AUTOMNE ET HIVER
de Lars Norén
Compagnie de l’Arcade
Mise en scène Agnès Renaud
Du quotidien théâtralisé, il fallait oser mettre en scène “Automne et Hiver” de Lars Norén. Agnès Renaud, s’en est très bien tirée. La pièce étant merveilleusement interprétée par la Compagnie de L’Arcade, nous sommes vite plongés dans une ambiance familiale.
Tout commence par une conversation entre la mère, le père et leurs deux filles autour d’une longue table pleine de verres. Celle-ci pivotera au gré des moments du repas. Si l’on ne voit pas sur cette table de nourriture, par contre les alcools ne sont pas absents, je dirai même qu’ils permettront au fil du temps de libérer la parole de chacun qui explosera souvent tous azimuts.
Par le biais simple, mais efficace, des mots, nous appréhendons mieux les problèmes que traversent les membres de celle famille. Problèmes que peuvent rencontrer nombre de cellules familiales aujourd’hui.
Les plus virulentes sont les deux filles. Deux destins différents happés par l’environnement qui conditionne leur existence.L’existence n’est simple pour personne. Il est parfois difficile de s’assumer, de trouver sa place dans ce monde en perpétuel évolution. La pièce soulève des problèmes comme la difficulté de mettre au monde d’une des filles qui renie son corps et a besoin de surmonter cette douleur en absorbant des médicaments pour dormir. L’autre fille se trouve confrontée à de graves difficultés pécuniaires. Elle a charge d’enfant. Elle n’arrive pas à s’épanouir dans une société où l’argent est roi.
L’on apprend aussi que, même absente, la mère du père garde son emprise sur le couple que nous voyons vivre sous nos yeux. Du reste, une chaise vide symbolise cette personne décédée. Je dirai qu’il n’est pas facile d’être parents. Après tout, c’est un métier qui ne s’apprend que sur le tas.
Malgré le titre « Automne et Hiver » et une météo très pluvieuse de ce 20 mai, les spectateurs ont accueilli, par leurs applaudissements chaleureux, cette pièce pleine de vérité et d’humanité.
Honneur aux comédiens :
Christine Combe (Margareta)
Virginie Deville (Ewa)
Patrick Larzille (Henrik)
Sophie Torresi (Ann)
Toutes les photos du spectacle : AUTOMNE ET HIVER De Lars Norén
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2 commentaires
Commentaire de: Frédéric S Visiteur
Mon impression brute de fonderie : poignant.
Le texte de Lars Norèn servit par une mise en scène sobre mais efficace, le jeu des quatre acteurs tellement ” réaliste ” nous prennent progressivement aux tripes pour ne plus nous laisser de répit jusqu’au final douloureux.
Démonstration qu’être parent est tout aussi difficile qu’être enfant, tellement l’enjeu d’être ” à la hauteur et de faire bonne figure ” peut exiger des sacrifices surhumains.
Fred S
Commentaire de: Marie Louise Membre
Je tarde un peu pour ajouter un commentaire… et c’est tant mieux ! Test efficace pour savoir, après quelques jours et d’autres spectacles venus s’interposer, les traces qu’aura imprimées un spectacle dans notre mémoire. Pour moi, ces traces-ci sont bien nettes. Impossible de ne pas me souvenir des jeux que pratique cette famille « ordinaire » pendant le repas mensuel. Dans la famille de Lars Norén, si je puis dire, on se déchire, mais au moins on parle. Et au fur et à mesure que tourne cette table d’acier sortie d’un cauchemar, les souffrances seront dites, l’intimité montrée aux autres. Les comédiens ont restitué cela avec une force étonnante.
A la sortie, j’ai demandé à Sophie Torresi (Ann, l’écorchée vive) qui trompait sa faim en piochant des ships, comment un comédien peut, en quittant la scène, reprendre pied dans la vie, après avoir exprimé tant de souffrance. Et elle m’a dit en riant : « en mangeant des chips !» Virginie Deville (Ewa) a poursuivi : « Mais après plusieurs représentations très rapprochées, on est un peu « grignoté », il est difficile d’en sortir indemne. »
Agnès Renaud, metteur en scène, - accueillante, détendue, souriante, si loin de l’univers tourmenté de Lars Norén - a rencontré les spectateurs à l’issue de la représentation et a salué ses comédiens : « ils sont exceptionnels, ils ont fait un énorme travail d’apprentissage du texte, et d’adresse aussi (vers qui va cette réplique ?). Les déplacements de verres, de chaises… Tout est précis et minuté. C’est une partition.
Ce qui m’a fascinée quand j’ai commencé à lire la pièce, c’est que je ne comprenais rien pendant les premières pages, deux ou trois conversations se font en même temps, personne ne parle de la même chose, la pièce montre de grandes solitudes. Peu à peu on s’ajuste, on devine qui sont les personnages et à qui ils parlent. C’est pour cette raison que j’ai choisi un début frontal pour commencer la pièce, les personnages se présentent. »
La table a suscité des interrogations : « La table est un personnage, répond Agnès Renaud, toutes les tensions ont été traitées par rapport à elle. C’est un lieu de réunion et d’éclatement, qui porte la mémoire familiale. Elle tourne sur elle-même pour montrer les changements de points de vue, les ressentis de chacun, ainsi que la marche du temps, auquel l’auteur était très sensible. »
Bravo pour cette réalisation, les choix de la scénographie – le verre, l’acier –, des costumes (le rouge élégant de la robe et le turquoise de ce tee-shirt/guenilles), bravo pour l’énergie des acteurs et leur humanité. Un spectacle qui marque.