Rencontres de la bibliothèque : Ciné-philo
Jean-Jacques Rousseau commenté par Ollivier Pourriol
Suivi de Les surprises du 1er festival Art Nature
Samedi 21 avril, Coye-la-forêt a fêté le tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau. Pour commémorer l’événement et dans le cadre des manifestations soutenues par le Conseil général, Agnès Bouchard avait choisi une présentation intéressante et originale de l’auteur du Contrat social. Avec l’appui de la Médiathèque départementale et de Jean-Raphaël Rondereux – devenu un familier des « soirées de la bibliothèque » - la bibliothécaire de Coye-la-forêt a accueilli un hôte de marque, Ollivier Pourriol, agrégé de philosophie, romancier, essayiste et chroniqueur bien connu, pour traiter de la philosophie politique de Rousseau en l’illustrant d’extraits de films.
Le conférencier lance la réflexion à partir de plusieurs extraits du film de Terrence Malick, Le Nouveau Monde(2005). Les premières images montrent, vue par le regard d’un Anglais du XVII° siècle, une société d’Indiens en Amérique du Nord qui mènent une vie pacifique et dont les relations harmonieuses sont réglées par la nature, tandis que l’extrait suivant décrit les conflits entre les colons anglais. Cette opposition conduit naturellement à la question traitée par Rousseau dans le Contrat social : à quelles conditions une société juste est-elle possible ? Le philosophe, dit Ollivier Pourriol, s’intéresse au monde tel qu’il pourrait être et donne « la définition parfaite d’une société juste », qui sert alors de point de référence. « L’indignité serait qu’en théorie la société juste ne soit pas possible ». La société parfaite doit être vue comme une sorte d’étalon auquel peuvent se mesurer les autres sociétés et qui permet d’évaluer à quel stade de dégradation, par rapport à cet idéal, ces dernières se situent.
Alternant avec les commentaires du philosophe invité, suivront d’autres extraits :
La ligne rouge, de Terrence Malick, montre la guerre dans le Pacifique entre Japonais et Américains, tandis que vit là une tribu de Mélanésiens qui ignorent un conflit qui ne les concerne pas. Mélanésiens et Américains se croisent sans se voir. L’autre n’est pas reconnu comme l’ennemi. L’homme, selon Rousseau, ne devient un ennemi que lorsqu’il menace le corps social. Et tout citoyen devient soldat quand le corps social est menacé. Risquer sa vie est le prix à payer pour la liberté garantie par le pacte social.
300, film de Zack Snyder (2007) décrit l’éducation spartiate - tout citoyen doit acquérir les capacités d’être soldat -, puis le combat de 300 Spartiates contre les Perses à la bataille des Thermopyles. Le mur parfait des boucliers spartiates, commente Ollivier Pourriol, représente l’ordre humain. Les citoyens s’unissent en libre association contre ceux qui menacent leur corps social, alors que les armées perses, structurées par la peur, s’élancent au combat dans le désordre et poussant des cris d’animaux.
La guerre des mondes, de Steven Spielberg (2005), montre une société qui disparaît, où l’homme est à l’état de nature, animal prêt à tout pour survivre, privé de morale. Le lien social a été dégradé.
Les questions de Rousseau, conclut le philosophe invité, peuvent être posées à toutes les sociétés, ses idées inspirent tous les hommes libres et continuent d’être subversives. Ce n’est pas pour rien qu’il fut un écrivain persécuté, harcelé, qui dut déménager une quarantaine de fois.
Le public de Coye-la-forêt a eu la chance de vivre deux heures très denses partagées entre abstractions et images où les questions posées par Rousseau et mises à jour par le conférencier, faisaient écho à celles que peut se poser tout citoyen à la veille d’une élection. A quel homme, à quel parti politique puis-je faire confiance pour instaurer la société la plus juste possible, la moins éloignée de la société idéale décrite par Rousseau ?
Bibliographie :
Ollivier Pourriol recommande quelques lectures :
- Alain : Mars ou la guerre jugée (1921)
- Simone Weil, L’enracinement ou Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain (1943). Un livre qui mérite de rester à notre chevet, dit le philosophe invité.
A la bibliothèque, les ouvrages d’Ollivier Pourriol :
Mephisto valse, roman 2001
Polaroïde, roman 2006
Cinéphilo, essai 2008
Eloge du mauvais geste, essai 2010
Vertiges du désir. Comprendre le désir par le cinéma, essai 2011
Sur Jean-Jacques Rousseau et les derniers mois de sa vie à Ermenonville, se reporter aussi à la conférence de Jean-Claude Curtil organisée à Coye par La Sylve en octobre 2009.
GALERIE PHOTOS : Rencontres de la bibliothèque : Ciné-philo
Les surprises du 1er festival Art Nature
Un air très vieux, languissant et funèbre…. Gérard de Nerval
La philosophie, cet après-midi du 21 avril, avait été confinée dans une petite salle du hameau des clubs. Public très nombreux, pas assez de chaises, confort limité, atmosphère étouffante compte tenu du grand nombre de personnes rassemblées. Dommage ! La philo et les philosophes auraient mérité de meilleures conditions… Mais le centre culturel entier était occupé par des rassemblements de tuniques vertes et de couronnes de fleurs ! L’association La clairière des sources avait convié le druide Bran du et toutes les associations coyennes à se réunir pour une journée art et nature. La municipalité s’était mobilisée, tentes blanches partout, édification de huttes de branchages, buvette, tombola, barbecue des chasseurs, jusqu’au PNR lui-même qui présentait un hôtel à insectes.
Quittant donc la philosophie du siècle des Lumières et le petit le hameau des clubs, je découvre au soleil couchant le spectacle inattendu et hors du temps offert aux Coyens. Sur l’herbe mouillée par la pluie du jour, femmes coiffées de feuillages et de fleurs… badauds rassemblés autour d’une gente dame mélancolique qui chante en s’accompagnant à la guitare. A ses pieds – charmant tableau – une petite fille, elle aussi couronnée de fleurs, offre un bouquet… Aux premiers rangs de l’assemblée, je reconnais le président de la Communauté de communes de l’aire cantilienne, Eric Woerth lui-même. Fichtre ! Ainsi que Patrice Marchand, Conseiller général du canton de Chantilly, président du Parc Naturel Régional. Diable ! Monsieur le maire de Coye-la-forêt, Philippe Vernier est à leurs côtés, assisté de quelques adjoints. Oh ! Qu’y a-t-il donc de si important, de si considérable dans le village pour qu’un tel aréopage soit réuni ?
Je me dis : Tiens, c’est une reconstitution de Nerval. Mais il manque le clair de lune.
J’approche.
On plante un arbre.
Un arbre ! A Coye-la-forêt ! A côté de la forêt !
L’arbre de la liberté ? Il faut comprendre, je sortais de chez Rousseau… Et je me disais qu’à la veille des présidentielles certains avaient envie de rappeler l’héritage révolutionnaire. Pourtant la cérémonie ne ressemblait pas à une initiative UMP.
L’arbre de mai avec un peu d’avance ? Dans le monde celtique, le 1° mai est la fête de Beltaine, la grande fête celtique du dieu Bel, équivalent du dieu gaulois Belenos. Non, on n’était pas chez les Gaulois. Y aurait-il des druides à l’horizon ? Je ne vois pas de tuniques blanches. Wikipedia me dit que les Celtes dansaient autour de cet arbre pour chasser les mauvais esprits. On ne peut soupçonner nos édiles de se livrer à des rites païens condamnés en leur temps par l’église. A moins que… pour écarter le péril socialiste… Nous étions à la veille du premier tour des présidentielles…
Dans le monde occitan, l’arbre de mai était dressé devant la maison de l'élu qui, en remerciement devait régaler généreusement ses électeurs. Non, la cérémonie n‘avait pas lieu devant chez Monsieur Vernier ! Heureusement pour lui.
Alors… cet arbre ?
Je me renseigne. C’est l’arbre du rassemblement, me dit quelqu’un. Ah bon ? Rassembler quoi ? Rassembler Coye !
Coye aurait besoin d’être rassemblée. La plantation d’un arbre était donc censée favoriser ce rassemblement de Coyens, qui, comme chacun sait, sont gens méfiants, hostiles et souvent en train de guerroyer. A Coye, on ne s’associe pas, on ne se rassemble pas, on reste chez soi. Le Coyen ne sort pas, reste au coin de son feu, il est connu pour être incapable d’adhérer à une association, il préfère de loin sa solitude. Peuvent en témoigner les Très Riches Heures de la Thève, La Sylve, Les Compagnons de le Reine Blanche, l’Association des familles, le Festival théâtral, Convivialité, SOS+, et j’en passe. Je ne vous lasserai pas avec une énumération d’associations exsangues et désespérées de n’avoir point d’adhérents.
Voyons donc si le jeune tilleul planté face à la fresque murale du hameau des clubs rassemblera…
En attendant, quelle aubaine pour l’UMP de se rappeler aux électeurs, fussent-ils druides ou bardes, à la veille d’une élection. Tilleul ou pas tilleul, cela ne se refuse pas.
PARTAGER |
Laisser un commentaire