L’Avare
d’après Molière
Compagnie Tabola Rassa
Mise en scène de Miquel Gallardo et Olivier Benoit
Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis la toute première représentation de « l’Avare », comédie de Molière, en 1668 au Théâtre du Palais Royal.
Depuis quelques années maintes versions modernisées nous ont été versées, Molière étant intemporel. Mais l’adaptation de Tabola Rassa, d’une grande originalité fera couler beaucoup d’encre tant elle est loufoque.
Voilà une grande farce sur trame du texte du grand maître où l’or si cher à Harpagon est remplacé par l’eau, un bien qui nous est de plus en plus précieux et qui avec la pollution et le réchauffement climatique risque de devenir denrée rare. Il nous faut donc l’économiser.
Dans la mise en scène de Miquel Gallardo, point d’acteurs. Olivier Benoît et Jean Baptiste Fontanarosa manipulent avec brio des marionnettes composées de chiffons et d’articles divers de plomberie (tuyaux, robinets, syphons etc.) et prêtent leurs voix sous différentes intonations aux personnages, ceci avec une grande virtuosité.
Pas de décors si ce n’est une grande table sur laquelle évoluent les poupées de chiffons, creusée en son centre pour recevoir la précieuse eau, et de beaux jeux de lumière.
Lully au clavecin pour ouvrir le spectacle et marquer la fin des actes, histoire de nous rappeler que Molière est bien là.
Harpagon est un vieux robinet vêtu d’une serpillère échevelée, le nez parfois bouché par un surplus de calcaire. De cassette il n’a point mais une vaste citerne dans laquelle goutte à goutte il fait couler son précieux trésor.
La célèbre réplique de Valère : « Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger » est devenue : « Il faut boire pour vivre et non vivre pour boire » !
La soif d’amour des deux couples d’amants s’étanche dans des ballets un soupçon érotiques sur fond de morceaux bien choisis de musique classique.
L’insolent La Flèche est soupçonné d’avoir vidé la citerne de son maître.
Maître Jacques prend l’accent d’un vendeur de sushis !
Le spectateur est aspergé de jeux de mots parfois subtils, souvent un peu lourds, des règlements de compte avec un théâtre concurrent ou avec les Gilets jaunes, un peu de publicité mal placée pour une marque de robinet ou une source d’eau minérale, bref une grande bouffonnerie que Molière aurait peut- être appréciée, qui sait ? mais dont on ne retire pas la morale attendue, à savoir économiser l’eau pour sauver notre planète.
Enfin c’est là un spectacle à voir de près et la structure du lieu s’y prêtait mal, comme sans doute maints théâtres où la pièce a été jouée.
Les acteurs sont partis sous une pluie d’applaudissements mais quelques spectateurs puristes n’ayant pu siroter la prose de Molière ou d’autres n’ayant pas assouvi leur soif d’écologie ont gardé leurs mains bien au sec au fond de leurs poches.
Saluons cependant la prestation remarquable des deux acteurs devenus manipulateurs malgré eux.
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La conception de ce spectacle me laisse perplexe. Que l’on remplace des personnages de chair par des robinets marionnettes, pourquoi pas? On fait alors du théâtre de marionnettes. Et j’aime bien les marionnettes. Le problème est que sur l’affiche il y avait le nom de Molière. Donc j’attendais le texte de Molière. Comme il y avait en caractères plus petits le mot “d’après", je m’étais dit qu’il y aurait qqs coupes, ou quelques ajouts, comme des clins d’oeil. Cela se fait. Ns avions vu auparavant “Un” Songe d’une nuit d’été, et les coupes avaient allégé le spectacle. Mais Shakespeare était là, et le résultat était magnifique. Or le texte qui s’intitulait L’Avare n’avait, hélas, plus rien à voir avec celui de Molière, d’où ma déception. Dommage, car les comédiens ont du talent et ont déployé beaucoup d’énergie dans cette représentation.