La solidarité, on peut dire qu'elle est présente dès l'origine du Festival, tout au moins dans l’un de ses objectifs. Le passionné qu'était Claude Domenech a voulu il y a 37 ans créer une fête du théâtre à Coye-la-forêt avec l'objectif de le promouvoir, de rassembler ses habitants autour de celui-ci, et donc de le rendre accessible au plus grand nombre. Avec lui, six associations ont été assez solidaires et audacieuses pour tenter l'aventure… et la réussir.
Une programmation solidaire
Pour cette 38e année, la programmation s'est tournée vers les 180 nouveaux habitants de Coye-la-forêt, femmes, familles, enfants qui, dans l’impossibilité d’y vivre dignement et en sécurité, ont quitté leur pays pour la France. A Coye-la-forêt, l’Etat leur permet une halte. Pour les gens de théâtre, pas question de les oublier. Le Festival a ainsi présenté deux spectacles qui concernent leurs parcours et leurs vies : « Étranges étrangers » (lien), et « De Pékin à Lampedusa ». Il leur a également donné le droit d’être spectateurs en offrant des places à ceux qui souhaitaient venir un soir goûter au théâtre et oublier leurs inquiétudes.
Archives pour: "Mai 2019"
- 1
- 2
Europe, fille du roi de Tyr, ancienne cité du Sud du Liban, est enlevée par le dieu des dieux de l’époque, déguisé en taureau, et emmenée en Crète, la limite Sud de notre continent européen, le Lampedusa du moment. Ça commençait déjà très mal pour elle. Le déguisement est carrément ridicule, mais la suite est criminelle : l’enlèvement d’une mineure avec viol et séquestration. A l’époque, les hommes n’avaient pas à se gêner, même les dieux violaient. Trois ou quatre millénaires plus tard, la pauvre Europe n’en mène pas plus large. Comme les précédentes élections de ses députés, celle d’il y a cinq ans n’a rien changé et celle-ci ne laisse rien augurer de meilleur.
De Jean-Claude Grumberg
Mise en scène : Isabelle Domenech
Dès le début de la pièce, nous sommes entraînés dans un dialogue absurde entre le directeur d’une maison de retraite (Jean Truchaud) et le fils (Antony Goulhot) d’une résidente (Claudine Deraedt) dont la mémoire est très déficiente. Le directeur est obnubilé par ses problèmes de budget et gestion de personnel ; le fils est désemparé par l’état de sa mère qui ne le reconnaît pas et qui a des problèmes de cohabitation avec ses voisins de couloir. Le dialogue entre les deux hommes est très rapide et, quoique tragique, puisqu’il y est question des dégradations causées par l’âge, devient un échange à la Louis de Funès dont l’humour détend l’atmosphère. Le contraste est fort avec la souffrance de cette vieille femme perdue qui a parfois des éclairs de souvenirs d’un traumatisme d’enfance : par petites touches discrètes sont évoqués peu à peu les camps de concentration et les privations, les médecins sadiques et sa fuite désespérée avec sa mère dans une forêt, poursuivies par les nazis et leurs chiens.
De Marguerite Duras
Mise en scène : Guillemette Laurent
D’emblée le public est surpris par une mise en scène originale (de Guillemette Laurent) où les acteurs lisent le scénario, se positionnant à l’extérieur du jeu de théâtre, comme les protagonistes se posent d’abord en dehors de leur histoire à travers la distance palpable que les êtres humains mettent entre eux pour se protéger de leurs sentiments.
C’est drôle et sensible grâce au jeu des acteurs et le public partage leur impatience à aller plus loin dans l’histoire et à entrer dans l’intimité qui fut la leur et que l’on perçoit immédiatement comme douloureuse.
De John Millington Synge
Mise en scène : Patrick Alluin
Quelques chaises, deux tonneaux, une planche, des caisses de Guinness et, sur le comptoir improvisé, une bouteille de whiskey. Il n’en fallait pas plus pour camper sur la scène du Centre culturel de Coye-la-forêt une Irlande catholique empreinte d’une profonde ruralité coincée dans les couloirs du temps.
Un soir de pleine lune et de veillée mortuaire où s’apprêtent à aller fêter la Vie, la Mort, tous les hommes avinés du village, surgit dans ce pub – épicerie-tabac oublié sur sa colline, Christy Mahon, un jeune paysan épuisé et apeuré. Il vient de tuer son père d’un coup de bêche et a pris la route pour échapper aux « casqués » d’une police que l’on imagine britannique.
Compagnie Kulunka Teatro (Espagne)
Mise scène : Iñaki Rikarte
Une pièce originale et bouleversante !
Au festival de Coye, les pièces se succèdent mais ne se ressemblent pas. Après avoir apprécié la langue épurée de Racine (Britannicus), le spectateur demeure médusé par la création du Kulunka Teatro : André et Dorine.
Pas de texte, pas d'échange de mots ; seuls des gestes et des mouvements corporels, des expressions mises en valeur par de subtils éclairages. Les comédiens portent des masques en caoutchouc grotesques, certes, mais qui n'occultent pas leurs émotions ni leurs sentiments.
Ils déclinent l'histoire d'un vieux couple figé dans ses habitudes. Lui, écrit, elle, joue du violoncelle. Le cliquetis lancinant de la machine à écrire s'accorde mal avec le rythme décalé de la musicienne. Dorine s'obstine à tenir son archet à l'envers! Signe précurseur de la terrible maladie qui l'attaque...
Des tableaux tragi-comiques s'enchaînent : l'arrivée du fils et l'échange amusant des cadeaux qui accentue encore le fossé entre les générations, la consultation médicale où un patient miteux, rongé par les puces, distrait le spectateur du diagnostic impitoyable. Alzheimer ! André refuse d'y croire.
Compagnie Kulunka Teatro (Espagne)
Mise scène : Iñaki Rikarte
Un petit salon simple mais coquet, sur les murs les photos des moments intenses de leur vie, une étagère où reposent des livres, un violoncelle, voilà le décor dans lequel évoluent André et Dorine qui entrent peu à peu dans l’hiver de leur vie.
« Elle » et « Lui » semblent ne plus se conjuguer avec « Nous ». Le couple ne se supporte plus. Le bruit de la machine à écrire d’André agace profondément Dorine, les accords du violoncelle exaspèrent André. La seule visite qu’ils reçoivent est celle de leur fils unique, un peu las des écrits de son père et des tricots pourtant confectionnés avec amour par sa mère.
Mais ce « Toi et Moi » qui longtemps les avait unis dans la tendresse du « Nous » revient peu à peu lorsque l’impitoyable maladie d’Alzheimer frappe Dorine. Alors leur complicité du meilleur revient avec le pire. André est là, présent pour lui tenir la main, la rassurer de sa présence en ce moment délicat.
d’après Molière
Compagnie Tabola Rassa
Mise en scène de Miquel Gallardo et Olivier Benoit
Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis la toute première représentation de « l’Avare », comédie de Molière, en 1668 au Théâtre du Palais Royal.
Depuis quelques années maintes versions modernisées nous ont été versées, Molière étant intemporel. Mais l’adaptation de Tabola Rassa, d’une grande originalité fera couler beaucoup d’encre tant elle est loufoque.
Voilà une grande farce sur trame du texte du grand maître où l’or si cher à Harpagon est remplacé par l’eau, un bien qui nous est de plus en plus précieux et qui avec la pollution et le réchauffement climatique risque de devenir denrée rare. Il nous faut donc l’économiser.
Dans la mise en scène de Miquel Gallardo, point d’acteurs. Olivier Benoît et Jean Baptiste Fontanarosa manipulent avec brio des marionnettes composées de chiffons et d’articles divers de plomberie (tuyaux, robinets, syphons etc.) et prêtent leurs voix sous différentes intonations aux personnages, ceci avec une grande virtuosité.
d’après Molière
Compagnie Tabola Rassa
Mise en scène de Miquel Gallardo et Olivier Benoit
Critiques des collégiens de l’atelier théâtre
du collège Françoise Dolto de Lamorlaye :
Cet Avare remis au goût du jour est à la fois humoristique grâce aux jeux de mots comme « on m’a coupé le tuyau », et brillant par le talent des comédiens pour stimuler l’imagination et l’anthropomorphisme nous permettant de donner une apparence humaine à des robinets. (Ella)
Le fait d’employer des marionnettes pour jouer cette pièce est assez original. De ce fait, les marionnettes étant des tuyaux, les comédiens peuvent placer certaines références à la plomberie en réécrivant le texte de Molière. Je pourrais recommander cette pièce aux amateurs de spectacles comiques qui ne s’attachent pas trop à la réalité car les personnages ne sont que des robinets. J’ai beaucoup de respect pour les comédiens qui ne sont que deux à interpréter tous les personnages. (Shana)
Texte et mise en scène de Gilbert Ponté
Avec Malyka R. Johany
Tout commence par un lever de soleil sur la mer et un chant africain. La voix est mélodieuse, ensorcelante. Puis Samia apparaît. C’est elle qui chantait. Maintenant elle nous raconte son histoire, la mime, la chante à nouveau. C’est une histoire terriblement douloureuse. Douleur de l’athlète à l’entraînement, douleur de la fille dont le père a été tué, douleur de devoir se cacher parce que femme, douleur du départ, douleur du voyage long, long… contrebalancées par l’espoir de pouvoir s’entraîner, simplement.
Chacun des mots sonne juste, l’émotion est là, et même sans comprendre les paroles des chansons, on sait si elles expriment la joie, la colère, la résignation ou la révolte.
Malyka R. Johany a des talents fous. Son incarnation de Samia Yuzuf Omar permet de faire revivre cette sprinteuse présente aux Jeux Olympiques de Pékin, de lui rendre hommage, de ne pas l’oublier. Vaincre l’anonymat des morts en Méditerranée, telle était la gageure. Bravo.
D’après William Shakespeare
Adaptation et mise en scène : Antoine Herbez
Il est toujours bon de donner ses impressions à chaud après avoir vu un spectacle. Surtout un spectacle qui fait du bien, qui redonne le goût du vrai, du beau, du sensuel, d’où l’on ressort ragaillardi et joyeux.
Nul besoin de grands mots, de phrases alambiquées pour décrire ce que l’on voit quand ce que l’on voit sur scène nous entraîne dans une ronde infernale qui ne s’arrête qu’à la fin du spectacle.
Dans son adaptation du « Songe d’une nuit d’été » de William Shakespeare, parfaitement réglée, Antoine Herbez, le metteur en scène, a su à tout moment insuffler la poésie qui se dégage avec délicatesse du récit qui nous est fait.
La pièce se regarde comme dans un rêve. Les bois sont le cadre parfait pour les événements surnaturels qui s’y déroulent avec des moments privilégiés quand certaines herbes et certaines fleurs cueillies la nuit possèdent des vertus magiques comme celles qu’inspirent des rêves amoureux. Je persiste à croire que la folie amoureuse est un thème essentiel du « Songe d’une nuit d’été ».
Texte et mise en scène de Philippe Chuyen
Les « Pieds Tanqués » est une pièce optimiste qui démontre que le « vivre ensemble » devient possible dès que l’on se parle vraiment…
Pour quelqu’un qui était trop jeune à l’époque et qui n’a pas été directement touchée par les « événements d’Algérie », cette pièce fait comprendre bien mieux qu’un article descriptif type « wikipédia » ce qu’a été cette guerre avec ses drames familiaux. On en a finalement très peu parlé, et cette pièce de théâtre répare une injustice…
D’après les derniers entretiens de Louis-Ferdinand Céline
Mise en scène de Gérard Bénech
Avec Stanislas de la Tousche
Si Céline pouvait se réveiller …
Ah, Monsieur Destouches, Louis-Ferdinand, comme vous nous avez surpris ! Comme vous nous avez fait voyager dans vos souvenirs tout au long de la nuit !
Enfermé dans votre ermitage de Meudon, bien gardé par vos chiens aboyant à la moindre intrusion dans votre intimité, bercé par la musique lointaine au service des entrechats des jeunes élèves de votre compagne, évoluant au-dessus de votre tête, sirotant votre thé bouillant au fond d’une chaise qu’il vous coûtait parfois de quitter, vous nous avez fait, de votre voix chevrotante de vieillard désabusé et décati, bien des confidences !
Nous avons été amusés, choqués, fascinés par la théâtralité de votre personnage.
De Samuel Gallet
Mise en scène et dramaturgie du Collectif Eskandar
Vous écouteriez ce discours :
« Il fait sombre… la terre tremble sous mes pas… Il y a un violent incendie… Je suis angoissée… soudain, autour de moi, les murs s’écroulent… toute la ville est en feu… elle s’appelle Eskandar… il se produit une terrible catastrophe : le pays n’est que destructions… Dans ses ruines, je vois de grands animaux… des éléphants… des cerfs… des lions géants… qui se promènent en liberté… Ils se sont échappés du zoo… Un lion féroce dévore un homme… Il y a du sang partout… Mais maintenant, je m’appelle Madame de F… oui, un nom à particule…et mon jeune fils armé d’un couteau est avec moi. J’ai un fusil… je tire sur les lions… je vise tout ce qui me fait peur… »
Vous pourriez alors vous imaginer dans la peau d’un psychanalyste, mais ce n’est pas le cas ! Vous êtes un spectateur de théâtre. La femme qui parle n’est pas étendue sur un divan, elle se trouve sur la scène côté cour, accablée sur une chaise. Son état et son discours sont décrits, repris, commentés, complétés par un récitant debout derrière un micro au centre d’un dispositif en demi-cercle formé au jardin par un long instrumentarium varié, avec le percussionniste qui lui est attaché, et, à la cour, par une violoncelliste assise derrière son violoncelle et un clavier.
De Samuel Gallet
Mise en scène et dramaturgie du Collectif Eskandar
Très tristounet, ton article, Jacques ; comment se fait-il que tu n'aies pas été transporté comme nous dans cette histoire fabuleuse ?
J'ai été prise d'emblée : quelle talentueuse comédienne, cette petite bonne femme qui ne paie pas de mine, et qui joue ça, ce n'est même pas du désespoir – c'est relativement plus facile à jouer le désespoir – mais ce manque d'espoir, cet enfermement dans la solitude et le désarroi, quand on vient l'expulser d'entre ses quatre murs où elle est recluse avec son fils de sept ou huit ans, quand il n'y a plus rien à attendre de personne, quand il n'y a rien à espérer et qu'il ne reste plus qu'une seule chose à souhaiter, c'est une catastrophe, une vraie grande catastrophe, quelque chose d'extraordinaire, de grandiose : j'ai cru d'emblée à ce désir de cataclysme.
Non, on n'est pas chez le psychanalyste, à ressasser ses petits tourments personnels ; on est carrément chez les fous, dans le grand délire onirique, et la petite bonne femme y croit tellement que le phantasme devient réalité, son rêve éveillé devient poème lyrique quand le comédien prend le relais, et que la musique, percussions et violoncelle, s'en mêlent, le rêve éveillé pour nous devient conte fantastique, et la magie des mots, leur scansion, l'énumération poétique de tous les animaux échappés du zoo, on y croit, on les rêve, on les voit.
De Jean Racine
Compagnie Minuit44
Mise scène : Laurent Domingos
Il y a le théâtre contemporain, selon les jours, drôle, provocateur, poétique, onirique, émouvant, bouleversant parfois, en prise avec les réalités de notre temps, et les auteurs classiques – les grands tragiques de l'Antiquité, Shakespeare, Racine, Schiller… – auxquels il faut revenir régulièrement car ils sont – osons les superlatifs – immenses et éternels.
Racine, donc et plus précisément Britannicus dont l'auteur lui-même avoue que c'est celle de ses tragédies qu'il a "le plus travaillée" (seconde préface - 1676). Elle nous était proposée mardi dans une très belle mise en scène, de Laurent Domingos.
Nous assistons à la naissance politique de Néron, qui aux yeux de l'Histoire, apparaîtra comme la figure même du tyran démoniaque et tortionnaire. Pour l'instant, il est encore complètement sous l'emprise de sa mère, Agrippine, qui entretient avec lui une relation de domination incestueuse dont il essaie de se dégager mais, soumis à des influences contradictoires, il est balloté d'un côté de l'autre, vacillant, indécis, girouette ne sachant à quel conseiller se vouer. Cette faiblesse actuelle explique peut-être son excès de cruauté future. "Las de se faire aimer, il veut se faire craindre", dit de lui Agrippine dès le début de la pièce.
Car dans ce palais, nous le verrons, le sentiment le plus répandu, c'est la peur, la peur qu'il faut entretenir parce que c'est un des plus puissants instrumenst de domination. Agrippine en a parfaitement conscience qui ajoute plus loin : "Je le craindrais bientôt s'il ne me craignait plus".
De Jean Racine
Compagnie Minuit44
Mise scène : Laurent Domingos
Domination, Oppression, Manipulation, Passion, Perversion, Poison voilà les composantes de « Britannicus », tragédie politique de Jean Racine, lesquelles entrent en parfaite communion avec Imagination, Diction, Exception, Perfection, Versification dans l’interprétation de l’équipe dirigée avec brio par Laurent Domingos.
Néron, fils d’Agrippine a succédé à son père l’empereur Claude. Celui-ci a eu d’un précédent mariage, Britannicus promis à Junie. Dominé par Agrippine, subitement amoureux de Junie, manipulé par son gouverneur Narcisse, Néron assassine son demi-frère.
Texte et mise en scène : Marine Bachelot N’Guyen
Sylvain, un immigré congolais muni de faux papiers, et Karine, une femme blanche caissière de supermarché, tombent amoureux. Karine a un rapport fusionnel avec son chien labrador Sherkan. Ils vivent tous les trois dans un petit studio, mais la cohabitation se révèle difficile, chacun éprouvant beaucoup de difficultés à trouver sa place.
Plusieurs thèmes sont abordés :
- les rapports de domination : le chien par l’homme, la femme par son partenaire masculin et son employeur, l’homme noir par l’ancienne puissance coloniale ;
- l’insuffisance des mots pour communiquer réellement dans un couple ;
- le rapport du monde occidental à l’animal domestique.
Écriture et mise en scène : Olivier Lopez
Avec Marie-Laure Baudain, Alexandre Chatelin, Laura Deforge et Adélaïde Langlois.
Samedi soir, j'ai vu quatre clowns très en verve nous faire découvrir à leur manière le monde le plus fermé et hermétique de la planète, qui vit depuis des décennies sous le régime le plus totalitaire et militaire qui soit : la Corée du Nord. Cela, au point de nous faire exploser de rire des situations les plus terribles qu'il soit de vivre encore aujourd'hui !
Avec quelle force ils nous ont restitué le culte de la personnalité, la propagande écrasante de ce régime militaire et policier ! Qui peut imaginer le ballet des missiles, le culte des tyrans, le manque et les privations de tout, la méfiance des rapports avec les voisins et les proches, comme ils nous l'ont joué samedi soir ? Les symboles sont détournés, ridiculisés – missiles en carton, drapeau/guenille – pour ne pas faire pleurer de l'horreur de ce qui se vit au quotidien aujourd'hui dans ce pays qui pourrait être si doux et beau.
de Dario Fo
Théâtre de La Lucarne
Mise en scène : Isabelle Domenech
Déjanté, farfelu, loufoque...ça fuse, ça bouge, ça décoiffe avec des comédiens qui "se la jouent" à fond, à plein, sans limite...
Oui il s'agit bien d'une comédie, d'une farce mais, sans plus attendre, voilà qu'affleure l'émotion, la conviction. Sous le rire, la rage? Commedia dell'arte à la sauce des années de plomb dans cette Italie qui hésite entre prospérité et révolte, entre faiblesse politique et puissance économique...farce et tragédie.
Superbe prestation de "notre" troupe qui oublie ses amateurismes pour se saisir des personnages avec un naturel qui s'affirme dans la fluidité du texte, la liberté du mouvement. L’émotion surgit sans crier gare, déborde, envahit la scène pour bien vite battre en retraite devant le rire. À la "moulinette" de Dario Fo rien n'échappe : ni les patrons, ni les femmes, ni les institutions, ni la finance. Fo ose tout et le fantôme d'Aldo Moro est là pour rappeler l'Italie à ses démons, à ses faiblesses. L'Italie ? Pas sûr qu'elle soit seule dans cette galère !
- 1
- 2