STABAT MATER FURIOSA...
De Jean-Pierre Siméon
Mise en scène de Rémy Chevillard
Assistant : Patrick Chevillard
Compagnie : Tous en scène
Ce dimanche 27 avril, j'ai choisi de ne pas céder à "l'appel de la forêt" et d'aller au théâtre voir une fois encore "Stabat mater furiosa".
Je ne pensais pas être à nouveau si émue, me sentir à nouveau si concernée par le poème de Jean-Pierre Siméon mis en scène par Rémy Chevillard. Depuis sa première à Coye-la- forêt en juillet 2018 je l'ai vu plusieurs fois, peut-être cinq... Et c'est à chaque fois une découverte, je remarque une lampe, une couleur de tapis, l'étoffe d'une robe, j'entends mieux les silences... j’entends mieux la poésie du texte, les musiques qui disent les douleurs des mères et des sœurs, des phrases que je reconnais, d'autres que je n'avais pas assez bien écoutées.
Rémy Chevillard a créé avec la troupe "Tous en scène" un spectacle complet. D'abord un texte. La poésie est là pour dire la barbarie des hommes, la souffrance et la colère des mères, comme l'amour et la beauté du monde. La poésie, comme la musique, est capable de tout.
Puis sept corps de femmes qui marchent, dansent, s'étreignent, ondulent, scandent la phrase. La force des gestes de femmes. Pour elles tout l'espace du plateau, sans limites, sans frontières, sans murs, c'est le monde. Le monde de la guerre, le fracas des armes, le martellement des bottes. Le monde de la paix du village où l'on cueille des olives, où l'on joue près du ruisseau, de la paix de la maison où l'on coud, repasse, nettoie. Les femmes savent tout faire, prendre soin, consoler, réparer, créer, aimer, enfanter, dire, hurler. Grâce à la conviction des comédiennes on les voit vivre.
La musique s'accouple à leurs mots, les enveloppe pour en intensifier la puissance et l'émotion. Elle crée un final magnifique, la marche des femmes devient une ronde dans laquelle on est pris, leurs bras se lèvent et dansent. L'allégresse nous étreint parce que les femmes triomphent... Les larmes ne sont pas loin...

Comme j'ai bien fait de ne pas aller en forêt. Car aujourd'hui, en avril 2025, cette pièce avait une autre dimension. En écoutant la liste interminable dressée par Jean-Pierre Siméon de la quarantaine de mots de notre langue qui désignent les objets que les hommes ont inventés pour tuer, et dont les dirigeants ont déjà passé commande car "il faut réarmer", en entendant cette liste se dérouler, on ne pouvait qu'être épouvanté. Pas un spectateur n'a pu éviter de penser aux guerres qui en ce moment se déroulent près de nous, personne n'a pu ne pas penser à l'Ukraine ou à Gaza, à tous les pays où l’on tue en ce moment, ni aux sombres nuées qui s'avancent et menacent.
Le théâtre n'est pas toujours gai... Moins que les clochettes de muguet en forêt.
Mais il faut qu'il soit là, même s’il dit parfois une réalité violente. On a besoin des mots.
et dans un théâtre nous les écoutons ensemble, ils nous rapprochent et nous partageons. Le fardeau est moins lourd car l'humain est toujours là, sur la scène, dans la salle, puis dans le hall quand nous nous regardons en sortant, et dans la rue Blanche quand nous rentrons, contents d’échanger avant de nous séparer sur ce qui nous a rassemblés pendant une heure salle Claude Domenech.
C'était une belle après-midi.
Représentation de la pièce en décembre 2019 à Coye-la-forêt :
http://coye29.com/blogs/blog2.php/2019/12/05/stabat-mater-furiosa
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