La semaine des Bozarts
Conversation
- Ah ! ça, j’adore !
- Ca aussi, c’est joli.
- Tiens, les étangs de Commelles
- Mais c’est Coye-la-Forêt !
- Quel travail !
- Quelle patience !
- On dirait que le chat va sauter sur nous
- Celui-là, je sais pas ce que c’est.
- Ah ! oui, y a un visage derrière.
- Ca, je trouve que c’est un peu ténébreux, la scène est pas gaie en tout cas.
Du 22 au 30 novembre inclus, l'association des Beaux-arts de Coye-la-Forêt a organisé son 43ème salon de peinture. Dans la grande salle du centre culturel, soixante-sept peintres et cinq sculpteurs nous ont fait partager leur passion avec plus de deux cents oeuvres exposées. Devenue incontournable, cette manifestation a acquis au fil des ans un large succès auprès du public.
Inventaire, en Images & Petit Poème en prose... suivi d'une Rencontre avec Jean-Bernard Hirgair, invité d'honneur
... Et Petit Poème en prose !
Aux Bozarts
Hétéro…
Le bois, le glacis et l’aquarelle, l’acrylique
L’huile, le feutre, la gouache et le pastel
Le crayon, le fusain, le bronze, le tissu, le marbre
… et j’en oublie…
Un paysage de Provence orange et bleu
Un pot d’orchidées roses entouré de rubans verts tel qu’on vous l’a offert
Les yeux verts d’un chat qui vous regarde droit dans les yeux
Un joueur de baseball blanc qui bascule sur un terrain vert pomme
Des ailes de papillons si immobiles qu’on les dirait piquées sous le verre
La misère du monde rouge et noire autour dune poubelle orange
Pendant ce temps le port de Bretagne attend au soleil
Le mufle bleu nuit d’un singe
Feuilles et rameaux lavés par l’aquarelle, le Japon n’est pas loin,
Clair-obscur, masques blancs cheveux rouges,
Le torero est couché, muleta rouge sang, taureau noir
L’orgue de Coye dans un vitrail, la lampe à huile sur la table
Un village de la Creuse et l’Opéra de Paris,
Des tissus et papiers froissés, le cerveau a ses méandres,
Des giroflées devant le cloître avec le pont du Rialto
Un sanglier, deux pigeons, une guenon, trois citrons,
Le temps des giboulées avec l’été dans les dunes
L’automne en Vexin et le tigre dans la nuit
Rouen, le Kenya et la baie de Somme,
Amiens, Bushkar, Egypte et cap Fréhel
Ile de Burano, Bruges et place du Tertre, falaise d’Etretat
Coye-la-forêt, étangs de Commelles, un platane abattu,
Venise, canal vert, ciel orangé, palais rougis
D’une colline enneigée à la scène de plage où la serviette bleue s’envole
Du poulailler à la cathédrale ocre aux vitraux pâles
Du raisin qui brille sur la nappe blanche brodée par grand-mère
Au château sous la mer transpercée de rayons
De Gérard Philipe, tel qu’on l’a gardé dans nos rêves, à la marquise de Carabas
Du couple qui n’ose plus le baiser
Au visage d’homme qui se lit derrière taches, lignes, et lettres
Et la mer dans tous ses états, de toutes les couleurs, du bleu électrique au gris sale
Vagues, galets, rochers, sable, ce que la mer a laissé, la maison abandonnée, la maison sur la falaise, dessins de l’écume, transparence de l’eau…
Et les ciels, bleus comme on ne les voit guère, colorés de nuages, plombés à Bruges, oranges derrière les Masaï, verts comme les arbres qui les cachent, tachés par un cerf-volant
Le soleil souvent, la lune rarement, qui tournoie dans un cauchemar
Les bateaux voguent partout, les gondoles à Venise, les chalutiers en mer, les barques blanches au port, les felouques sur le Nil
Certains n’ont pas de chance, course arrêtée dans la vase,
Parfois ils ne sont même plus des bateaux, ils ne gardent que leur nom Jésus Marie Joseph ou Marc Roland Thierry ; ou il ne reste d’eux que leur amarre, le nœud marin sur le quai
Les femmes…
elles se dénudent et s’envolent, leurs bras s’enroulent et les portent,
leurs jambes sont une aile sortie du marbre,
elles flirtent avec la mort,
essaient les cloches des années folles,
elles jouent du violon en robe noire,
elles délacent leur corset,
à la toilette leur chemise blanche dessine la chute des reins,
elles sont aussi de bronze ou de bois et la douceur de la courbe invite à la caresse, le ventre s’offre, les hanches s’arrondissent et leur démesure fait des promesses
Des chevaux traversent un gué, un facteur part en tournée, un château s’enfonce sous l’eau, le curé vitupère, la femme danse et le chat fait la sieste…
Rencontre avec Jean-Bernard Hirgair
Jean-Bernard Hirgair s’approche. Je parle des titres de tableaux. Il s’en amuse. Comme Magritte, c’est le hasard qui fournit le titre, la première association d’idées qui vient. Mais le hasard est absent du tableau. Chaque tableau est une composition rigoureuse, explique-t-il. Chaque centimètre carré est composé. A partir d’un dessin. Une forme apparaît. Le garnissage de peinture se fait ensuite au pinceau. Le glacis est ensuite appliqué sur l’ensemble, une très fine couche de couleur très diluée qui va modifier les premières applications.
Cette exposition de J.B. Hirgair n’est qu’une étape, la plus récente, aboutissement de ses recherches et créations passées.
Il a commencé par « acquérir les bases ». Un parcours académique, le dessin au crayon, l’apprentissage de la couleur. Dans son cahier figurent toutes ses approches : du simple croquis tracé en quelques minutes - scène dans le métro, silhouettes, portraits – aux gravures, trompe-l’œil, aquarelles, huiles ou acryliques.
Il a commencé par le figuratif, a observé la nature : « La nature prime pour trouver les couleurs. Mais on n’est pas obligé de représenter ce que l’on voit", précise-t-il. L’éveil s’est fait peu à peu au non figuratif, avec le souci de l’harmonie du graphique et de la couleur. Il s’agit pour ce peintre de se réapproprier la nature. Il crée des formes, suggère des volumes, et recrée donc un monde figuratif mais qui n’est absolument pas réaliste ni descriptif.
« Il n’y a aucun intérêt à copier pour copier »affirme-t-il. La peinture ne doit pas être une exacte reproduction de la réalité, sinon la photo fait bien mieux qu’elle. La peinture apporte un regard sur la réalité. Le bon tableau révèle la sincérité du peintre. On sent si un peintre est sincère. »
Son ami, Monsieur Seureau, se joint à notre conversation. Ancien peintre décorateur, il expose aussi dans ce Salon. Tous deux prennent plaisir à parler des lois de la composition, du fameux nombre d’or qui définit le point idéal, celui vers lequel le regard sera attiré. Monsieur Seureau a exercé son activité pour décorer les façades de cinéma, notamment celle du Gaumont Palace Place Clichy. Douze mètres de hauteur sur lesquels il fallait peindre les acteurs de l’époque, Jean Gabin, Michèle Morgan. Ces peintures étaient là des mois, aussi longtemps que les films projetés alors. C’était l’époque où Ben Hur restait deux ans à l’affiche, et la peinture tenait tout ce temps-là.
Avec nostalgie, les deux peintres expliquent que le numérique préside maintenant aux affiches de cinéma, et que le temps des peintres décorateurs est passé… comme est passé aux Beaux Arts l’apprentissage du dessin.
Et pourtant… le dessin est bien là dans les toiles de JB Hirgair aux titres suggestifs : Chuchotement, Turbulences, Folies, Obstruction… Il ne reste au visiteur qu’à entrer dans cette création et à se perdre dans un imaginaire construit.
(Propos recueillis par Marie-Louise)
Pour tout contact : Association des Beaux-Arts, mairie de Coye-la-Forêt, 60580 Coye-la-Forêt
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