Concert « Solidarité Coye »
Samedi 28 novembre 2015
W.A. Mozart, A. Vivaldi, J. Haydn, J.S. Bach
La salle Claude Domenech a affiché complet samedi dernier. Répondant à l’appel du Collectif « Solidarité Coye » en soutien aux réfugiés, beaucoup de monde s’est déplacé afin de manifester son empathie envers les victimes des violences guerrières. La situation de tous les réfugiés et de leur famille est en effet préoccupante. Les combats ont brutalement chassé de leur patrie de nombreux habitants de notre planète ; leurs enfants, pris avec eux dans l’enfer des armes, ont subi de surcroît les périls de l’exil. En priorité ils ont besoin d’un toit. Cette situation d’actualité a convaincu les artistes musiciens professionnels coyens membres du collectif d’offrir un concert en leur faveur. A cette cause, ils ont associé trois amis musiciens et collègues au sein de l’Orchestre de Chambre de Paris, qui ont joint leurs talents respectifs. Ils ont présenté ensemble un programme de musique de chambre d’œuvres représentatives de compositeurs du XVIIIe siècle parmi les plus reconnus et les plus populaires : Mozart, Haydn, Vivaldi et Bach.
Après quelques paroles d’introduction par Mme Uzan et une minute de silence en hommage aux victimes des récents attentats, le concert a débuté avec le Quatuor n°3 en do majeur K285b pour flûte, violon, alto, violoncelle de Wolfgang Amadeus Mozart. Dès le premier mouvement Allegro, l’assistance a pu apprécier l’excellence de l’exécution proposée par les interprètes Marina Chamot-Leguay à la flûte, Claire Paruitte au violon, Anna Brugger à l’alto, Benoît Grenet au violoncelle. Le petit groupe donne une impression de facilité quasi aérienne dans cette pièce gracieusement colorée par une flûte très souple. Le second mouvement Andantino confirme le bonheur initial et y ajoute une qualité d’allure champêtre ; et comme il s’agit d’un thème suivi de variations, le public savoure dans ce décor paisible les merveilleux méandres dessinés pour chaque instrument par Mozart.
Le Trio n° 28 (Hob.XV.16) en ré majeur de Joseph Haydn unit ensuite le piano à la flûte et au violoncelle. Pour raison de maladie, le violoncelle remplace ici avec élégance le basson d’origine. Malgré le handicap du changement et des répétitions imprévues, le trio de musiciens fait face avec brio aux trois mouvements de cette pièce bien représentative de l’art de Haydn par sa construction et sa clarté. Une mention spéciale pour le jeu de Béatrice Falangon au piano : on ne dira en effet jamais assez à quel point les lignes limpides de Haydn (et de Mozart) sont difficiles à articuler et demandent une concentration épuisante. Mention aussi pour le piano Pleyel des TRHT qui a gardé son charme malgré de longs et loyaux services auprès des élèves de l’Ecole de Musique.
Pour la même raison d’absence de basson, Claire Paruitte et Anna Brugger interprètent ensuite une pièce de Mozart en remplacement du quatuor pour basson prévu : le premier mouvement de l’un des deux duos pour violon et alto de Mozart, écrits en 1783. C’est une heureuse découverte car, bien que la prodigieuse habileté de Mozart soit connue, on ne se doute pas a priori que l’agencement de seulement deux voix instrumentales en contrepoint puisse produire un accord harmonique aussi riche. L’entrelacs subtil des cordes exprimé avec précision par les deux musiciennes s’avère être un joyau acoustique. Par conséquent, une nouvelle raison d’admirer Mozart (ici à 27 ans) s’ajoute à d’innombrables autres.
Il est par ailleurs intéressant d’entendre Mozart et Haydn avant Vivaldi et Bach, et de saisir ainsi la différence entre le style naissant « classique » et « le style « baroque » qui, en réalité, le précède. Jean-Sébastien Bach fut lui-même curieux de la musique de Vivaldi, son aîné de sept ans, au point d’en recopier manuellement plusieurs œuvres importantes.
Le Concerto n°2 « La Notte » RV 439 en sol mineur pour flûte et cordes d’Antonio Vivaldi fait apparaître sur scène une sixième interprète, la jeune Marie Duquesnoy qui apporte le renfort d’un second violon aux trois autres cordes. Comment décrire l’énergie et la jeunesse de cette musique flamboyante que le public reconnaît grâce à son apparentement aux célèbres Quatre saisons ? Le phrasé et la virtuosité de Marina Chamot-Leguay à la flûte solo y sont enthousiasmantes. Le dynamisme du petit orchestre à cordes constitué entraîne une adhésion évidente aux six mouvements, trop courts pour rassasier l’appétit des auditeurs dont certains s’appliquent à trouver dans ce morceau la description promise de « La Nuit » avec son sommeil, ses songes, interrompus par l’éveil final du jour.
Enfin Jean-Sébastien Bach termine en majesté le concert avec des extraits choisis dans la Suite n°2 en si mineur BWV 1067, vedette des grands répertoires, suite de danses contrastées dont il est difficile de méconnaître la très fameuse « badinerie » finale. La flûte solo de Marina Chamot-Leguay y est royale, de nouveau virtuose dans ces pièces toutes de légèreté rythmique, témoignant, s’il en était besoin, de l’étendue de l’univers maîtrisé par le génial compositeur. La Badinerie est évidemment bissée pour le bonheur d’un public ravi qui comprend un bon nombre d’enfants et d’auditeurs adultes peu attirés d’ordinaire par la musique classique.
Gageons que cette expérience a donc été pour les participants une réussite complète, qu’elle a conquis de futurs auditeurs et qu’elle a prouvé que la musique, accordant les humains et les engageant à l’altruisme, est un langage capable de remplacer avantageusement toute parole. Un grand merci s’impose donc aux organisateurs et aux six excellents interprètes de cette manifestation musicale d’exception.
Musiciens : Alto : Anna Brugger
Violoncelle : Benoît Grenet
Violons : Claire Paruitte, Marie Duquesnoy
Flûte : Marina Chamot-Leguay
Piano : Béatrice Falangon
Galerie Photos : Concert « Solidarité Coye »
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