LA VIE EST UN SONGE
De Pedro Calderon de la Barca
par le Théâtre de la Lucarne
Mise en scène : Claude Domenech
Un roi isole son fils que les augures destinent à être violent et sanguinaire s’il règne. Sacrifice quasi biblique. Voyant sa fin venir le roi lève cette sanction sous condition : le fils saura-t-il régner sans violence sous peine de retour dans la tour ?
L’homme est il prédestiné, sa vie est-elle écrite dans le ciel, les étoiles, ou ailleurs ? L’homme peut-il lire cette destinée, en modifier le cours par le rêve peut-être, ou n’est-il là, pantin, que pour en dérouler le texte ? Sa croyance aveugle en son dieu « destinée » ne le conduit-elle qu’à provoquer la réalisation de cet oracle ? Sa lecture des astres ne le conduit-elle qu’à se soumettre à une volonté extérieure statique, puissante, modulable selon sa lecture humaine du moment, lecture qu‘il se croit imposée par son destin ou qu’il s’impose ? L’homme a-t-il perdu son libre arbitre ?
Le roi aveuglé par la lecture des astres se soumet à leur dictature jusqu’à cette lueur de lucidité, début ou fin de son songe, qui le fera, pour défier le cours du temps, mettre en doute ce dieu tout puissant.
Sigismond, dans son rêve prémonitoire ou sa réalité première, obéissant à la violence de la prédiction, acquiert l’expérience de la vie. Il en modifiera le cours et dominera sa destinée prophétique. Mais était-ce vraiment la violence, sa destinée première ? Sombre réalité imposée ou triste songe de son père ? Ne retrouve-t-il pas son caractère original de noblesse promis à la couronne, de fils respectueux, tout cela travesti par un père aveuglé, sans confiance en son fils, confiant en sa puissance de vie et de mort sur autrui, confiant en ses augures à qui il confie sa liberté, statut de commandeur ?
A cette cour de Pologne, tous les caractères se retrouvent, et chaque acteur y tient parfaitement son rôle: la fougue et la puissance sauvage dans un premier temps puis la force et la noblesse réconciliées de Sigismond, l‘amour vengeur de Rosaura, la dignité du roi, la droiture de Clotald, le réalisme libre du bouffon qui ne semble pas rêver, le sens de la dynastie d’Astolfe mais la rouerie de cet homme qui n‘aime qu’avec un titre de noblesse en dote, et les deux pieds sur terre des gardes.
La simplicité de la mise en scène contraste avec la vigueur du texte. Les couleurs de la lumière le soulignent.
Surprenante fin de rêve ou de songe où en quelques répliques, tout se finit comme chez Molière. La vie ne serait que rêve, songe ou comédie ? C’est vrai, nous sommes au théâtre, parenthèse pour s’affranchir de la réalité, tout n’est que rêve ou songe.
Quel magnifique texte et réalisation pour débuter ce 31eme festival.
Galerie photos : LA VIE EST UN SONGE De Pedro Calderon de la Barca
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2 commentaires
Commentaire de: Marie Louise Membre
Commentaire de: Françoise Visiteur
Un texte pas facile me suis-je dit en réservant ma place il y a quelques semaines.
Pourtant, servi par des comédiens convaincus et convaincants, ce texte m’est apparu ce soir très moderne. Une mise en scène très soignée, de la poésie, de l’humour, de la violence bien maîtrisée, et une chute où tout se finit bien comme dans les comédies
de Molière. Ce n’est pas une illusion c’est la réalité, et j’ai passé une très bonne soirée !
Merci à Monsieur Domenech et bravo à sa troupe de comédiens .
Un Grand Texte, c’est une belle ouverture pour le Festival. Ce qui est intéressant c’est de voir que trois siècles après, ces mêmes questions sur notre vie nous touchent autant. La souffrance que nous éprouvons, la colère qui s’empare de nous, les poussées d’orgueil, il est apaisant de se dire qu’elles s’évanouiront quand nous nous réveillerons. Et quelle sera notre vie lorsque nous serons ds le sommeil de la mort?
Bravo au Théâtre de la Lucarne qui s’est confronté avec succès à ce texte difficile. Des acteurs convaincus et bien présents, servis par un très bel éclairage, sur fond de rideau rouge. Très belle scène qui montre le monologue final de Sigismond, dans la lumière, tandis que tourne autour de lui, dans une autre lumière celle à qui il pense et ne voit pas.
Mention spéciale au personnage de Clarin interprété avec une grande aisance par Laurent Saint-Germier. C’est le bouffon, celui qui fait oublier les graves questions, qui se croit à l’abri derrière sa fenêtre d’où il observe le monde et le champ de bataille. La mort le trouve pourtant dans son abri.