Pour Médecins Sans Frontières, le Théâtre de l’Alambic
Le collectif Solidarité Coye poursuit son action en faveur des réfugiés. Comme les reportages l’ont montré, la situation de ceux-ci reste très douloureuse et difficile dans le Nord et le Pas-de-Calais. Pour cette raison le collectif a décidé de soutenir les interventions de Médecins Sans Frontières aussi bien dans la « Jungle » de Calais et à Grande-Synthe qu’en Grèce. Grâce au Théâtre de l’Alambic l’objectif a été atteint.
Venus d’Amiens, les comédiens ont offert de se produire bénévolement sur le plateau de la salle Claude Domenech, dimanche 13 mars, avec la pièce de Philippe Lacoche, L’Écharpe rouge.
Médecins Sans Frontières
Avant le spectacle, les interventions de deux membres de MSF ont permis aux spectateurs solidaires dans cette action en faveur des réfugiés de mieux connaître le sens des interventions de MSF dans le Nord, ainsi que la situation de ceux qui y vivent dans la précarité et la détresse.
Marie-Hélène Jouve
Marie-Hélène travaille aux ressources humaines de l’ONG et, de ce fait, est à l’écoute de celles et ceux qui partent et reviennent de mission. « MSF est intervenue tardivement dans la « Jungle » de Calais, dit-elle. D’abord parce qu’une action médicale, telle que MSF la pratique hors de France, n’avait pas sa place là-bas, ensuite parce que la situation n’était pas aussi dramatique au départ qu’elle l’est devenue maintenant. La présence de MSF à Calais et à Grande-Synthe a donné une plus grande visibilité à toutes les nombreuses associations qui s’étaient déjà engagées. »
Élise Vergriete
Infirmière, Élise vient d’effectuer pendant trois mois à Calais sa première mission pour MSF.
« Ce que l’on appelle la Jungle, explique-t-elle, est une grande bande de terrain de 4 km2 à proximité du port, attribuée aux migrants il y a un an. Auparavant, ceux-ci étaient disséminés çà et là, où ils pouvaient. La ville a mis quelques douches sur ce terrain et a donné mandat à l’association la Vie active pour mettre du personnel à disposition, proposer des repas, quelques soins, etc. Il y a entre 500 et 700 douches par jour (6 minutes par personne) pour une population qui a atteint l’été dernier 6 000 personnes, un petit service de santé avec un médecin, un psychiatre et une infirmière à temps partiel.
Qui sont les migrants ? Surtout des hommes assez jeunes, entre 25 et 35 ans. Il faut être jeune pour entreprendre un tel trajet, poursuit Elise. Fuyant la guerre ou le régime, ils viennent du Soudan, d’Afghanistan, d’Iran, de Syrie, d’Irak, les communautés kurdes sont majoritairement installées à Grande-Synthe. Plusieurs centaines de mineurs isolés, de 15, 16, 17 ans… se retrouvant seuls à la suite de circonstances hasardeuses ou dramatiques. Maison détruite, parent disparu, arrêté… Ils ont des histoires de vie incroyablement tristes. Que veulent-ils tous ? Rentrer chez eux.
J’ai passé trois mois là-bas, j’en suis partie le lendemain du début du démantèlement.
MSF a travaillé dans plusieurs directions : d’abord installé un dispensaire de soins avec des infirmiers, des médecins, des psychiatres, des traducteurs. Ce sont entre 120 et 150 consultations par jour, on soigne les plaies, les fractures, les abcès, la gale…
Ensuite une équipe « water and sanitation » a fourni 90 WC chimiques (il n’y avait que 30 toilettes) et s’est occupée aussi du ramassage des déchets. On entend dire : « Ces gens sont sales, sentent mauvais, ils ne ramassent pas leurs déchets. » Que l’on regarde ailleurs l’état des lieux après un festival de musique ! Il faut essayer de se mettre à leur place, considérer ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils supportent, une certaine compréhension est nécessaire pour vivre dans ce lieu hors du temps.
L’objectif de MSF est de mettre l’État devant ses responsabilités. Nous avons fait pression sur l’hôpital de Calais pour qu’il reprenne le dispensaire, et la passation a eu lieu le 29 février. Mais on sait bien que ce sera différent. Au dispensaire, nous faisions un peu de social, on offrait du thé, on créait des liens. Certains passaient nous voir juste pour parler.
Le démantèlement de ce que l’on appelle la zone Sud de la jungle (en fait, les trois quarts du camp) a eu lieu depuis le 1° mars. 1 500 places sont prévues dans les containers, qui se présentent comme des cellules avec six lits superposés (et 500 dans des grandes tentes de plusieurs dizaines de lits de camp). MSF continue néanmoins à être présente sur la Jungle (permanences de soins psychologiques et de kinésithérapie).
Que deviendront tous ces gens ? demande Elise. Le démantèlement est en quelque sorte un retour à la case départ, certains vont dans le nord du camp, retournent en périphérie de Calais, ils sont épuisés, perdus. L’objectif est de les répartir sur le territoire français dans les Centre d’Accueil et d’Orientation (CAO). C’est un peu de répit pour réfléchir, certes, mais quand ces locaux fermeront que se passera-t-il ? Tous pensent à leur pays, ils veulent tous y retourner à la fin des conflits. Ils étaient étudiants, agriculteurs, ingénieurs… ils avaient certains moyens, avaient fait des études.
Quand on a vécu trois mois à Calais, on en part pour reprendre des forces, la coupure est nécessaire. Mais on y revient. Il est difficile de s’en détacher », conclut Elise.
« A Calais, termine Marie-Hélène, on essaie de penser autrement. Les gens sont de passage, ils ne veulent pas de projet de vie sur place. MSF est obligé d’être modeste et apprend beaucoup des autres acteurs, s’appuyant sur de nombreuses organisations locales. »
Après les témoignages de Marie-Hélène Jouve et d’Elise Vergiete, un temps de silence a été bienvenu pour que, regardant autour de lui, le spectateur redécouvre la salle de spectacle et se dise qu’une pièce de théâtre allait se jouer.
L’Écharpe rouge, de Philippe Lacoche
Théâtre de l’Alambic
Mise en scène de Jean-Christophe Binet
Il s'agit d'un drame policier oscillant entre Simenon, Ionesco et la Gazette du Nord.
La trame est simple : un cadavre ensanglanté gît sur scène ; peu avant sa mort, l'homme assassiné est secoué par un rire irrépressible qui éberlue un passant, Hubert Mulot (quel patronyme!), le seul témoin. Ce dernier porte une éclatante écharpe rouge qui intrigue et attire l'œil notamment celui du commissaire Dambrine qui va procéder à un interrogatoire musclé. Un peu pervers voire homosexuel, cet inspecteur! Qu'a vu le témoin ? Que sait-il? Qu'a-t-il à révéler? Rien. Vraiment rien...
Autour des deux protagonistes (Philippe Bennezon en témoin, et Thierry Griois en Inspecteur) gravitent des personnages non moins intéressants : une narratrice omniprésente et imperturbable (Véronique Van der Sype), un brigadier masqué et grotesque (Gian-Domenico Turchi), une remarquable chanteuse accordéoniste (Bernadette Briaux), et un guitariste (Nicolas Legoix), qui plongent le spectateur dans l'ambiance des ports où marins cosmopolites et xénophobes exorcisent leurs démons.
Quiproquos, renversements de situation, allusions politiques grotesques ou égrillardes maintiennent la vigilance du spectateur. Amusé, intrigué par de curieux symboles, il s'interroge, par exemple, sur les chaussettes rouges, écharpe-rouge, culotte courte de la jeunesse nazie portée par Mulot...Réfléchissons!
Bref! Un spectacle déjanté, drôle, cocasse!
Merci à Philippe Lacoche, aux interprètes, à toute l'équipe pour leur engagement solidaire et pour le plaisir procuré aux spectateurs en ce dimanche de printemps.
Coup de chapeau aux régisseurs de la troupe, Régis Leclercq et Christophe Ribes, ainsi qu’à Rémy et Patrick Chevillard qui ont assuré dès la veille l’installation des éclairages, enfin à Françoise Cocuelle, imprimeure à Chantilly qui a offert les affiches.
Grâce à tous, Paul Uzan, trésorier de l’association, a eu la satisfaction de remettre à Marie-Hélène Jouve et Elise Vergriete la recette de la représentation dédiée aux « missions migrants » de Médecins Sans Frontières.
Complément d’information (Source : MSF)
En mars 2016, plus de 4 000 migrants vivraient encore dans le bidonville de Calais, cette fameuse « Jungle » que l’Etat français souhaite résorber. La destruction annoncée de la zone Sud de la Jungle a débuté le 29 février et était quasiment achevée le 16 mars. Ce démantèlement a été émaillé de violences. Les autorités françaises souhaitent désormais démanteler la zone Nord de la Jungle, où 75% des migrants évacués de force de la zone Sud seraient désormais retranchés. Ce surpeuplement de la zone Nord risque de faire resurgir les tensions communautaires. Ainsi, le 16 mars, des affrontements ont eu lieu entre migrants.
MSF continuera aussi d’attester des violences subies par les migrants et étendra ses activités de santé mentale, notamment aux mineurs isolés.
MSF a aménagé une nouvelle antenne dans la zone Nord : sous deux abris en bois, nos équipes dispensent des soins infirmiers et psychologiques et délivrent des certificats médicaux aux victimes de violences.
Entre novembre 2015 et février 2016 : 8 416 consultations médicales dispensées (25% pour des infections respiratoires et 20% pour des cas de gale, beaucoup de 15-18 ans) ; 54 consultations pour « violences non accidentelles » (39 d’origine policière, 15 intra-migrants ou par des « civils ») et rédaction de 20 certificats médicaux ; 1 154 consultations pansements ; 43 consultations psy (majorité de troubles anxieux et de syndromes dépressifs modérés) ; 727 consultations kiné (54% pour des lombalgies et dorsalgies aigues ou chroniques) ; 897 références & 2 082 vaccinations contre la rougeole (taux de couverture d’environ 50%)
Les activités logistiques - encore très importantes il y a quelques semaines (installation de latrines et de points d’eau, collecte des ordures, construction de plus de 200 abris en bois) - sont en phase finale.
La situation des 4 000 migrants encore présents sur la Jungle est explosive. Seules 1 900 places sont disponibles dans les centres d’Etat du camp de Calais et elles sont déjà occupées.
MSF suit de près les mouvements de migrants, consécutifs aux expulsions de la Jungle, sur toute la région Nord, où plusieurs autres camps, plus petits (de quelques dizaines à quelques centaines de personnes), existent.
MSF est en cours de passation de son dispensaire sous containers de Calais aux services de l’hôpital de la ville. MSF continuera néanmoins à être présente sur la Jungle (permanences de soins psychologiques et de kinésithérapie).
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