C’est Pâques !
Il pleut à la fenêtre. De sombres averses abreuvent la terre entre les embellies d’un printemps prometteur. Les arbres se couvrent de tendresses luisantes. La moindre feuille flatte notre archaïque gourmandise d’herbivore, jusque-là bien cachée au profond des génomes. Une sève du fond des âges pousse dans la moindre parcelle de vie. Nos âmes sont en bourgeons. C’est délicieusement Pâques. On se grise aux serments bariolés des corolles et aux senteurs folles des pistils énamourés. J’adore les rituels. Leurs joyeux carillons déchirent le silence des pendules. Ils suspendent un instant l’implacable balancement des horloges du temps. Pâques, c’est la revanche sur la mort. La nature espiègle ressuscite en débordements adolescents. L’érotisme est vert. La luxure est luxuriante dans chaque floraison foisonnante de cerisiers roses et de pommiers blancs. Ou l’inverse ! On ne sait plus à quel sein se vouer, tout embués encore des appétits goulus du bébé grassouillet qui faisait tant plaisir à maman. Chacune rêve d’un chacun et chacun rêve d’une chacune. Les oreillers se plaignent. La vie est si belle qu’il est impossible de l’imaginer autrement que facile. Le regard doit rester braqué sur les promesses de l’aurore aux doigts de rose pour se remémorer nos vertes années. Aussi il faut se boucher les oreilles, se coller les paupières, s’écraser la bouche pour préserver la béatitude sacrée de Pâques. Un instant, s’il vous plaît, n’écoutons plus les sanglots que laissent sourdre les écrans médiatiques. Suspendons l’appel lancinant des souffrances de nos sœurs et de nos frères qui sombrent dans le sang et la sauvagerie des guerres. Accrochons-nous aux garde-fous des chants d’oiseaux, des bourdonnements d’abeilles, des buées du matin sur les prés, des sous-bois violets de jacinthes sauvages et des doux balancements des pampres des glycines et de ceux des lilas, s’ils ne sont pas encore coupés. Indispensable suspension de l’esprit. Au filet clair des fontaines, étanchons nos soifs de vérités premières. Ne serait-ce que par respect pour celles et ceux qui n’ont plus la chance de pouvoir le faire. Pâques se doit d’être une saine parenthèse. Faisons un plongeon dans le nectar existentiel qui nous élabore : ce mélange de ravissement devant le renouveau et de brouillard de mémoires d’enfants ébahis. Pâques, le printemps ! Dans chaque tige, des promesses d’avenir et dans chaque fleur, des rêves d’antan.
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