Qu'elle est verte ma campagne !
Ça y est ! Chacun est parti en campagne.
Il fut une époque où je ne sais quelle lessive lavait "plus blanc que blanc" ; désormais tous les candidats sont "plus verts que verts". Il est grand temps ! On ne peut que se féliciter de cette évolution des mentalités et espérer que les promesses, bien qu'insuffisantes, seront suivies d'effet.
Et donc, plus vert que vert, chaque candidat se doit de reprendre à qui mieux mieux des mesures qui désormais, heureusement, sont évidentes pour une majorité de gens et qui de toutes façons, tôt ou tard, s'imposeront par la loi (introduction de la nourriture locale et bio dans les cantines scolaires, traitement des biodéchets, etc.) ; et de faire des promesses unanimement consensuelles, en tout cas sur le papier, comme par exemple planter des arbres. On ne peut que se réjouir si, désormais, au lieu d'abattre des arbres on décide d'en planter.
À propos de verdure, je voudrais relever, car c'est une opinion largement partagée, une affirmation figurant au programme d'une des listes. On peut y lire : Le meilleur (et unique à ce jour) moyen de limiter le réchauffement climatique est de planter des arbres partout où cela est possible. Nous nous engageons à planter des arbres partout où nous le pourrons pour limiter les ilots de chaleur pendant les périodes de canicule.
Alors voilà bien une proposition consensuelle qui ne déplaira à personne et nous dédouanera gentiment de notre responsabilité individuelle et collective dans le phénomène du changement climatique.
Cette phrase m'a fait réagir, car si planter des arbres est "le meilleur (et unique moyen)" de lutter contre le réchauffement climatique, on peut sans scrupules continuer à circuler en voiture (de préférence SUV ou 4x4, avec climatisation) pour faire la plupart du temps des sauts de puces ; on peut sans état d'âme prendre l'avion pour partir en vacances (éventuellement plusieurs fois dans l'année) ; on peut sans se poser de questions manger de la viande deux fois par jour (avec une prédilection pour le bœuf ou le veau) ; on peut chauffer à 22 °C des logements courants d'air ; on peut consommer des produits frais venant de l'autre bout du monde et des produits manufacturés suremballés, sans utilité réelle, jetables après usage ; on peut acheter neufs des vêtements que l'on met trois fois (et encore) ; on peut sans hésitation changer de téléphone tous les deux ans et attendre avec impatience la venue de la 5G ; on peut exiger le droit d'avoir tout, tout de suite, sa livraison en 24 h chrono et son film en streaming… en un mot, on peut ne rien changer à nos habitudes. Plantons des arbres partout et ne modifions rien dans nos modes de vie ! On a planté des arbres et tout va bien !
Ayant quand même l'intuition que cette affirmation sur le "meilleur moyen" de lutter contre le changement climatique était une contre-vérité, j'ai interrogé Sylvain Chevillard sur le sujet, car il a étudié ces questions de très près (notez dès à présent qu'invité par La Sylve, il viendra faire une conférence sur "Le réchauffement climatique", le 25 avril à 15 heures au centre culturel). Voici sa réponse :
"C'est factuellement complètement faux.
C'est une confusion entre la question du stockage du carbone atmosphérique (réduction du CO2 présent dans l'atmosphère) et la question de limiter le réchauffement climatique.
Pour le stockage, il est vrai qu'on n'a pas mieux à ce jour que planter des arbres (ou des prairies, mais celles-ci en revanche n'auront pas l'effet de réduction des îlots de chaleur). Mais les arbres pompent beaucoup moins vite que ce que nous envoyons dans l'atmosphère en brûlant des carburants fossiles !
Pour limiter le réchauffement climatique, le meilleur moyen est de ne pas brûler des énergies fossiles : charbon/gaz/essence. Et cela ne dispense pas, en sus, de planter des arbres pour compenser une partie de ce que l'on émettra tout de même en matière de gaz à effet de serre (GES).
Dans tous les scénarios de limitation du réchauffement climatique à des seuils raisonnables, il faut *drastiquement* réduire les émissions de GES *et* planter des arbres. Mais en tout cas, si l'on devait ne faire qu'une seule de ces deux choses, il vaudrait mieux la première."
Donc la seule question qui vaille d'être posée aux candidats pour les élections municipales, c'est :
Quelles sont les mesures que vous comptez prendre pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, et donc pour limiter la consommation d'énergies fossiles ? Et quelles sont les mesures que vous comptez prendre pour inciter et aider vos administrés à en faire autant ?
Le sujet de réflexion proposé à la Convention citoyenne pour le climat créée au niveau national n'est autre que celui-ci : « Définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030 par rapport à 1990.»
C'est ce à quoi, en effet, il est urgent de réfléchir.
Et dans le même sens, il est urgent d'agir.
Quand je me souviens comment certains ricanaient gentiment quand il s'est agi de sauver les peupliers du Chemin des Vaches, je me dis que peut-être on progresse un peu.
Mais quand je constate que l'école du Centre est peu à peu grignotée par le commerce et qu'on transforme une cour de récréation pour les enfants en parking pour les voitures ; quand je comprends donc que le cœur de ville est toujours pensé prioritairement pour les automobiles et pas pour ce que l'on appelle les "mobilités douces" ; quand je compare globalement les sommes dépensées pour la voiture à celles consacrées au vélo ; quand je me rappelle qu'on a coupé il y a quelques années tous les arbres sur le parking de la gare et je n'ai pas entendu dire qu'on veuille en replanter à la place (je ne parle pas ici de ceux situés sur le talus de la SNCF abattus l'été dernier, mais, bel et bien des platanes et des bouleaux situés sur le parking lui-même, c'est-à-dire sur le terrain géré par le SICGPOV dont Coye-la-Forêt est partie prenante et Patrick Lameyre vice-président) ; quand je vois d'énormes cars à moitié vides et des flots de voiture particulières encombrer les rues du village ; quand je sais les résistances que rencontrent ceux qui demandent plus de bio, plus de local et moins de carné dans les cantines scolaires ; quand j'apprends que la simple idée de mettre de la vaisselle commune à disposition des associations au centre culturel est catégoriquement rejetée sans discussion et sans examen ; quand je remarque les déperditions de chaleur des bâtiments publics, la salle de judo-gymnastique construite il y a quelques années dépourvue de sas d'entrée, le hall du centre culturel surchauffé alors que la salle de spectacle est glacée ; quand je m'aperçois qu'une des préoccupations de tous les candidats est le développement de l'économie et du commerce, que donc les valeurs mises en avant sont la consommation et l'individualisme ; quand je lis que pour certains, l'important c'est "l'optimisation du village", mais que pour ceux-là il n'est jamais question de réseau associatif, de solidarité, d'entraide, d'économie circulaire, quand, mieux encore, les mêmes dénigrent le bricolage,
je me dis qu'on peut toujours planter des fleurs au pied des murs, on reste loin du compte.
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