard ont provoqué, vingt ans plus tard, une nouvelle guerre, encore plus meurtrière.
Ce centenaire de l’armistice a été dûment commémoré à Coye, organisé par la municipalité et l’association UNC (Union nationale des combattants), présidée par monsieur Jacques Caltot.
Dès 14 heures, ce dimanche 11 novembre, les habitants de Coye-la-Forêt se sont groupés place de la Mairie, derrière leurs élus et l’Union des combattants, derrière le drapeau qui flotte en tête de cortège, tenu traditionnellement par André. Le rassemblement est important, le cortège s’étire tout au long de la Grande rue, toutes générations confondues. Place Blanche, autour du monument aux morts, les groupes se forment : élus, gendarmes, militaires, pompiers, enfants des écoles, musiciens, familles, citoyens… Toute la société est représentée, montrant ainsi que la guerre n’est pas seulement l’affaire des soldats, mais qu’elle emporte aussi dans son enfer tout un peuple de civils. Cent ans après cet armistice, cela se vérifie encore.
Avant que monsieur le maire ne lise le discours du Président de la République, le silence se fait sur la place, et l’on goûte le parfum de la paix : des enfants jouent avec les feuilles rousses déjà tombées, tandis qu’on écoute les chants d’oiseaux.
Cette année, c’est la participation de l’école de musique des Très Riches Heures de la Thève qui a ravivé la cérémonie traditionnelle, ainsi que les chants des enfants de CM2, venus avec leurs enseignants. Après l’interprétation de l’hymne national, ils ont offert des chansons, celle de Laurent Pagny — Le soldat — qui dit la souffrance des tranchées :
« À l'heure où la nuit passe au milieu des tranchées,
Ma très chère Augustine, je t’écris sans tarder,
Le froid pique et me glace et j'ai peur de tomber... »
celle de Gianni Rodari qui chante la paix revenue :
« Après la pluie le ciel est en paix,
L'arc en ciel se met à briller… »
La commémoration du 11 novembre est aussi dédiée au souvenir d’hommes jeunes tombés au combat pendant ces quatre années, et parmi eux, ceux de Coye-la-Forêt. Soixante-douze noms sont égrenés un à un par le président de l’UNC, ils sonnent sur la place avec gravité. On sait leurs sacrifices et, derrière eux, on devine leurs épouses, leurs mères, leurs enfants, les familles fracturées à jamais, le deuil frappant la totalité du pays. Les habitants d’aujourd’hui reconnaissent les noms de familles encore présentes dans le village, Cochu, Champagne, Bonval, Mazille, Lesur…. Et le monument aux morts garde leurs noms dans la pierre... Le regard du promeneur s’arrête sur eux de temps en temps.
L’homme de boue
Après la sonnerie aux morts, après les chants, la lecture par les enfants de lettres de soldats dont si nombreux ne sont pas revenus, les silences et toutes les pensées qui volaient autour du monument, monsieur le maire a invité ses administrés à le suivre au Centre culturel pour un pot de l’amitié et une visite de l’exposition de l’UNC qui rassemblait divers documents sur les années de guerre : livrets de conscrits, affiches de la mobilisation générale, objets ayant appartenu à des « poilus »…
La journée se finit dans la salle Claude Domenech pour une représentation théâtrale de « L’homme de boue », création de Océane Pivoteau, qui a construit le texte à l’aide d’extraits de lettres de soldats. Le récit suit la progression de la guerre, des illusions de 1914 à la joie de l’armistice, en passant par les horreurs vécues pendant quatre ans. La vidéo, réalisée par Mathieu Delacourt, est largement associée à l’excellente prestation du comédien, Lionel Pascal, pour illustrer ce qui est dit par des documents d’époque : les cadavres du champ de bataille, le désir de retrouver son foyer, l’alcool pour affronter le combat, les beuveries à l’auberge, la pluie, la boue dont on est enduit, la peur des bombes qui vous font « sauter à cent mètres de haut ».
Le déroulement de la projection avait commencé par des images de transport de troupes vers le front en 1914. Les dernières montrent le transport des troupes en 1939…
Si l’on a célébré ce jour le centenaire de l’armistice de 1918, il était, hélas, impossible de célébrer cent ans de paix.
NB : Le spectacle sera joué à la Tuilerie de Saint-Witz le 7 décembre à 20h30
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2 commentaires
Commentaire de: Jacqueline Chevallier Visiteur
Commentaire de: Claude Lebret Membre
Merci pour cet article à l’ensemble des bénévoles qui ont permis de célébrer de belle manière cette commémoration.
L’homme de boue, ainsi s’appelait le spectacle théâtral qui nous était proposé. Le jeu de mots était osé quand on sait que les poilus passaient le plus clair de leur temps à courber le dos et à ramper. Souvent dans la boue. Soit.
Le comédien se démenait comme il pouvait pour lutter, à armes inégales, avec la vidéo qui était projetée derrière lui. Comment une metteuse en scène qui est censée aimer le spectacle vivant, en ce qu’il est unique, toujours dans l’ici et maintenant, comment peut-elle ignorer l’attraction à peu près irrésistible que provoque l’image animée ? Entre un être humain vivant, présent en chair et en os, et un écran, c’est l’écran qui gagne. N’avez-vous jamais observé ce phénomène quand il y a une télévision allumée dans une pièce, au café ou au restaurant, n’avez-vous jamais remarqué comment votre regard, même si vous êtes en bonne compagnie, est attiré vers l’image ? Donc c’est forcément desservir le comédien que lui imposer cette concurrence.
C’est faire bien peu confiance à ses propres capacités de mise en scène, c’est faire bien peu confiance au jeu du comédien, c’est faire bien peu confiance à l’art théâtral que de se croire obligé d’y adjoindre de la vidéo.
Ici c’était d’autant plus regrettable que les images étaient ineptes, tout comme la bande son d’ailleurs. Comment peut-on faire danser un poilu de 14 sur un air de sirtaki et projeter derrière lui des images anachroniques, laides et vulgaires comme de la publicité ? Quelle pauvre conception de la féminité et du fantasme amoureux que ces gros plans d’ongles laqués en vermillon ! Quel non-sens de projeter des images de grands vins versés dans des carafes quand le comédien chante la vinasse dont on abreuve le soldat pour l’anesthésier et lui permettre de monter à l’assaut ! Quelle absence de culture et quelle ignorance de l’Histoire : ces images modernes et stéréotypées non seulement ne servaient à rien, n’exprimaient rien, mais elle niaient cette vérité historique : la moitié des soldats dans les tranchées étaient des paysans, leurs femmes ne ressemblaient pas à des poupées barbie et leur seul souhait était de s’éloigner de l’enfer.