Allons à la bibliothèque
Entretiens avec Mesdames Agnès Bouchard, Bernadette Breton et Dominique Caltot
Le moment nous a donc semblé opportun pour regarder plus attentivement qu’à l’accoutumée cette maison à l’arrière de la mairie où les livres se prêtent, s’échangent et se discutent, et pour rencontrer Agnès Bouchard, la bibliothécaire, ainsi que Bernadette Breton et Dominique Caltot, bénévoles assidues et passionnées.
Un lieu pour lire et parler
Face au bureau de la bibliothécaire, il y a un fauteuil. Il n’a l’air de rien, mais il en dit beaucoup. Car le visiteur s’assoit et prend le temps de parler. Parler des livres qu’il rapporte, parler de soi, parler aux autres.
Pour la bibliothécaire, c’est d’abord cela, la bibliothèque d’un village : un lieu de rencontres et d’échanges. Le livre favorise les contacts, sert d’intermédiaire et crée un lien. Les lecteurs sont nombreux à Coye-la-forêt : sur plus de 800 personnes inscrites à la bibliothèque, 453 sont « des lecteurs actifs ». C’est avec eux qu’elle exerce ce qu’elle préfère dans son métier, conseiller des livres à celui qui entre, en fonction de ses goûts, de ses attentes. Le prêt est personnalisé, le dialogue s’installe avec le lecteur qui hésite devant les rayonnages : « Tiens, ce livre devrait vous plaire… » Quand les enfants rapportent leur livre, ils n’hésitent pas à s’exprimer, à parler de la joie, de la surprise, ou de la déception, nées de leur lecture
Le mercredi et le samedi, jours d’affluence, les lecteurs échangent aussi entre eux, se recommandent des titres, des auteurs, parlent des sujets sur lesquels ils aiment lire, peinture, jardinage, cuisine, poésie ou roman. « Chacun est détenteur d’un savoir et peut le partager ». Bref, à la bibliothèque de Coye-la-forêt, on ne se contente pas de lire, on parle.
Au fil des ans, la bibliothèque s’est enrichie et compte maintenant près de 10 000 références, environ 9 500 livres, 150 Cdrom et 120 DVD. Chaque année, environ 400 nouveaux livres sont achetés.
Les enfants à la bibliothèque
Quand la bibliothèque est fermée au public, elle ne l’est pas pour tout le monde. Les seize classes de la commune y viennent une fois par mois avec leurs enseignants. Le coin des enfants est agréablement aménagé. Outre les rayonnages de livres, des bacs installés à bonne hauteur proposent un grand choix de BD, d’albums, de documents. Tables, chaises et banquettes sont là pour que les jeunes lecteurs s’installent confortablement, lisent, écrivent ou dessinent. La bibliothécaire travaille en collaboration avec les maîtres, et chaque enfant repart avec un livre On lit une histoire aux plus jeunes et on laisse aux plus grands le soin de parler à leurs camarades du livre qu’ils ont lu.
« C’est un bonheur de voir qu’un enfant éclate de rire en parlant du livre qui l’a fait rire. Touchant aussi de rencontrer au supermarché ou dans la rue en enfant qui vous dit : « Tu sais, mon livre, il est drôlement bien ! » Les capacités des jeunes lecteurs sont étonnantes, ils sont très critiques, très réceptifs aussi. Une fois, lors d’un concours de poésie organisé par la bibliothèque, une petite fille de CE2 avait surpris en écrivant spontanément un poème qui parlait de « son bel amour. »
La bibliothèque dispose d’une littérature de qualité pour la jeunesse, très variée, des auteurs comme Pierre Gripari, Jean-Côme Noguès, Évelyne Brisou-Pellen, Margaret Peterson Haddix auteur de « L’enfant interdit », Henriette Bichonnier et bien d’autres.
Une nouveauté cette année : Les enfants du Domaine des Trois Châteaux seront accueillis le mercredi après-midi, par groupes de six. Belle opportunité pour eux de puiser dans les richesses de la bibliothèque et d’aborder tous les types de lecture, de passer du roman, à la BD, au documentaire ou à la poésie…
Des animations
Outre ces activités, la bibliothèque organise régulièrement des animations : rallye lecture, concours de poésie, invitation de conteurs, conférences sur des périodes de l’histoire ou des personnages comme Mermoz, Marie-Antoinette, Raspoutine, les Cathares …sur des thèmes comme l’eau, la justice… L’écrivain Ismaël Kadaré a même été reçu dans ces lieux.
Une équipe passionnée de lecture
L’équipe en charge de la bibliothèque est composée de la bibliothécaire en titre et de deux bénévoles qui viennent prêter main forte chaque semaine les mercredis.
Madame Dominique Caltot est tombée sous le charme de la bibliothèque il y a dix ans. Elle la décrit comme un lieu plutôt exceptionnel, chaleureux, où elle aime travailler. « J’ai toujours beaucoup aimé lire, c’est une passion, je ne pourrais pas me passer de lire ».
Si c’est son attachement à la lecture qui l’a amenée à rejoindre l’équipe et qui constitue toujours le principal moteur dans son implication, elle apprécie les possibilités de rencontres inhérentes à cette activité. « C’est sympathique, cela permet de rencontrer des gens avec lesquels on peut discuter, échanger. En général, les gens qui viennent à la bibliothèque ne sont pas pressés. Progressivement on connaît leurs goûts, on peut mieux les conseiller ».
Les origines de la bibliothèque
Chaque mercredi matin, Madame Breton est présente et contrôle le retour des livres. Elle connaît parfaitement le passé de notre bibliothèque puisqu’elle en a été la directrice. Pour mieux nous le raconter, elle feuillette devant nous le grand registre où les bibliothécaires successifs ont consigné la vie des livres.
La bibliothèque a été ouverte en 1966 dans ce local qui servait de réserve pour les services techniques de la mairie. Il n’y avait qu’une seule pièce. Au sous-sol, en terre battue, se trouvait une sorte de cellule où la police municipale maintenait quelques heures ou quelques jours ceux qui avaient troublé l’ordre public. La bibliothèque a été fondée par des bénévoles, Madame Jacqueline Lefèbvre et Monsieur Fouquet. Madame Marquand est venue ensuite. Il n’y avait à l’époque aucune subvention municipale. Le fonds n’était guère important et constitué exclusivement de livres donnés.
Madame Breton est arrivée en 1980 et a travaillé comme bénévole. Le maire de l’époque, Monsieur Macé, a été le premier à octroyer quelques subventions. Le registre signale qu’en 1982 le budget était de 3 000 F. et ne permettait pas d’acheter plus de 60 livres par an. Aujourd’hui, ce sont 400 livres par an qui viennent enrichir le catalogue. En 1982, Madame Breton est nommée directrice de la bibliothèque – bénévole encore ! – par le maire Monsieur Gaillochet. D’autres personnes l’ont rejointe : Mesdames Gonze, Coyer, Dubois, Franqui, Prieux…
Elle se rendait régulièrement à Senlis à la Bibliothèque Départementale pour suivre une formation et rapporter des livres. « Après quelque temps on m’a donné une petite prime pour mes frais de transport. A l’époque les locaux n’étaient pas chauffés, sinon par un petit radiateur à huile, l’hiver il fallait travailler avec un manteau. Il n’y avait pas de toilettes, on se rendait à la mairie ou à l’école si la mairie était fermée !
Mademoiselle Hédoin, la directrice de la Bibliothèque départementale, m’a beaucoup aidée en me prêtant des livres pour notre bibliothèque de Coye-la-forêt. Si bien que des lecteurs plus nombreux sont venus et le local étant devenu trop petit, Monsieur Gaillochet a décidé de l’agrandir. Le sous-sol a été aménagé et l’escalier intérieur installé, ainsi qu’un point d’eau et des toilettes.
Comme Mesdames Franqui et Cardon recevaient l’école des Tilles chaque semaine, Monsieur Gaillochet a voulu que les écoles de Coye-la-forêt viennent aussi à la bibliothèque. J’ai demandé de l’aide et la municipalité a créé un demi poste de bibliothécaire qui a été tenu par Béatrice Marquet. Comme elle a désiré ensuite un emploi à temps plein, elle a quitté Coye-la-forêt et c’est Agnès Bouchard, alors bénévole, qui l’a remplacée en 1992. »
Agnès intervient pour signaler que « c’est grâce à Madame Breton qu’il y a une vraie bibliothèque ici. D’ailleurs les petites bibliothèques des alentours sont venues prendre des conseils chez nous. Bernadette Breton a fait école. »
Comme Dominique Caltot, Bernadette Breton est ravie de toujours mettre son activité de bénévole au service de la bibliothèque qu’elle n’a pas quittée depuis plus de vingt-cinq ans. « Des bénévoles compétentes et professionnelles », dit Agnès Bouchard. Car le classement des livres obéit à un ordre bien particulier et rigoureux. Et il faut aussi connaître le lecteur pour le conseiller. Dans une petite bibliothèque de village, une bibliothécaire connaît tout du livre. Elle suit son parcours, elle le choisit, le commande, le reçoit, le lit parfois, elle le classe et le prête. Quand il revient, elle écoute les critiques des lecteurs. Elle est donc à même de jouer ce rôle de guide de lecture que l’on ne trouve pas toujours dans les plus grandes bibliothèques où le lecteur est parfois seul face aux livres.
La Médiathèque Départementale de l’Oise
Le bibliobus de la Bibliothèque Départementale a été une aide aussi pour enrichir le catalogue de prêt. « Autrefois, dit Madame Breton, Coye-la-forêt était placé en fin de tournée, après Chantilly, et nous n’avions que les livres que les autres avaient laissés. » Maintenant il vient directement à Coye-la-forêt deux fois par an et laisse 900 livres, dont 350 sont renouvelés à chaque passage, ainsi que 150 Cdrom et 39 DVD. Auparavant, la mairie payait une cotisation pour ce service, qui est maintenant pris en charge par le Conseil Général. La Médiathèque Départementale de l’Oise finance aussi des animations et apporte une aide technique, met à disposition des intervenants professionnels, comme les deux auteurs de BD qui ont été invités récemment, Gossens et Edika. C’est un soutien très important, comme celui de la municipalité qui alloue un budget pour renouveler le fonds et compléter les aménagements.
Les projets
Le projet sur lequel les bibliothécaires travaillent en ce moment est la création d’un comité de lecture et de réflexion qui rassemblera tous ceux qui veulent confronter leurs opinions sur un livre ou un sujet donné. La première séance se déroulera sous l’égide de la Médiathèque départementale, dans le cadre du Mois du Film documentaire, samedi 28 novembre et débutera par la projection d’un film, coproduit par Arte et La Générale de Production, « La démocratie des moi » du réalisateur Bernard George, auteur de nombreux documentaires historiques pour la télévision.
A partir d’images d’archives - de Clemenceau dans les tranchées à De Gaulle et Barack Obama – et de commentaires d’historiens, de sociologues et d’hommes politiques, le film montre l’histoire de la personnification en politique, de la « starisation » qui modifie notre rapport à la démocratie. En présence du réalisateur, le débat sera ensuite ouvert…
Auparavant, le festival Contes d’Automne, organisé aussi par la Médiathèque de l’Oise du 6 au 29 novembre, présentera deux spectacles de Cécile Delhommeau au Centre culturel, le samedi 14 novembre, à l’intention des enfants :
- T’aurais pas une comptine sous le bras, (pour les plus jeunes, de 1 à 4 ans, à 11h)
- Au bord de la mare, (à partir de 10 ans, à 15h)
Il ne s’agit pas de la simple lecture d’un conte, mais d’un véritable spectacle puisque l’auteur accompagne le conte d’une mise en scène, d’une gestuelle et d’accessoires. La réservation est conseillée au 03 44 58 45 48 (bibliothèque). L’entrée est gratuite.
Les derniers « coups de cœur »
Nous ne pouvions terminer ces entretiens sans avoir parlé des livres. En voici quelques-uns que nos bibliothécaires ont aimés. Nous les remercions pour nous avoir consacré du temps afin que ce lieu de Coye-la-forêt soit mieux connu et qu’il devienne un passage incontournable dans notre parcours de lecteur.
Un thriller de R.J. Ellory, « Seul le silence » dont l’histoire se déroule aux USA, en Géorgie dans le contexte de la seconde guerre mondiale. La vie d’un petit garçon de douze ans est bouleversée par des meurtres de petites filles. Ses voisins, allemands, sont soupçonnés. Ils ont une petite fille et le garçon veut la protéger…
« Itsik » de Pascale Roze : C’est une histoire toute simple, un tailleur qui quitte Varsovie, puis Berlin, avant la seconde guerre mondiale, pour vivre en France. Il met tout son cœur à réussir sa vie, travaille, fonde une famille…
« De la part de la princesse morte » de Kénisé Mourad : Une princesse indienne raconte sa vie à l’apogée des maharajas et celle de sa mère avec laquelle elle part au Liban quand la famille est condamnée à l’exil.
« Lord James », de Catherine Hermary-Vieille, raconte la vie d’un homme qui s’est battu pour l’Ecosse. Indépendantiste farouche, il était marié à Marie Stuart, reine d’Ecosse incarcérée puis décapitée sur ordre de la reine d’Angleterre Elizabeth 1ère. On retrouve l’histoire et la vie de l’Ecosse au XVIème siècle, et c’est passionnant !
Pierre Cendors, quelques œuvres à découvrir
Roman : L’homme caché, Editions Finitude, 2006
Nouvelles : Nuit blanche, Revue Du Nerf (n°5/2007)
La onzième lettre, Revue Monsieur Toussaint Louverture (n°4/2005)
Solander, Revue Monsieur Toussaint Louverture (n° 3/2005)
La promenade absolue, Revue Contrelittérature (n°15/hiver 2005)
L’Eau-de-là, Editions Orage-Lagune-Express (2003)
Conte : Sylvia Pan, Journal Vivre Carouge (Suisse), n°2/ 2004
Poésie
Mouvements virginaux, Revue Avant-Poste (n°4/2005)
Le voyageur sans voyage, Revue Lieux d’être (n°39/2004), et Cadex Editions
Blog : http://endsen.blogspot.com
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