Jean-Marie Delzenne nous reçoit dans son atelier quelques jours avant le 43ème Salon de Peinture de Coye-la-Forêt où il expose quatre tableaux, samedi 22 novembre, à 18 h. au centre culturel.
Coye29 a cherché à retracer l'itinéraire de cet artiste aux multiples palettes et aux couleurs vives, fasciné depuis plus de dix ans par l'art du vitrail qui lui a inspiré ses dernières oeuvres.
Vivre en accord avec ses aspirations, les réaliser, c’est ce qu’a réussi Jean-Marie Delzenne.

Ce Coyen d’adoption s’est installé dans le village en 1970 avec son épouse Michèle. Ils sont tous les deux bien implantés, grâce à leur goût du contact et leur désir de participer à la vie locale au sein d’associations. C’est dans le cadre d’une fédération de parents d’élèves qu’ils ont d’abord montré leur dynamisme en faisant vivre un samedi par mois le Ciné-Jeunesse pour les enfants dans le préau de l’école des Bruyères. Puis d’autres associations les ont attirés. La Sylve qui satisfait leur besoin de découverte du patrimoine, le Festival Théâtral, où Michèle, institutrice retraitée aujourd’hui, satisfait son goût pour la culture, et surtout l’Association des Beaux-arts où Jean-Marie a rencontré ceux qui partagent sa passion pour le dessin et la couleur.
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Entre peinture et écriture

Le dessin, les couleurs ont été depuis l’enfance la passion de Jean-Marie. Il s’est nourri de la peinture, depuis 1949 grâce à sa rencontre avec un peintre, ami de ses parents, à Hem près de Roubaix. Il reste fasciné par cet homme : «
Il peignait souvent dehors…, j’ai toujours son image en moi, surtout l’odeur que dégageaient les tubes de peinture et la beauté de la couleur.»
Parallèlement, c’est un instituteur qui suscite son désir d’écrire, de raconter des histoires à la suite des beaux textes que le maître lisait dans sa classe. C’est encore l’instituteur qui, dans le cadre du cours de dessin, donne à Jean-Marie l’occasion de développer sa passion ; plus tard, c’est le peintre Abel Leblanc qui a été son professeur au collège qui l’impressionne par sa virtuosité.

A treize ans «
on m’a extrait de l’école primaire pour m’envoyer à l’Institut Turgot de Roubaix. Deux filières étaient proposées : le commerce et l’industrie. Mes parents ont choisi pour moi celle de l’industrie qui préparait à un « vrai » métier. Mon rêve d’entrer aux Beaux-arts de Roubaix s’envolait. Ils savaient pourtant que j’avais des dispositions pour le dessin. Je suis en quelque sorte le fruit d’une vocation contrariée.»
Cependant ses parents ont eu à cœur de le former à la culture : «
On allait souvent au théâtre, au concert, au cinéma, voir des opéras, des opérettes. Ils m’ont donc ouvert l’esprit. »

A vingt-quatre ans, il quitte le Nord, s’installe à Paris chez son oncle qui lui trouve un emploi comme agent technique dans l’aviation. Il suit aussi des cours pendant trois ans, Place des Vosges, au Cours supérieur de dessin et de modelage de la ville de Paris. C’est à Paris, au Musée de l’Homme, qu’il rencontre Michèle, qui deviendra son épouse. Elle finit ses études d’institutrice spécialisée. Entre les cours de dessin, Jean-Marie consacre son temps à l’écriture. A la faveur d’une mutation de Michèle, tous les deux se retrouvent en Haute-Savoie. Mais l’écrivain en herbe cherche à se rapprocher de Paris et des éditeurs avec qui il est pressé d’entrer en relation.
La liberté d’écrire

En 1970, Michèle obtient un poste d’enseignante près de Paris…. à Coye-la-Forêt, au Domaine des Trois Châteaux. Il décide, d’un commun accord avec son épouse, de se consacrer à l’écriture. Il cherche du travail, un emploi à mi-temps qui lui laisse le temps justement, le temps de continuer à écrire. Il travaille d’abord dans les écuries, chez M. Laumain, allée des aulnes, à Coye-la-Forêt où, comme garçon de cour, il nettoie les boxes le matin pour avoir la possibilité d’écrire l’après-midi. Mais huit mois après, le nombre de chevaux diminuant, il est licencié. Il est embauché, toujours à mi-temps, c’est la condition pour écrire sereinement, au Centre de Réadaptation Fonctionnelle pour enfants de Bois-Larris à Lamorlaye. Il intégrera par la suite l’Ecole de Cadres de Kinésithérapie qui se trouve dans le prolongement du Centre.

Il envoie ses manuscrits à plusieurs éditeurs. Les refus ne le découragent pas. Il a toujours écrit, il continue. Il aime raconter des histoires. Il aborde tous les genres, le conte, la poésie, le roman, la nouvelle, le récit historique, le théâtre. Ses sources d’inspiration : la famille, l’histoire, l’expérience des anciens. Ses maîtres : Balzac, Hugo, Chateaubriand ; puis Sartre, Aragon, Mauriac et Giono.
Peu à peu les manuscrits se font nombreux. Ils remplissent aujourd’hui toute une étagère derrière son bureau.

L’âge venant et n’étant toujours pas édité, il veut donner à ses écrits une forme achevée, celle du livre imprimé. C’est un Coyen, Alain Mouquet, imprimeur, qui lui permet de réaliser ce projet. Deux premiers ouvrages, des contes, ont été imprimés, respectivement à trois cents et six cents exemplaires: Bancroche, et Les Chevaliers de la Thève, dont les héros sont les trois figures que nous connaissons bien pour les voir au fronton du Château de la Reine Blanche, à chaque promenade qui nous conduit aux étangs de Commelles
Un troisième livre se prépare, deux contes poétiques : La Muse rouge, et Ballades bretonnes. «
Mon projet, c’est de continuer à faire imprimer tout ce que j’ai écrit » Outre sa famille, ses amis, ses connaissances, Jean-Marie atteint aussi un public varié dans les salons du Livre (Creil, Orry-la-Ville), ou chez les libraires (Orry-la-Ville, Compiègne, Précy-sur-Oise, le Grand Cercle à Eragny… ) où il dédicace ses livres.
Le dessin et la couleur.

Depuis quelques années Jean-Marie a un peu délaissé le stylo pour consacrer son temps à la peinture. «
J’ai toujours créé, peinture ou écriture, c’est ce qui m’intéresse depuis tout gamin. »
Les impressionnistes l’ont influencé, ainsi que les grands maîtres qu’il a beaucoup copiés : Rembrandt, Michel-Ange, Le Caravage, Joseph Vernet, Pissarro….
Il fait sa première exposition en 1965 aux Artistes roubaisiens. A son arrivée à Coye-la-Forêt, Jean-Marie s’est tout naturellement rapproché de l’association des Beaux-arts et a exposé au salon de 1971. C’est dans ce cadre que les Coyens peuvent voir ses tableaux chaque année.
Il se définit naturellement comme un peintre figuratif. Il a commencé par les paysages du Nord, des portraits à la mine de plomb, celui de son épouse et de sa fille par exemple. Au fil de notre visite, dans les différentes pièces de la maison, nous découvrons qu’il utilise aussi bien l’aquarelle pour des paysages des Hautes Alpes ou des vues de Coye-la-Forêt - le château, la ferme – que l’huile pour des compositions symboliques, comme « La lecture », toile dans laquelle il nous montre ses références à Léonard de Vinci, Ingres et Rembrandt. Suivent des paysages de Normandie, de Provence, de l’île d’Oléron, les dunes du Nord…. C’est Michèle qui fait l’encadrement de certains tableaux grâce à ce qu’elle apprend au cours de Mme Charpentier à Coye-la-Forêt.
Gribouillages et chiffons : « le vitraillisme »

La visite de son atelier, une grande pièce bien éclairée où le chevalet montre le tableau en cours – le Mont Saint-Michel - nous conduit vers ce qu’il appelle « sa période contemporaine. » Une profusion de toiles déjà prêtes montre que Jean-Marie aime la couleur, que ses toiles témoignent d’un goût pour la lumière. Rien de mélancolique ni de sombre. Les bleus, les jaunes, les orangés, les rouges éclatent. Bouquets, fruits, groupes de femmes, l’orgue de Coye-la-Forêt, le château de la Reine blanche… Le peintre explique qu’il s’inspire du vitrail, réminiscence de ce que son instituteur lui avait fait découvrir en évidant des formes sur du papier noir pour les remplir avec un papier transparent coloré. Accrochés aux fenêtres ces petits tableaux resplendissaient à la lumière du jour.

Pour faire ses toiles Jean-Marie commence par « gribouiller » dit-il, au crayon. De cet entrelacs de lignes il voit peu à peu se dégager des formes qui finissent par lui inspirer un thème. «
Dans le gribouillage je trouve la forme d’un objet ou d’un personnage». Lorsque le thème se dégage enfin, il ajoute des éléments pour équilibrer l’ensemble, d’autres formes, des arabesques, des ogives. Parfois il utilise le collage de bouts de tissus. «
Quand le dessin central est fait je compose autour du dessin ». Le tableau se présente enfin comme un vitrail dont chaque partie est cernée par un trait noir bien marqué. Jean-Marie travaille sans modèle, tout est librement imaginé. Au chiffon il éclaircit la couleur pour que la lumière semble venir de derrière, comme celle que l’on perçoit à travers un vitrail. Il a utilisé cette technique pour peindre les quatorze stations d’un chemin de croix destiné à la petite église romane de Courtieux dans l’Oise.
Le chiffon du peintre.

Non, Jean-Marie ne jette pas le chiffon qui lui a servi à nettoyer ses pinceaux ou à estomper la couleur de ses toiles ! Il le regarde. Il voit des formes dans les taches de couleurs, comme on peut en voir dans les nuages. Il les entoure d’un trait noir. Toutes les formes s’imbriquent. C’est une vie foisonnante qui apparaît, visages d’hommes, corps de femmes, silhouettes animales, tous cohabitent et s’épousent, comblent le vide. «
Ces petits tableaux ont du succès dans les expositions, » nous dit-il.
Il peut aussi choisir d’utiliser une seule partie du chiffon dans laquelle un ensemble de formes l’intéresse particulièrement ; il calque le dessin et le reproduit, agrandi, sur une toile où s’étalent des formes colorées.
L’éclectisme

Dans l’atelier de poterie de Claire Gillet il a travaillé la terre. Sur une huche à pain transformée en table basse, s’étalent ses compositions en céramique. C’est un autre aspect de son esprit créatif.
-En 1974 pour mieux connaître les rouages de l’écriture dramatique, il intègre pour quelques années la troupe de théâtre « La Lucarne » dirigée par Claude Domenech.
-Avec un ami musicien, il écrit des textes de chansons. C’est ainsi qu’il entre comme auteur à la SACEM.
-En 1980, en autoédition, il édite « Clair-obscur » une cassette de ses poèmes..
Le voyageur

Jean-Marie a toujours aimé la nature, marcher, découvrir, apprendre… « Jeune explorateur », c’est à vélo qu’il a parcouru pendant ses vacances la Bretagne, la Normandie, les châteaux de la Loire, la vallée du Rhône, la Provence, les Pyrénées… A Coye-la-Forêt, il a donc naturellement rejoint l’association La Sylve et il parcourt avec ses amis tous les sentiers alentour, à la découverte du patrimoine naturel et culturel de notre région. Jean-Marie a mis son talent d’écrivain au service de l’association qui édite régulièrement des revues. Il a écrit des fascicules sur les anciens métiers de la forêt : le margotteur et le cordier…, et donné à notre ancien pâtissier, M. Harrault, l’idée de fabriquer ses margotins en chocolat, dont la renommée a franchi les bornes de notre Etat !
«
J’aime bien les choses qui sortent de l’ordinaire. »

C’est donc cet homme que nous avons rencontré. Ce désir de créer qui s’est manifesté très tôt, il l’a reconnu et lui a donné dans sa vie une place aussi large que possible. Il écarte les limites, ne cesse d’apprendre, de chercher. Un homme curieux de tout.
Petite Galerie virtuelle
Poésie : Les amants de Verderonne
Les amants de Verderonne
Font craquer la feuille jaune
Ils se tiennent par la main
Riant des lendemains.
Les amants de Verderonne
Aiment le soleil rouge de l’automne
Quand la feuille tourbillonne
Tous deux s’étonnent.
Et ils courent éperdus dans les champs
Ils s’arrêtent essoufflés sur un banc
Leurs baisers se mélangent aux serments
Mots d’amour emportés par le vent.
Les amants de Verderonne
Se confondent au ciel qui tonne
Serrés l’un contre l’autre
Leur passion devient nôtre.
Les amants de Verderonne
Ne demandent rien à personne
Que de pouvoir s’aimer
En liberté.
Une fleur accrochée entre leurs dents
Un parfum qui s’échappe avec le temps
Une nuit caressée par les étoiles
Cupidon découvre le voile.
Les amants de Verderonne
Dans leurs grands manteaux frissonnent
Les flocons argentés
Habillent les fiancés.
Les amants de Verderonne
Sous les regards s’abandonnent
Les poètes attendris
Aux cœurs qui fuient
Et ils valsent sur la pointe des pieds
La musique les entraîne vers les fées
Dans ce monde insondable du rêve
Où l’amour ne connaît pas de trêve.
Les amants de Verderonne
N’ont pas eu peur de la pomme.
Adam croque le fruit
Devant Eve qui rit
Les amants de Verderonne
Ont rejoint leur toit de chaume
Devant la cheminée
Meurent les baisers.
Des projets comme les mailles d’un filet
Se tissent avec les mots élaborés
Sur le port le bateau s’est amarré
Restera-t-il longtemps au quai ?
Les amants de Verderonne
Un refrain qui se fredonne
Sur les lèvres de sang
Dans les cœurs palpitants
Les amants de Verderonne
Comme un vers qui se consomme
Boivent les Alizés
De vérité.
J.M.D. le 19 décembre 1978