LES SEPT JOURS DE SIMON LABROSSE
De Carole Fréchette
Compagnie Cavalcade
Mise en scène : Sylvia Bruyant
Une mise en scène soignée, des acteurs convaincants, pour un texte tragi/comique qui ne manque pas de profondeur.
Le prélude improvisé nous montre un petit théâtre rouge bricolé, comme le spectacle qui s'annonce. C'est une « Illusion Comique » d'un nouveau genre : il s'agit pour Simon Labrosse de représenter sa vie en sept jours, mais il n'a pas les moyens et a dû engager deux acteurs indigents et déjantés, obsédés par leur hochet hystérique ; pour l'une, sa « vie intérieure », pour l'autre, son cortex. La pièce s'annonce plutôt baroque et drôle, dans le style parodique : un peu d'humour sur fond de crise ?
S'éteint la lumière dans la salle : la grotte magique est en place.
La dérisoire re-création inventée par Simon égrène ses sept jours et glisse irrémédiablement vers la tragédie. La Nathalie humanitaire, amour égaré du héros, se révèle fantasme pur. Le monde extérieur devient de plus en plus agressif, les échecs pleuvent dans la recherche du travail, l'espoir s'amenuise ; tel est le récit de la sombre intrigue que nous montre Simon Labrosse dans cette auto analyse cathartique. Son autodérision accuse encore plus son impuissance, sa naïveté montre un être pitoyable, incapable de révolte.
Pire encore : la tentative de show qui pourrait rapporter quelques centimes arrachés à la générosité publique est vouée à l'échec : les acteurs se débinent ; chacun est renvoyé à son jouet autistique, l'humain se réduit à la peau de chagrin.
Ce personnage si démuni, si solitaire, ce rêveur, pourrait, au-delà d'une représentation du chômeur acculé, suggérer une image de l'artiste, plus précisément du dramaturge, celui qui finit nos phrases, allège nos consciences, est le cascadeur de nos émotions, et finalement remplit le vide. Par cette figure métaphorique et par un refus assumé de la psychologie, la pièce échappe au danger d'une lourde critique de l'horreur économique et du positivisme américain.
Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes?
GALERIE PHOTOS : LES 7JOURS DE SIMON LABROSSE De Carole Fréchette
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Ce brave Simon Labrosse m’a émue aux larmes. Car enfin, voilà un gars – certes un doux rêveur un peu à côté de la plaque – mais quand même ! armé de bonne volonté, débordant d’énergie, trouvant chaque jour de nouvelles idées pour essayer de s’en sortir, (et ce n’est pas un velléitaire, il s’applique véritablement à les mettre en œuvre avec ardeur et confiance), généreux en plus ! voilà un gars qui se démène comme un beau diable … et rien ne marche ! Évidemment le côté humoristique de la pièce fait que les idées en question sont loufoques et irréalisables.
Mais si on transpose dans la réalité, on est obligé de penser aux artistes du spectacle vivant. Combien sont-ils, bourrés d’idées (et souvent de talent), débordants d’enthousiasme, passionnés, pleins d’ardeur, un peu fous (mais ne faut-il pas l’être pour s’engager dans cette voie), bataillant (pacifiquement, bien sûr !), travaillant d’arrache-pied, et qui n’arrivent même pas à décrocher leur “statut” d’intermittent ? Allez faire un tour à Avignon ! C’est impressionnant, ce foisonnement, cette énergie qui se dépense sans compter. Mais combien de Simon Labrosse parmi tous ces artistes ?