Je sue, donc je suis !
La chaleur nous trompe. La chaleur est un leurre. Elle fait croire à la grande solidarité universelle de la sueur. Chacun.e souffre, chacun.e sue, chacun.e cherche la fraîcheur. L’Égalité gravée aux frontons communaux trouve enfin sa confirmation. Le fécond comme le fainéant mouillent leur chemise dans un bel ensemble chaleureux. Qu’elle soit noire ou blanche, la peau du front s’humecte d’inconvenantes gouttelettes. Le moindre homoncule baigne dans la canicule comme le plus majuscule des locataires du Kremlin ou de la Maison Blanche. Les cités interdites n’ont rien à lui interdire. Elle est sans peur et sans reproche. Cette augmentation conjoncturelle du niveau du mercure dans le fin canalicule de verre du thermomètre voudrait faire de la canicule une grande démocrate. N’en croyons rien ! Les catastrophes, les guerres et les famines comme les vagues de chaleur se brisent sur les mêmes désespoirs. La chaleur tue. L’année dernière, rien qu’en Europe (où on les compte encore), elle a fait 65.000 morts de plus. Des morts qui étaient surtout des mortes ! C’est la même chanson à perpétuité. Les délaissées, les exclues, les vulnérables sont toujours en première ligne des crimes contre l’humanité. Qui laisse la planète cuire à petit feu d’année en année ? Qui laissent fondre les glaciers et les banquises ? Qui arrache aux montagnes leurs blanches aubes de neiges éternelles ? Qui fait bouillir les algues et les poissons dans des flaques, méphitiques reliques des lacs et des étangs ? Qui laisse Mohamed le vieux malien enterrer un à un ses enfants au bout du jardin, dans les sables dévorants du désert ? Le sirocco aride a séché ses yeux comme il avait desséché le cœur de sa femme et affamé ses chèvres. Qui laisse fumer les cheminées interminables des centrales thermiques, brûler les flammes des puits de pétrole, s’échapper dans l’atmosphère le gaz naturel ou le méthane, cracher les bouches infernales des réacteurs nucléaires ? Qui calcine les steppes, incendie les forêts primaires, ravage les étendues forestières tutélaires, les poumons de notre univers ? Aux enfants perdus des cités clinquantes de la surconsommation, qui ne propose qu’une guerre de plus, qu’une horreur de plus, pour mieux mitonner la vieille Terre dans le jus saumâtre de ses océans, de ses mers abandonnées aux cadavres et aux sargasses immondes de plastiques impérissables ? Les gratte-ciels agacent le ciel. Le monde n’est supportable que sur les écrans trompeurs des médias. Nos enfants ne veulent plus d’enfant. La canicule est un crime contre l’humanité.
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