Jacques Bona, la musique au théâtre
Jacques a quitté le survêtement blanc à bandes vertes qui a fait notre admiration dans « La Servante maîtresse » La voix de l’artiste reste basse, mais l’exubérance de l’acteur a fait place à la sérénité que nous lui connaissons.
Coye29 : Comment en es-tu venu à faire partie de cette équipe qui a créé le Festival ?
J.B. : Je ne m’en souviens plus exactement, on me l’a sans doute proposé. Je l’ai fait sans réfléchir, cela m’a paru couler de source. Je représentais à l’origine, en 1982, l’association musicale « Les Très Riches Heures de la Thève. » Le Festival, à son début, c’était un groupe d’associations coyennes à objectifs d’ordre culturel, réunies autour du Théâtre de La Lucarne, qui se sont attachées à créer un Festival multidisciplinaire : dans les premières éditions, il était donc proposé outre des pièces habituelles de théâtre, des marionnettes, du cabaret, du théâtre d’ombre ou d’objets, des pièces pour anglophones, des courts métrages de cinéma etc. Comme parfois les gens se sentent intimidés par le spectacle musical - je ne sais pourquoi -, c’est à moi qu’est revenu le fait de proposer ce type de représentation. Et depuis, l’habitude a été prise d’inclure la musique dans la programmation. Par exemple, j’ai été à l’origine de séances de films muets, un Buster Keaton notamment, accompagnées par un pianiste, Yves Prin. Je me souviens aussi d’un concert de percussions avec une danseuse. Comme nous avions peu de moyens nous faisions venir des amis !
Et Jacques retrouve dans ses archives tous les programmes des 27 festivals passés. Avec attendrissement, nous regardons le tout premier, fait sur une simple feuille dactylographiée. Le bulletin municipal de l’époque note qu’il y avait eu 1500 spectateurs et 11 représentations. Ce qui était déjà une belle réussite !
J.B. : Je ne m’en souviens plus exactement, on me l’a sans doute proposé. Je l’ai fait sans réfléchir, cela m’a paru couler de source. Je représentais à l’origine, en 1982, l’association musicale « Les Très Riches Heures de la Thève. » Le Festival, à son début, c’était un groupe d’associations coyennes à objectifs d’ordre culturel, réunies autour du Théâtre de La Lucarne, qui se sont attachées à créer un Festival multidisciplinaire : dans les premières éditions, il était donc proposé outre des pièces habituelles de théâtre, des marionnettes, du cabaret, du théâtre d’ombre ou d’objets, des pièces pour anglophones, des courts métrages de cinéma etc. Comme parfois les gens se sentent intimidés par le spectacle musical - je ne sais pourquoi -, c’est à moi qu’est revenu le fait de proposer ce type de représentation. Et depuis, l’habitude a été prise d’inclure la musique dans la programmation. Par exemple, j’ai été à l’origine de séances de films muets, un Buster Keaton notamment, accompagnées par un pianiste, Yves Prin. Je me souviens aussi d’un concert de percussions avec une danseuse. Comme nous avions peu de moyens nous faisions venir des amis !
Et Jacques retrouve dans ses archives tous les programmes des 27 festivals passés. Avec attendrissement, nous regardons le tout premier, fait sur une simple feuille dactylographiée. Le bulletin municipal de l’époque note qu’il y avait eu 1500 spectateurs et 11 représentations. Ce qui était déjà une belle réussite !
« Aujourd’hui, poursuit Jacques Bona, la programmation se fait surtout à partir de pièces de théâtre vues au Festival d’Avignon. Il est très difficile de trouver un bon spectacle musical à la portée du budget de celui de Coye-la-forêt.
En 2006, j’ai pu inviter un spectacle ayant pour thème le compositeur Erik Satie : Trois Satie en forme de poire, des pièces jouées, chantées, mises en scène, complétées par l’unique et extraordinaire œuvre de théâtre de Satie :Le Baron Méduse.
En 2006, j’ai pu inviter un spectacle ayant pour thème le compositeur Erik Satie : Trois Satie en forme de poire, des pièces jouées, chantées, mises en scène, complétées par l’unique et extraordinaire œuvre de théâtre de Satie :Le Baron Méduse.
Coye29 : Tu assumes d’autres fonctions dans le Festival ?
J.B. : Je suis chargé des relations avec la S.A.C.D., Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques qui répartit les droits des auteurs de spectacles. Je suis en rapport avec elle pour remplir une déclaration de tous les spectacles programmés et pour leur faire une demande de subvention. J’étais aussi chargé des relations avec l’O.N.DA., l’Office National de Diffusion Artistique quand il nous accordait régulièrement une subvention. Mais depuis deux ou trois ans, nous n’en avons plus. Cet organisme est fait pour guider les troupes et les mettre en relation avec des diffuseurs dont il modère les déficits ; il organise des tournées pour des troupes qu’ils apprécient et n’a pas vocation de subventionner un festival. Je pense qu’il nous aiderait cependant si l’on choisissait des spectacles qu’il propose, mais ceux-ci sont souvent onéreux et nous avons des difficultés de temps ou de lieu pour les voir.
Cette année nous avons décidé de renouer avec l’O.N.D.A. et de nous inviter dès juillet en Avignon aux spectacles éventuellement soutenus.
Cette année nous avons décidé de renouer avec l’O.N.D.A. et de nous inviter dès juillet en Avignon aux spectacles éventuellement soutenus.
Coye29 : Peux-tu me dire quelques mots de ton propre parcours.
J.B. : Je suis un artiste lyrique basse-baryton formé à l’origine au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (CNSM). Depuis mes prix dans cet établissement, j’ai exercé une carrière professionnelle très variée sur le plan des répertoires puis j’ai enseigné le chant dans deux conservatoires parisiens en même temps que je chantais comme toujours au cachet dans divers lieux (opéras, salles de concert, églises etc.). A partie de 2002 j’ai été professeur à temps plein au Conservatoire National de Région de Caen. Je suis maintenant retraité de l’enseignement du chant, mais, en tant qu’artiste, je continue à travailler modérément, par exemple dans Les trois jours de la queue du dragon , de Jacques Rebotier http://www.rebotier.net/ , un spectacle pour enfants. Je donne aussi des concerts- les plus récents : œuvres de Rossini (La Petite messe solennelle), de César Franck, avec Les Solistes de Lyon - ; je suis allé à Malte pour le petit opéra de Darius Milhaud Le Pauvre Matelot qui tournera en Picardie en avril 2010. http://www.arcal-lyrique.fr/. Je travaille aussi avec l’Ensemble Gilles Binchois - nom d’un compositeur de musique médiévale - http://www.gillesbinchois.com/
Coye29 : Et tu viens de te produire à Coye-la-forêt dans l’opéra-bouffe La Servante Maîtresse de Pergolèse !
J.B. : L’opéra est un spectacle malheureusement coûteux qui nécessite des subventions importantes même à une échelle modeste. Cette création a été possible à Coye parce qu’elle est coproduite par le Ménestrel (Ecole de Musique) de Chantilly et le Festival ; plusieurs participants étant bénévoles. C’est moi-même qui ai recopié les partitions d’après la version française manuscrite de 1754 et adapté un nouveau texte. Nous avons aussi bénéficié de la mise à disposition de la salle du Centre Culturel et plusieurs fois d’un studio de l’ARCAL à Paris. La Servante Maîtresse que nous avons recréée est à l’image de ce qui se faisait au XVIII° siècle, où l’on aimait parodier les opéras célèbres, on faisait des arrangements, on traduisait, on ajoutait des dialogues. C’est l’origine de l’Opéra comique fait d’airs entrecoupés de dialogues parlés.
Coye29 : Le public du Festival a eu la chance de t’entendre chanter, mais il t’a vu aussi faire du théâtre, jouer la comédie.
J.B. J’aime le théâtre musical et j’ai toujours aimé l’idée de spectacle. Même lorsqu’on assiste à un spectacle médiocre, on en tire quelque chose, les comédiens sont sincères, un travail a été fait. Mais je suis prêt à critiquer et je ne pense pas être méchant ! Dans notre travail d’artistes, nous sommes toujours sous « la douche » des observations du metteur en scène ou du chef d’orchestre qui ne sont pas là pour nous ménager. Même d’une mauvaise critique on peut garder des observations importantes : les compliments rassurent mais ne sont pas toujours constructifs. La discussion enrichit.
La représentation, c’est fascinant. Dans la représentation théâtrale, les comédiens expriment leur vérité : ils sont une part profonde d’eux-mêmes dans les personnages qu’ils incarnent. D’autre part quelque chose nous fait glisser en dehors de la réalité quotidienne vers un autre plan immatériel. L’art, c’est mystérieux ; il n’est pas toujours facile d’analyser ce qui provoque l’émotion.
J.B. J’aime le théâtre musical et j’ai toujours aimé l’idée de spectacle. Même lorsqu’on assiste à un spectacle médiocre, on en tire quelque chose, les comédiens sont sincères, un travail a été fait. Mais je suis prêt à critiquer et je ne pense pas être méchant ! Dans notre travail d’artistes, nous sommes toujours sous « la douche » des observations du metteur en scène ou du chef d’orchestre qui ne sont pas là pour nous ménager. Même d’une mauvaise critique on peut garder des observations importantes : les compliments rassurent mais ne sont pas toujours constructifs. La discussion enrichit.
La représentation, c’est fascinant. Dans la représentation théâtrale, les comédiens expriment leur vérité : ils sont une part profonde d’eux-mêmes dans les personnages qu’ils incarnent. D’autre part quelque chose nous fait glisser en dehors de la réalité quotidienne vers un autre plan immatériel. L’art, c’est mystérieux ; il n’est pas toujours facile d’analyser ce qui provoque l’émotion.
La mise en scène peut se trouver où on ne s’y attend pas. Par exemple, il y a quelques années, Christo avait emballé le Pont Neuf à Paris. Le fait de l’habiller a été un véritable coup de théâtre qui nous a fait regarder ce pont autrement. Comme cette couverture géniale, l’art voile de façon subtile la réalité des choses et en dévoile un autre aspect. Et comme cette œuvre recouverte (le Pont Neuf) est aussi de l’art, on se retrouve projeté dans une mise en abyme…
Le théâtre, l’art en général, nous entraîne à ce genre de démarche individuelle : apprendre à pénétrer dans un univers différent. Le parcours demande parfois un certain effort. La musique, qui lui est souvent associée est intimidante, comme je l’ai déjà dit, pour certains. En peinture, si l’on se contente du motif c’est insuffisant : le motif, déjà remarquable de couleurs et de construction, cache autre chose : ce qui est autour, la pensée du peintre, puis son inconscient, puis l’élan qui l’anime, puis… le plongeon dans le mystère, l’émotion !...
En facilitant l’accès à des représentations de qualité, le Festival est une chance, c’est un festival de proximité. Sa naissance s’est faite au cœur du village. Attention tout de même à la rançon de sa réussite et qu’il ne devienne pas une entreprise obligée de rechercher systématiquement l’affluence pour boucler son budget. Il n’en est heureusement pas là ; un commerce consisterait à ne choisir que des spectacles à succès public garanti, avec la certitude qu’entraîne un grand nom sur l’affiche. Cependant je trouve que les spectacles audacieux du début manquent un peu, comme ceux de Benoît Vitse dont j’ai quelque nostalgie.
Le théâtre, l’art en général, nous entraîne à ce genre de démarche individuelle : apprendre à pénétrer dans un univers différent. Le parcours demande parfois un certain effort. La musique, qui lui est souvent associée est intimidante, comme je l’ai déjà dit, pour certains. En peinture, si l’on se contente du motif c’est insuffisant : le motif, déjà remarquable de couleurs et de construction, cache autre chose : ce qui est autour, la pensée du peintre, puis son inconscient, puis l’élan qui l’anime, puis… le plongeon dans le mystère, l’émotion !...
En facilitant l’accès à des représentations de qualité, le Festival est une chance, c’est un festival de proximité. Sa naissance s’est faite au cœur du village. Attention tout de même à la rançon de sa réussite et qu’il ne devienne pas une entreprise obligée de rechercher systématiquement l’affluence pour boucler son budget. Il n’en est heureusement pas là ; un commerce consisterait à ne choisir que des spectacles à succès public garanti, avec la certitude qu’entraîne un grand nom sur l’affiche. Cependant je trouve que les spectacles audacieux du début manquent un peu, comme ceux de Benoît Vitse dont j’ai quelque nostalgie.
AMOUR ET SOLFÈGE
Catherine Dussaut-Bona se joint à notre entretien pour quelques minutes. Artiste lyrique également et professeur de chant, elle a suivi le Festival pendant une vingtaine d’années, à la billetterie et aux réservations tous les soirs. Elle rappelle à Jacques le concert qu’ils avaient donné tous les deux en1989 à l’église de Coye-la-forêt, dans le cadre du Festival : Dialogus inter deum et hominem, Dialogue entre Dieu et l’homme. Des chants et des textes mis en scène qui avaient en commun le sujet des « vanités », soit la contemplation du fait que l’homme et toute chose sont contraints de retourner à la poussière. « C’était très mystique, dit Catherine, je me souviens avoir dû m’allonger face contre terre, bras en croix ! » Catherine a gardé photos et affiches de leurs vies d’artistes. Elle montre celle qui illustrait « L’Arche de Noé », un opéra pour enfants de Benjamin Britten, auquel Jacques avait participé et qui avait été programmé pour le Festival de1994. Claude Domenech et Nicolas Burton-Page - musicien, directeur de l’école de musique – en avaient respectivement fait la mise en scène et dirigé l’orchestre en rassemblant 150 participants dont un chœur d’enfants.
Les souvenirs musicaux, dont certains prestigieux, ne manquent ni à Catherine ni à Jacques qui ont, tous les deux, mis leurs talents au service du Festival. Grâce à eux, la musique est là.
Les souvenirs musicaux, dont certains prestigieux, ne manquent ni à Catherine ni à Jacques qui ont, tous les deux, mis leurs talents au service du Festival. Grâce à eux, la musique est là.
Mélanges...
1. Les berceaux, G. Fauré, Op.23 n°1
2. Le secret, G. Fauré, Op.23 n°3
3. La chanson du pêcheur, G. Fauré, Op.4 n°1
Extraits de Berceuses, Wiegenlieder, Lullabies pour endormir Eléonore (enregistrement privé - Coye-la-Forêt, avril 2000)
1. Dolly, Gabriel Fauré
2.Wiegenlied, Franz Schubert
3.Summertime, George Gershwin
4.Do, do, l'enfant do, Joseph Bodin de Boismortier
Remerciements chaleureux à Jacques pour avoir corrigé et complété cet article.
Propos recueillis par Marie-Louise
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:`(:`(:`(envoutant…à écouter sans modération. Merci et bravo!