Réchauffement climatique, où en est-on ? (Lettre de Sylvain Chevillard)
Sylvain Chevillard a grandi à Coye-la-Forêt. Aujourd'hui chercheur en mathématiques à l'INRIA (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) à Sophia-Antipolis, il ne cache pas que la climatologie ne fait pas partie de son domaine de recherche, mais en tant que citoyen il s'est penché sur ce sujet qui nous concerne tous et il l'a fait avec le sérieux et la rigueur qui caractérisent un esprit scientifique. Le 25 avril, il devait donner une conférence au centre culturel sur le thème du réchauffement climatique, qui bien évidemment a été annulée dans l'immédiat. En attendant de pouvoir fixer une nouvelle date, il nous transmet une lettre rappelant l'importance vitale du sujet et fait le parallèle avec la pandémie actuelle.
Le centre culturel de Coye-la-Forêt devait accueillir ce week-end une conférence, organisée par la Sylve, que je devais donner sur le thème du réchauffement climatique. L'actualité rend la chose impossible, mais bien entendu, nous trouverons une autre date pour que je vienne vous y exposer l'urgence à prendre conscience du drame qui se joue et la radicalité des décisions nécessaires pour l'éviter, ainsi que l'impérieuse nécessité, pour tout un chacun, d'agir à son échelon.
La crise sanitaire fait passer tout le reste au second plan, ce qui est une mauvaise nouvelle pour le climat et la biodiversité : car, si les conséquences de leur dégradation sont plus lointaines dans le temps, leurs effets seront sans commune mesure avec ceux du coronavirus. Et il est trompeur de penser que nous aurons bien le temps de nous en occuper « après ». À cet égard, le virus qui se propage aujourd'hui est d'ailleurs représentatif. Il s'agit d'un phénomène exponentiel *et* retardé :
- exponentiel, cela veut dire, sans rentrer dans le détail, qu'il se répand infiniment plus vite que ce que notre intuition nous suggère ;
- retardé, cela veut dire que nous ne voyons les effets d'une politique de lutte contre la propagation que quelques semaines après l'avoir mise en œuvre.
Et donc, entre le temps où l'on décide d'agir et le temps où l'on en voit les effets, la situation a considérablement empiré : au moment de l'entrée en vigueur du confinement, il y avait 700 personnes en réanimation en France – pas de quoi paniquer ; trois semaines plus tard, quand le confinement a commencé à porter ses fruits, c'était dix fois plus – et le système hospitalier était à genoux.
Notre prédation sur les écosystèmes et l'atmosphère terrestre a les mêmes caractéristiques : simplement le retard n'est pas de trois semaines mais de deux à trois décennies, et les effets prévisibles seront infiniment plus graves.
L'épidémie en cours nous laisse du temps d'oisiveté. Il faut le mettre à profit pour prendre du recul. Saisir l'occasion de ce temps suspendu où notre agitation collective est momentanément arrêtée pour penser et peser sur ce que doit être l'après. Dire cela aujourd'hui est presque un lieu commun, mais le rendre effectif est une autre affaire. Et que peut-on faire au niveau individuel ? Je veux mentionner un point sur lequel s'accordent les gens qui ont engagé dans leur vie personnelle une transition écologique sérieuse : ce qui est difficile, ce n'est pas d'accepter et de prendre du plaisir dans son nouveau mode de vie ; ce qui est difficile, c'est de changer son logiciel de pensée et ses habitudes. C'est renoncer à ce qu'on prend pour acquis, à ce qu'on fait tout le temps, sans y réfléchir parce que c'est normal (parcourir le monde pour assister à des réunions ou partir en vacances, aller au travail en voiture, chauffer sa maison à 21 °C, renouveler sa garde-robe tous les ans, manger de la viande tous les jours, acheter le téléphone dernier cri, regarder des films sur Netflix, etc.)
En cette période étrange où, précisément nos habitudes sont bousculées, prenons le temps de réfléchir à leurs impacts, aux habitudes alternatives qu'on pourrait prendre lors du retour à la normale. Car le moment est on ne peut plus propice pour en changer durablement.
Sylvain Chevillard
Nice, le 24 avril 2020.
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