Un premier tour sous la menace du Covid-19
Le perturbateur
Le 15 mars, un dimanche d’élections dans une ambiance inhabituelle et anxiogène.
L’épidémie du coronavirus Covid-19, dont maintenant vous connaissez tous l’histoire, a débuté en décembre 2019 à Wuhan en Chine et prend dans les mois qui suivent une envergure mondiale. Le premier cas en France a été signalé dans l’Oise, à la fin du mois de février. Des mesures ont été prises progressivement par le gouvernement pour freiner la contagion, d’abord dans certaines communes de l’Oise et du Haut-Rhin, l’interdiction de rassemblements et la fermeture d’écoles, collèges et lycées. Puis le 9 mars, la fermeture de toutes les écoles dans ces deux départements.
A quelques jours du scrutin des municipales, le jeudi 12 mars, le président de la République annonce la fermeture, dans la France entière et les départements d’Outre mer, de tous les lieux d’enseignement, ainsi que celle des bars, restaurants, commerces — hors alimentation, pharmacie… —, comme l’interdiction de rassemblements de plus de 100 personnes….
Mais il maintient le déroulement des élections municipales. Inconséquence ? Incohérence ? Calculs politiques ?
À Coye-la-forêt, revenons-y, la campagne électorale avait été vidée de ce qui en fait d’habitude l’attrait, à savoir les réunions publiques au cours desquelles les candidats présentent leurs programmes et se soumettent à la question. Joutes verbales, échanges parfois vifs, les listes assurent leur promotion. Occasion aussi de se retrouver entre habitants et amis pour une forme de spectacle dans la salle Claude Domenech. Les Coyens furent donc privés de cette distraction.
Le vote
Pourtant, le dimanche, ils se sont quand même rendus dans les deux bureaux de vote. Des dispositions avaient été prises pour assurer leur participation, en rassurant sur l’absence de risque de contagion : fléchage pour aller se laver les mains — on y est plaisamment invité par la préposée — rideau de l’isoloir à moitié fermé — prière de ne pas le toucher —, stylos à bille individuels pour les imprévoyants qui avaient oublié le leur, gardiens de l’urne et des registres masqués. Silence dans les rangs, peu de monde… Au cas où, à certaines heures, il y aurait affluence, des bandes de sparadrap rouges et blanches, espacées d’un mètre, signalaient les intervalles à respecter entre votants. Et à la sortie, un pschitt de gel hydro alcoolique maison qui ne sent pas très bon.
Comment, avec un tel appareil, pourrait-on être contaminé ? Il n’empêche que les Coyens furent fort réticents à venir mettre leur bulletin dans l’urne, car sur 3 047 habitants inscrits sur les listes, à peine une moitié, 1 485 exactement, s’y risqua.
Le dépouillement à 18h
L’opération étant délicate ce jour-là, la plupart des « scrutateurs » se masquèrent et se gantèrent. Généralement, les Coyens aiment bien suivre le déroulement de la séance et viennent en nombre. On discute, on commente, parfois si intensément que le meneur de jeu fait entendre un « Un peu de silence, s’il vous plait. » À une époque, il n’y avait pas de barrières entre les tables de dépouillement et le public, qui avait loisir de tourner autour d’elles librement. C’était bon enfant, détendu.
Mais ce soir-là, presque aucun badaud n’arpente la salle 2. Aucune animation. Les barrières sont inutiles.
En l’absence du directeur général des services, Philippe Vernier, ancien maire, est venu prêter main forte au maire sortant/candidat pour le comptage des voix et toutes les vérifications et écritures qui doivent en découler. Quatre scrutateurs par table. L’un ouvre l’enveloppe, tend le bulletin au voisin qui lit le nom à haute voix, puis le pose sur l’un des trois tas. Les deux autres compagnons de table tracent des petits bâtons et comptent. Bien vite, on se rend compte qu’il y a un tas de bulletins beaucoup plus important que les deux autres. La victoire est prévisible, les défaites aussi. Sourires chez les uns, mine déconfite chez les autres.
Peu de monde pour suivre l’opération jusqu’à 19h30. A cette heure-là, les amis, les supporters, les curieux finissent par arriver. Ils ont manqué le plus important, l’attente, l’observation — on scrute ! —, l’anxiété, les regards entre colistiers. C’est cela, le plaisir du dépouillement.
Les résultats vont tomber. Le maire est là et attend les totaux du second bureau de vote pour l’addition finale. La salle se remplit, puis se vide aussitôt, car les spectateurs filent à l’extérieur, côté jardin. On peut fumer et parler à voix haute. Et puis on a l’impression que le virus en plein air est moins dangereux. Abolis les écarts d’un mètre.
C’est donc en plein air, à l’arrière de la salle 2, que François Deshayes annonce les résultats et sa victoire : 23 candidats élus, dont 13 anciens membres de la majorité sortante — de François Deshayes lui-même à Franck Dupont. Ovations, cris, applaudissements, les fans se pressent autour du maire reconduit dans ses fonctions. Des postillons ont dû valser… Aux oubliettes le virus. Et tout finit par l’ancien cri de guerre des footballeurs : « Atchik atchik atchik, aïe aïe aïe », gestes virils à l’appui !
Et pendant ce temps-là, les opposants des deux listes n’ont pas le sourire bien sûr. Seuls deux candidats par liste siégeront : Pour LREM, Patrick Lameyre et Natacha Muzard. Pour la liste de gauche, Ensemble pour Coye, Alain Mariage et Cécile Malet.
Une défaite, en politique comme au football, ce n’est jamais un bon moment. On rentre donc chez soi, amer. On ne sait pas encore que le surlendemain on y sera confiné.
Les chiffres
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Voter est un acte civique que je n’ai jamais manqué (quitte, parfois, à voter blanc).
Mais ce jour-là, s’abstenir d’aller voter était aussi une preuve de civisme. Ce n’était pas seulement (pour ce qui me concerne, ce n’était pas du tout), la crainte d’être contaminée, mais la protestation contre une décision politique incohérente, alors que le corps médical depuis des jours lançait des messages d’alerte ou même des appels au secours et ne cessait de réclamer des mesures fortes de confinement.
Car comme il est dit dans l’article, si toutes les précautions étaient prises à l’intérieur des bureaux de vote, bien évidemment et c’était à prévoir, il y avait à l’extérieur concentration des personnes et oubli des règles.
Personnellement, en m’abstenant, j’ai voté ce jour-là pour les médecins (et tout le personnel soignant) contre les politiques.