SE RASSEMBLER. À COYE, À CHANTILLY, À PARIS....
L’homme n’est décidément pas un solitaire. Lorsqu’une émotion l’atteint, il cherche ses compagnons de cordée pour la partager et trouver une aide, un soutien, un réconfort. C’est sans doute là, entouré de tous ses « frères humains » qu’il comprend le sens du mot fraternité. Ces dernières journées en ont donné une étonnante démonstration.
Depuis le 7 janvier, les citoyens se rassemblent.
A Coye-la-forêt
Dès le jeudi 8 janvier à midi, au moment où dans toute la France, pendant une minute, le silence s’est « entendu », le maire François Deshayes a rassemblé les habitants sur la place entre mairie, école et église. Via internet, affichettes, téléphone, l’information avait bien circulé depuis la veille et la place était remplie. Sous la pluie battante, les Coyens n’ont pas hésité à venir, l’air grave, émus, rassurés de retrouver solidaires voisins, connaissances, associations… adjoints et conseillers municipaux. L’église sonnait le glas…
Devant le mur de l’école, sous le drapeau – il y avait aussi le père noël accroché à son échelle – le maire fut sobre et bref, invitant chacun à se recueillir pour un hommage aux victimes : « Je maintiens la réception des vœux samedi car, au lieu de se terrer, nous devons continuer à vivre et à nous rassembler pour clamer haut et fort notre révolte, notre sentiment d'horreur et notre solidarité. »
A Chantilly
Vendredi 9 à partir de 17heures, Eric Woerth, maire de Chantilly et président de la communauté de communes, ainsi que Dominique Louis-Dit-Trieau, conseiller municipal d’opposition, avaient ensemble appelé les habitants de l’aire cantilienne à un « rassemblement républicain et œcuménique » sur la place du marché. Les commerçants alentour avaient affiché le carton de deuil Je SUIS CHARLIE. Des affiches rappelaient les noms et les visages des victimes des attentats. Quelques bouquets et bougies vacillantes, ciel gris plombé. La nuit venait et la place se remplissait.
Entouré par les maires des communes voisines, ceints de leurs écharpes tricolores, le maire de Chantilly a affirmé d’emblée avec force combien, en ces circonstances, il n’était plus question de droite ou de gauche mais d’une résistance commune à ce qui menace la démocratie, en « répondant avec dignité à la barbarie ». « Je suis Charlie, nous sommes Charlie », concluait-il. Ces mots reviendront ensuite comme un leitmotiv au cours des multiples prises de parole qui suivront. Car ce qui était particulièrement impressionnant dans ce qui était vécu par tous sur cette place, c’était le sentiment que l’unité entre les hommes était possible, au moins pendant quelques minutes. Les représentants des différents cultes, les lycéens, les élus, les journalistes, chacun a voulu témoigner. Oubliés pour un temps les clivages politiques ou religieux, au profit de la fraternité.
« La fraternité est plus forte que la haine », a poursuivi Dominique Louis-Dit-Trieau, suivi par le pasteur anglican de la communauté d’anglophones de Chantilly qui choisit la prière pour répondre à la violence et se dit « solidaire avec vous ».
Le représentant du Conseil du culte musulman en Picardie affirme avec puissance son horreur devant « la barbarie » et en appelle à la solidarité et à l’unité nationale.
Le curé de la paroisse de Chantilly : « Je suis là en tant qu’homme, je suis là en tant que prêtre pour ceux qui souffrent… Avec vous aujourd’hui, je suis Charlie, nous sommes Charlie. »
Le représentant de Karim Aga Khan, chef de la communauté ismaélienne : « La défense du pluralisme est un impératif sacré. »
Le représentant de l’association culturelle israélite cite le sixième commandement de la Thora : « Tu ne tueras point… Tu choisiras la vie. »
Le représentant du directeur d’Oise Hebdo intervient au nom des journalistes : « User et abuser de la liberté et de la fraternité… La liberté d’expression est un droit fondamental énoncé dans la Déclaration des droits de l’homme dès 1789… La république et la démocratie seront vainqueurs. »
Deux lycéens de Chantilly ont été les derniers à s’exprimer d’une voix ferme : « Nous sommes Charlie, nous faisons face à la terreur. »
Avant de demander une minute de silence, Eric Woerth égrène les noms des 12 personnes abattues mercredi 7 janvier :
Frédéric Boisseau, agent de maintenance
Franck Brinsolaro, brigadier au service de protection
Jean Cabut, dit Cabu, dessinateur
Elsa Cayat, psychanalyste
Stéphane Charbonnier, dit Charb, dessinateur
Philippe Honoré, dit Honoré, dessinateur
Bernard Maris, économiste
Ahmed Merabet, policier du 11° arrondissement
Mustapha Ourrad, correcteur
Michel Renaud, fondateur du festival Les Rendez-vous du carnet de voyage à Clermont-Ferrand
Bernard Verlhac, dit Tignous, dessinateur
Georges Wolinski, dessinateur
A l’heure où il parle, il ne sait pas encore que l’attentat antisémite de la porte de Charenton a fait quatre autres victimes : Yoav HATTAB, Philippe BRAHAM, Yohan COHEN, François-Michel SAADA. Et que la mort de la jeune policière Clarissa JEAN-PHILIPPE, à Montrouge, est à imputer à la même volonté de destruction.
Après la minute de recueillement, l’assistance se disperse et l’on entend dire ça et là : « A dimanche à Paris. »
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