VOLPONE
de BEN JONSON
Par Fox Compagnie
Mise en scène de Alfred le Renard et Céline Sorin
Un éloge du théâtre.
Nous avons été étonnés, nous avons ri, et beaucoup applaudi cette mise en scène surprenante et parfaitement cohérente du chef d’œuvre de Ben Jonson.
Nous avons été étonnés, nous avons ri, et beaucoup applaudi cette mise en scène surprenante et parfaitement cohérente du chef d’œuvre de Ben Jonson.
Masques : Des personnages issus de l’imagination, mi-hommes mi-bêtes, grotesques de notre époque, rendent impossible une identification et guident le spectateur vers une autre lecture. Ces êtres ne sont pas arrivés à la conscience. Ils sont des marionnettes aux gestes stylisés façon cinéma muet expressionniste :
le renard cochon (Volpone) se gondole des mauvais tours qu’il prépare, la mouche parasite (Mosca) virevolte en faisant miroiter son costume mordoré, l’épouse pleurniche, le mari se contorsionne sous ses cornes, les juges carnassiers manipulés se décrochent les mâchoires…la mise en scène est riche de surprenantes trouvailles. La dernière est saisissante : Mosca, métamorphosé dans une féminité assumée, devient un élégant insecte noir et blanc aux longues ailes brillantes et au dard paralysant. Le salut final en « arrêt sur image » signe comme un point d’orgue ce déferlement d’inventions.
Venise : cette cité marchande loin de Londres est le lieu de la farce ; Venise-Babylone, cité de perdition et d’enfants perdus, lieu de toutes les débauches et de justice approximative, est uniquement régie par l’argent. Elle est l’ombre dans laquelle disparaissent les personnages. La musique puissante, anachronique, en suggère la violence. Fuites, complots, vils arrangements, règlement de comptes. Il est vrai que Venise est une république…mais elle ressemble tant à la capitale anglaise… du temps de Jacques 1er, bien sûr.
Chambres fortes : elles font les faces d’un cube gris- acier tournant selon les besoins de la dramaturgie. La première est un coffre-fort cadenassé, la chambre même du lubrique Volpone, aux couleurs chaudes ; des roux, des oranges, une couette étouffante, où Volpone exerce le métier de mourant professionnel, office bien difficile quand on est dévoré d’ appétits grossiers. La seconde est la chambre de la pauvre épouse aux grands yeux tristes ; la troisième est la Chambre de justice, un castelet de marionnettes, théâtre dans le théâtre. Ces chambres enferment et condamnent ; elles dessinent un noir univers où l’amour même et la pitié sont d’improbables accidents.
Trompeur trompé : sur ce schéma antique et toujours réjouissant, se déroule la dialectique connue ; l’esclave devient le maître et propose au vaincu un emploi à son service. Tout cela arrive par un coup de théâtre : Volpone, victime du démon de la perversité (E. Poe), organise sa propre déconfiture : il veut rejouer le coup du testament pour mieux rire des prédateurs. C’est par excès d’imagination et goût du spectacle qu’il sombre. Le moraliste parlera d’orgueil. Volpone est un virtuose du théâtre qui a pris son jeu pour la réalité. Il nous devient aussitôt sympathique, de même que Mosca qui rend mieux la justice que tous les juges de métier. Et qu’elle est ambiguë, cette moralité portée par le personnage le plus rusé, le plus menteur !
Lien vers la galerie photos : VOLPONE De Ben Jonson
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3 commentaires
Commentaire de: Marie Louise Membre
Commentaire de: Manceron Olivier Visiteur
Nous avons pu renouveler et alimenter le mode de réalisation et d’interprétation d’une pièce qui laisse quand même le souvenir ému de Louis Jouvet et d’Harry Baur. Mais c’était du vrai bon théâtre!
Commentaire de: Lorna Morin Visiteur
Quel régal!
A la sortie du spectacle, j’étais un peu abattue démoralisée par ce que je venais de voir : un monde où le sexe et l’argent dominent. Cupidité, fourberie, veulerie, satisfaction des appétits primaires. Un Volpone répugnant dont l’antre ressemble à une boite de strip-tease, des courtisans rampants aux becs acérés, qui se collent aux puissants comme des méduses, une espèce de mécanique qui s’empare des hommes et les agite comme des robots.
J’en parlai, accablée, à un des spectateurs qui s’attardait dans le hall. Superbe avec son panama blanc. C’était le metteur en scène. Quel univers noir, lui dis-je. Mais c’est le monde dans lequel ns vivons, répondit-il. Et de citer les jeunes enfants au travail, les pays condamnés à la faim, les puissants qui accumulent… Bien sûr, ai-je reconnu.
Je reconnus aussi que le spectacle était une réussite, que ses comédiens étaient parfaits, que tous leurs déplacements étant réglés au cordeau, Le cube gris-acier dont parle Catherine tournait bien huilé, comme tourne le monde, emportant accrochés aux murs les hommes assoiffés, essoufflés, qui courent, qui courent.. jusqu’à leur mort.
Ce n’est pas gai, ce que je raconte… Pourtant quelles belles couleurs dans ce spectacle, quels costumes!