Comment bien gérer les eaux de pluie à Coye ?
Il y a presque deux ans, la municipalité de Coye-la-Forêt, en liaison avec le PNR (parc naturel régional) a engagé une réflexion sur le traitement paysager des eaux de pluie dans l'espace public. Pour cela, elle a fait appel au bureau d'études « À l'air libre », spécialisé dans ces questions, qui a consciencieusement arpenté tout le territoire communal afin de suggérer des améliorations en matière de végétalisation et désimperméabilisation : ce sont des mots difficiles à prononcer, et pour certains difficiles à concevoir, et pourtant ce sont les maîtres-mots en matière d'aménagement urbain, c'est ce à quoi nous devons nous employer résolument, pour des raisons à la fois pragmatiques, réglementaires et écologiques.
Gérer les eaux de pluie à la parcelle, c'est le mot d'ordre qui s'impose à nous, en tant qu'individus et en tant que collectivités locales. Il faut savoir que les projections en ce qui concerne l'évolution du climat dans nos régions prévoient des étés de plus en plus chauds et secs, voire caniculaires (nous en avons eu un aperçu en cet été 2022), mais les autres saisons, elles, pourraient être d'avantage pluvieuses avec, notamment, des épisodes de précipitations abondantes et violentes. Il faut donc anticiper : à la fois éviter les inondations et permettre aux nappes phréatiques de se recharger. Le meilleur moyen est de changer nos pratiques. Aujourd'hui : pavés jointifs, revêtements imperméables, macadam, béton ; c'est net, propre et sans bavure ; pas un brin d'herbe ne peut se glisser dans ce monde minéral ; l'eau de pluie ne traverse pas, elle ruisselle, on l'évacue vers l'extérieur, dehors, plus bas... et que les autres, en aval, s'en débrouillent ! Ou bien on canalise, on envoie l'eau de pluie dans des tuyaux qui la rejetteront plus loin. Mais dès lors que les intempéries sortent un peu de l'ordinaire, les installations d'évacuation saturent, les débordements provoquent des dégâts qui coûtent cher, aussi bien sur le plan psychologique pour ceux qui les subissent de façon directe que sur le plan financier pour l'ensemble de la collectivité.
Même sans ces épisodes exceptionnels, l'eau de pluie qui ruisselle se salit en cours de route, elle se charge de tous les déchets que, volontairement ou pas, nous laissons traîner derrière nous et de toutes les impuretés qui imprègnent la voirie (poussières, hydrocarbures, produits chimiques, huiles, particules plus ou moins fines, pollutions de toutes sortes liées aux transports et à l'ensemble des activités humaines, agricoles, industrielles ou domestiques....). Tout cela contribue à faire de l'océan une poubelle gorgée de plastique, de métaux lourds et de produits chimiques. Il nous faut donc envisager, dans toute la mesure du possible, une gestion des eaux de pluie à la source, c'est-à-dire qu'elles doivent être récoltées et infiltrées là où elles tombent. C'est à la fois moins cher et plus efficace. Sachant que dans le mot infiltré, il y a filtre, et qu'effectivement l'eau se purifie en pénétrant dans le sol et en traversant les différentes couches jusqu'aux nappes souterraines.
Enfin les surfaces minérales imperméables, surtout lorsqu'elles sont de couleur sombre, accumulent la chaleur quand le soleil tape et la restituent pendant la nuit. Pour lutter contre les ilots de chaleur en ville, il est nécessaire de prendre en compte ce que l'on appelle l'effet "albedo" : plus une surface est foncée plus elle absorbe le rayonnement solaire et donc plus elle emmagasine la chaleur. On constate à Coye-la-Forêt que l'ensemble de la voirie, chaussée et trottoirs, était recouverte, il y a quelques années, d'un revêtement rouge brique ce qui d'ailleurs, du point de vue esthétique, donnait un cachet très particulier et caractéristique à notre commune. Las, au fur et à mesure des travaux et des réfections, le noir envahit et enlaidit l'espace public.
Pour limiter la chaleur en ville, il faut végétaliser le maximum de surfaces possible et planter des arbres. Un mur sur lequel pousse une vigne vierge est un mur qui, même en plein sud, en plein soleil, en plein été, reste à l'ombre toute la journée. Il est significatif par exemple que, depuis 2020, un texte de loi du Bade-Wurtemberg en Allemagne interdise les "jardins de pierres", mettant fin à cette mode paysagère qui consiste à couvrir de cailloux plus ou moins grands et plus ou moins sombres les espaces autour des maisons et des bâtiments publics, cherchant ainsi à étouffer toute herbe folle, fleur, arbre et buisson. Ah bien sûr, c'est plus facile à entretenir ! Nous sommes pourtant bien placés à Coye-la-Forêt pour savoir que les arbres apportent de la fraîcheur. Les jours de grosse chaleur, ceux qui travaillent à Paris ressentent immédiatement, quand ils descendent du train, la différence de température de plusieurs degrés entre la ville d'où ils viennent et la campagne où nous sommes. Malheureusement il leur faut monter dans leur voiture brûlante puisque tous les arbres du parking ont été abattus il y a une dizaine d'années par le SICGPOV*, la SNCF achevant ce travail néfaste, quelques années plus tard, en supprimant les arbres sur les quais et sur le talus le long de la voie ferrée (voir notre article "Sncf, c'est possible !") Au contraire, aussi bien pour retenir l'eau pendant les épisodes pluvieux que pour limiter la chaleur pendant l'été, il serait important de replanter des arbres sur toute la superficie des parkings de la gare.
Faut-il attendre que les catastrophes se produisent et se multiplient pour que les autorités prennent en compte les contraintes écologiques ? Il est nécessaire de modifier nos habitudes, d'inverser les tendances qui étaient celles du siècle dernier. Nous avons intérêt à le faire le plus tôt possible en anticipant l'évolution du cadre réglementaire, avec toujours à l'esprit l'inéluctabilité du changement climatique, puisque nous n'avons pas pris à temps les mesures qui s'imposaient pour l'éviter ou du moins pour en atténuer les effets. Aujourd'hui la réglementation n'est pas encore trop contraignante, mais il est à prévoir qu'elle sera de plus en plus stricte. Et il est vraisemblable que les traitements de désimperméabilisation coûteront de plus en plus cher au fur et à mesure qu'ils deviendront plus urgents. En outre il est actuellement possible de bénéficier de subventions proportionnelles aux surfaces rendues perméables. Alors il nous est conseillé de prendre les devants (manière de parler pour des mesures qui sont très en retard par rapport à la menace climatique annoncée depuis cinquante ans).
On pouvait espérer que c'était le raisonnement tenu par la municipalité de Coye-la-Forêt quand elle a fait appel à un bureau d'études pour réfléchir sur ces questions et fixer les priorités en la matière. La société « À l'air libre » a formulé un certain nombre de recommandations, non seulement sous forme de conseils d'ordre général, mais aussi très précisément, rue par rue, par l'indication d'aménagements possibles à réaliser : il serait envisageable par exemple de récupérer et stocker les eaux de pluie ruisselant des toits de tous les locaux sportifs (halle aux sports, salle de tennis couverts, salle de judo et même vestiaire de foot) pour arroser la pelouse du terrain de foot, les terrains de tennis découverts et le jardin partagé. Il serait souhaitable de libérer les tilleuls du bas de la rue d'Hérivaux de leur enrobage de bitume imperméable. Parfois des mesures assez simples peuvent être efficaces pour mieux retenir les eaux de pluie : enlever les bordures des trottoirs d'ores et déjà végétalisés ; sur les trottoirs et les zones de stationnement, partout où c'est possible, remplacer les enrobés imperméables par des sols stabilisés mais poreux.
Mais qu'est-ce qui a été réalisé concrètement depuis que le bureau d'étude à rendu ses conclusions ? À part, ce qui est déjà très bien, remplacer les jardinières de la rue Blanche par des espaces plantés légèrement en creux par rapport à la chaussée, le même type d'aménagement ayant été également créé sur le chemin des Vaches (vers les jardins familiaux) et dans l'allée des Sangliers (vers la halle aux sports) ? Quoi d'autre ? À l'inverse des conseils de bon sens qui nous ont été prodigués, la rue de la Charmée et le bord ouest de la place Blanche ont été recouverts de bitume noir (voir notre article : "Noir c'est noir").
Gardons l'espoir ! Depuis plusieurs années, il est prévu que le SICTEUB** doive procéder à la séparation des eaux de pluie et des eaux d'égouts (dites « eaux sales ») dans toute la partie ouest de l'agglomération (rue de l'Orée du Bois et Demeures de France), ce qui est une obligation légale depuis 2012. Envoyer les eaux pluviales à la station d'épuration d'Asnières-sur-Oise représente un gaspillage considérable et un coût important qui se répercute dans les impôts. Afin de faire d'une pierre deux coups, il est conseillé, chaque fois qu'il faudra défoncer la chaussée et effectuer des travaux de voirie, d'en profiter pour procéder à une perméabilisation maximale des surfaces afin que les eaux de pluie s'infiltrent partout où c'est possible et qu'on ne rabatte dans les tuyaux que ce qui est résiduel. Il faut autant que possible préserver cette ressource naturelle qu'est l'eau de pluie.
Il est évident que ce changement de politique urbaine a un impact sur les paysages (certains trouveront que les rues sont moins propres), mais l'important, c'est qu'il soit bénéfique pour l'environnement et la biodiversité. Aussi bizarre que cela puisse paraître, araser les trottoirs pour les remplacer par des noues, c'est aller vers le progrès. Grâce à une gestion de l’eau de pluie au plus près de son point de chute, avec des solutions passives, c'est-à-dire ne dépendant pas de pompes, vannes, réservoirs, filtres mécaniques et tuyaux de toutes sortes – ces dispositifs réclamant de l'énergie et risquant à tout moment de s'encrasser, s'obstruer, tomber en panne, dysfonctionner d'une façon ou d'une autre, ce qui impose une surveillance et un entretien coûteux – les noues, larges fossés peu profonds, aux pentes douces engazonnées ou plantées de buissons, ou même d'arbres lorsque l'espace est suffisant, les noues permettent de lutter à la fois contre les inondations et contre les sécheresses. Ce serait envisageable, par exemple, place Blanche.
Les préconisations valables dans l'espace public sont évidemment également valables pour nos jardins privés : il est recommandé de recueillir au maximum les eaux de pluie afin de les utiliser pour les arrosages en période de sécheresse (et c'est autant d'économies réalisées sur les factures d'eau potabilisée). Ainsi l'eau de pluie, de déchet qu'on cherche à évacuer, se transforme en ressource.
Actuellement, on cite souvent Crépy-en-Valois comme modèle de gestion urbaine dans ce domaine. Malheureusement Coye-la-Forêt, avec notamment un cœur de ville très minéralisé, est bien loin d'être exemplaire. Espérons qu'à l'occasion des travaux du Sicteub et de l'organisation du nouveau plan de mobilité, les conseils prodigués par la société « À l'air libre » seront suivis d'effet. Sinon, à quoi cela sert-il de payer (souvent fort cher) des études si c'est pour les ranger dans un tiroir et n'en pas tenir compte ?
* SICGPOV : Syndicat intercommunal de gestion des parkings d'Orry-la-Ville.
** SICTEUB : : Syndicat intercommunal de collecte et de traitement des eaux usées dans le bassin de la Thève et de l'Ysieux
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