ZADIG
de Voltaire
Compagnie du Catogan ID Production
Adaptation et mise en scène Gwenhaël de Gouvello
C’est un tourbillon, une page des Mille et une nuits, un voyage en Orient, une course haletante au royaume de Babylone, sur les rives de l’Euphrate, dans les déserts d’Arabie, en Egypte…. Tel est le Zadig que nous a offert la Compagnie du Catogan.
Le propos de Voltaire était d’utiliser le genre du conte oriental et sa cohorte de rebondissements d’une part pour divertir, d’autre part, et surtout, pour interroger sur les jeux du hasard ou du destin, le bonheur et le malheur, et surtout sortir les griffes contre la bêtise, les superstitions, les injustices, la corruption et l’intolérance. Dénoncer et rire. Etre un satiriste et raconter une histoire. Mêler les genres, brouiller les pistes. L’adaptation du conte par Gwenhaël de Gouvello ne s’en prive pas non plus.
« Né avec un beau naturel fortifié par l’éducation », Zadig est à la recherche du bonheur, vivre heureux avec celle qu’il aime. Le naïf ! « Il crut qu’il pouvait être heureux », dit Voltaire. Mais avant qu’il goûte aux délices de cet état, le philosophe conteur le confronte à une cascade d’aventures effroyables. S’il veut connaître enfin la félicité auprès d’Astarté, il devra passer des épreuves, se confronter à l’ignorance des médecins, la corruption des juges, les trahisons des courtisans, les séductions des femmes, les mensonges de mages en tous genres, les pièges des envieux, se battre contre les félons, et enfin échapper de peu à la pendaison et au bûcher… Quel programme !
Et quel défi de mettre ces aventures sur scène et d’insérer l’esprit de Voltaire dans un texte de théâtre. Le résultat est surprenant. Gwenhaël de Gouvello offre la brillante démonstration qu’au théâtre l’imagination est reine. L’Orient du conte est là, on entend couler l’Euphrate, on sent le soleil chauffer le sable, on s’étourdit à voir danser les robes lumineuses des femmes. Bien sûr, l’imagination est stimulée par l’ingéniosité des créateurs. Les costumes conçus par Anaïs Sauteray – ah ! la robe turquoise d’Asterté et sa ceinture jaune ! - la lumière sur les dunes en fond de scène, et ces constellations qui font croire à la nuit créent un univers magique dans lequel on se laisse aller - bravo à Tom Ménigault, le créateur lumière !Et que dire des chaises ! Qui oserait utiliser des chaises, et uniquement des chaises, une profusion de chaises, accrochées aux cintres, alignées, empilées, portées sur le dos, devenant fardeau, table, diligence, bûcher, lit, oreiller.. des chaises, disais-je, pour unique décor et unique accessoire d’un conte ? Comme Voltaire, le metteur en scène raconte la fable en riant. Avec inventions et artifices, il divertit. Ne pas être sérieux. Alors vive l’humour et la farce : le duel devient une partie d’échecs, la sensuelle Sémire glousse de plaisir quand on la fesse, la lame du poignard se plie au lieu de transpercer, le nain marche à genoux, et les ailes de l’ange sont de bois, de bois de chaises évidemment
A chaque page du conte, Voltaire invente une aventure dans la marche du héros vers le bonheur. Profusion de scènes, de lieux, de personnages. Le spectacle a gardé une grande partie des récits – trop peut-être ? – si bien que le lecteur de « Zadig » a la satisfaction de reconnaître le chien de la reine, le basilic, le griffon, le souper, la danse, le bûcher… Le rythme est soutenu et les comédiens filent d’une péripétie à l’autre avec une énergie qui nous emporte. Tout s’enchaîne, c’est un spectacle en mouvement constant. Treize acteurs sur scène, les uns en protagonistes principaux, les autres formant une sorte de chœur qui les encadre, les contourne, transformant à l’infini le décor de chaises. Ils emportent, rapportent, courent, passent de cour à jardin, disparaissent, reviennent, ayant entre temps changé de costume pour un autre rôle. Un ballet minutieusement réglé.
A l’exception de Benjamin Penamaria, qui est un Zadig plein d’élan, généreux et convaincant, (l’acteur est venu à Coye-la-forêt en 2010 pour « Marie Stuart » de Schiller dans une mise en scène de Fabian Chappuis, lui-même présent cette année pour le magnifique « A mon âge je me cache encore pour fumer), les douze autres acteurs font vivre une quarantaine de personnages. Le plateau est toujours occupé, les foules orientales sont là, suivant les procès ou attendant que le bûcher s’enflamme. Pour ne rien perdre du récit, des postures et déplacements des personnages ainsi que de la pensée du philosophe satiriste, qu’il ne faudrait pas oublier dans une telle profusion d’actions – l’adaptation du conte fait intervenir les allégories du Philosophe et de la Morale qui, en costumes contemporains, ponctuent l’action de leurs commentaires - une vive attention est donc requise du spectateur ! Encore essoufflé par cette course, après avoir vécu tant de vies … ailleurs, sous le soleil et dans les sables, chez les rois et les brigands, il quitte la salle heureux, étourdi par la troupe qui a lui permis cette évasion… et tout ébaubi de revoir la grise mine de Coye-la-forêt en mai.
De vives félicitations aux comédiens :
Nassima Benchicou, dans le rôle de Sémire
Brigitte Damiens, dans les rôles de La Morale et d’Arbogada,
Marie Grach, dans le rôle d’Azora et d’une femme voilée
Karine Pinoteau dans le rôle d’Astarté
Alain Carnat, dans le rôle du pêcheur
Renan Delaroche, dans le rôle d’Orcan,
Stéphane Douret, dans les rôles de l’eunuque et du nain…
Gwenhaël de Gouvello dans le rôle du roi…
Nicolas Lombreras, dans les rôles de Cador et de Sétoc
Benjamin Penamaria, dans le rôle de Zadig
Jean-Benoît Terral, dans le rôle de l’ermite
Vincent Viotti dans le rôle du médecin Hermes
Eric Wolfer, dans le rôle de la Philosophie
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1 commentaire
Commentaire de: de gouvello Gwenhaël Visiteur
nous passons parfois à coté des retours… Merci infiniment au nom de toute la compagnie…